(Marla) La vie est une garce, mais on vit avec

« Qu’est-ce qu’il y a ? T’en fais une tête bizarre, ça ne va pas ? » me demanda Allison, ma meilleure amie, en me voyant sortir de la salle de bain, la mine déconfite. « J’ai du retard ! » je lâche, avec un pauvre sourire. « Ah merde, de combien ? » me demande-t-elle. « Deux jours ! », je réponds, avec un autre pauvre sourire. « Deux jours, c’est rien, c’est peut-être une fausse alerte ? » me dit-elle, compatissante. Je hausse les épaules. « J’ai jamais de retard ! » que je réponds, l’air profondément paniquée. « T’a qu’à faire un test, au moins, tu seras fixée ! » me lance-t-elle, je hausse à nouveau les épaules, sans répondre. « Tu veux que j’aille t’en acheter un ? » me demande-t-elle. Je soupire, avant de hocher la tête, soulagée. Allison sauta sur ses pieds, enfila un pullover et attrapa son sac à main avant de se ruer sur la porte de la chambre que nous partagions à l’université. Deux secondes après, elle était de retour. « J’ai oublié mes chaussures ! » me dit-elle en riant. Je pouffais, mon amie pouvait être un vrai pitre quand elle le voulait. Elle chaussa rapidement une paire de basket, les miennes, puis sortie dehors. J’eu l’impression qu’une éternité s’était écoulée lorsqu’elle revint dans la chambre, quinze minutes plus tard. Elle me lança la boîte du test que je rattrapais sans peine, avant de me rendre à nouveau dans sa salle de bain. « Alors ? » cria-t-elle, à peine avais-je refermé la porte en sortant. « Deux minutes ! Je viens juste de pisser dessus ! » je dis, en lui donnant un coup sur la tête avec la boîte. Plus qu’à attendre. C’était long ! Je m’étais assise le long de la porte de la salle de bain, Allison avait mis le réveil à sonner dans deux minutes. Deux minutes, dans une vie, c’est rien, pourtant, là, elles s’écoulaient, telles des heures. Quand enfin, la sonnerie de l’alarme retentis, je fis un tel bon que je lâchais le test. Mon amie le rattrapa au vol, avant de me le tendre, l’air presque suppliant. En tremblant, je le retournais pour regarder le résultat. « Oh non ! » fis-je, les larmes aux yeux. Allison me l’arracha des mains. « C’est peut-être une erreur ! C’est pas fiable ces trucs-là ! » me dit-elle. Elle voulait être gentille, mais je savais qu’il n’y avait pas d’erreur, j’étais enceinte. Je sentais au plus profond de moi. Je n’avais pas encore vingt ans, j’étais en première années d’études à l’université et j’avais un polichinelle dans le tiroir. L’horreur. La poisse. « Tu vas faire quoi ? » me demanda Allison. « Il faut d’abord que j’en parle avec Tom ! » je réponds. Tom, Thomas de son vrai prénom était mon petit ami depuis la seconde et je ne me voyais pas avec un autre que lui. Jamais.

J’ai donc aussitôt téléphoné à mon homme, je ne voulais pas lui en parler au téléphone, mais de vive voix. Nous n’étudions pas dans la même université, aussi, c’était plutôt rare que l’on se voie pendant la semaine, il était donc surpris que je veuille à tout prix le voir ce soir-là, mais il avait accepté. Il n’arrivait jamais à me refuser quoique ce soit, d’ailleurs, c’est simple, en quatre années, on ne s’était jamais disputé. Mais une heure avant notre rendez-vous, il devait me rejoindre dans un petit café près de mon université, il m’appela pour me dire qu’il devait annuler, sa sœur n’allait pas bien. Bien évidemment, j’étais déçue, mais je comprenais, et on décida de se voir le lendemain. Je pouvais bien attendre une journée, n’est-ce pas ? Sauf que cette journée n’aura jamais lieu. J’étais restée dans ma chambre avec ma meilleure amie, on s’était passé un film, et aux alentours de vingt-trois heures, alors qu’on s’apprêtait à se mettre au lit, mon téléphone portable se mit à sonner. C’était Norah, la sœur de Tom. Surprise qu’elle m’appelle, surtout à une heure aussi tardive, j’ai décroché, légèrement hésitante. Je n’ai rien compris à ce qu’elle me disait, elle était bouleversée. Et pour cause, Tom venait d’avoir un accident et il était mort sur le coup. J’étais tellement choquée que c’est seulement le lendemain que j’ai compris ce qui s’était passé. Le frère et la sœur s’étaient disputés, en soit, rien de méchant, j’ai un frère ainé, je sais ce que c’est. Tom, furieux, était donc parti avec son meilleur ami à une soirée et il avait pas mal bu. Trop bu. Il était tellement déchiré que son pote a dû le faire sortir en douce de la fête, bien sûr, il n’a pas voulu le laissé prendre le volant, alors c’est lui qui conduisait. Il venait d’avoir son permis de conduire, il pleuvait des trombes d’eau et la visibilité était mauvaise, il a perdu le contrôle du véhicule, et ils sont mort tous les deux. Tout comme la conductrice de la voiture qui arrivait en face. Un dramatique accident de la route, titrons les journaux. Je dois l’avouer, quand j’avais demandé à voir Thomas, c’était pour lui annoncer la nouvelle de cette grossesse accidentelle et aussi pour lui dire que je ne voulais pas le garder. J’étais trop jeune et lui aussi, et surtout, je n’étais pas prête. Pas plus que lui, j’en étais persuadé. Mais le jour des obsèques, j’ai changé d’avis. Ce petit être qui grandissait dans mon ventre, c’était une partie de Tom et pour ainsi dire, la seule chose qui me restait de mon petit ami. Alors le lendemain, je suis allée voir sa sœur et ses parents pour le leur apprendre. Ils étaient choqués, surtout sa mère. Mes parents aussi avaient été choqués, qui ne le serait pas ? Mais ils ont bien pris la nouvelle. Et ont décidé de m’aider, de prendre soin de moi, comme l’aurait fait Thomas. De moi et de mon bébé à naitre.

J'ai terminée ma première année d'études sans trop de difficultés et mon fils est né en septembre. Je m'étais arrangée pour prendre une année sabbatique afin de m’occuper convenablement de lui. Un an après sa naissance, je reprenais les chemins de l’université, mais je travaillais également à temps partiel dans une boutique de lingerie. Ma famille avait une bonne situation, mais je ne voulais pas complètement et toujours dépendre d'eux. C'était donc la solution idéale, en attendant que je ne termine mes études et devienne professeur, comme j'en rêvais. Je vis dans un petit appartement avec Tommy ; c'est comme ça que j'ai appeler mon petit garçon ; et pendant que je travail ou que je suis en cours, ma mère le garde, quand ce n'est pas sa marraine, Norah. Je n'ai, certes, pas la vie dont j'avais toujours rêvé, mais je fais avec et je suis heureuse, malgré tout. Bien-sûr, Thomas me manquera toujours, mais ce n'est pas à me repliant sur moi même qu'il reviendra.