Un hurlement résonnait dans le service de maternité de l’hôpital de Oslo en Norvège. Nous étions le 1er février 1995, la neige tombait sur la ville dans la noirceur de la nuit. Une femme était en train de mettre au monde son seul et unique fils. Au bout d’un certain temps paraissant interminable pour la future mère, celui qui est connu aujourd’hui sous le nom de Elias Madsen pointa enfin le bout de son nez. Et oui c’est comme ça que t’es arrivé là, dans ce monde de brute. Tu n’étais qu’une simple erreur, un gamin non désiré, une connerie de deux ados à une soirée. Et maintenant qu’allais-tu devenir ? Ta mère ou comme tu préfères l’appeler l’inconnue t’a abandonné sous X ce jour là, dans cet hôpital. Et entre toi et moi, commencer sa vie de cette façon ne présage rien de bon.
Comme je le disais, rien de bon ne se présageait et je ne me suis pas trompé. Tu as été placé en orphelinat à quelques mois à peine. A un an, une famille est venue t’adopter. Ils étaient riches, mais ne pouvaient pas avoir d’enfant et entre toi et moi il aurait mieux valu qu’ils s’abstiennent. Tu as tenu huit ans avant que les services sociaux ne te récupèrent. Malheureusement la richesse n’apporte pas la bonne éducation, ça non. Au début tout allait bien, puis tu as commencé à grandir, à devenir un gamin trop curieux, à poser des questions sur ta famille. Tu es devenu ingérable, trop colérique, une vraie tête brûlée. A l’école, tu étais toujours le premier à te bagarrer, à ne pas écouter. Ta famille adoptive n’a pas supporté avoir un gamin comme ça. Tu leur tapais sur le système alors ils ont rien trouvé de mieux que se défouler sur toi, pour te calmer qu’ils disaient. Ouais ça doit être ça. Sauf que ça t’a pas calmé loin de là. Ça t’a endurcit à la longue, si bien que tu ne t'es pas arrangé. A neuf ans donc te voilà de retour au foyer ou comme tu aimes l’appeler la cour des miracles, un bordel sans nom là dedans. Tu n'arrêtais pas de faire le con, tu as fini par être trimbalé de foyer en foyer, les premiers pouvaient passer, puis comme une nouvelle épreuve de la vie, tu as commencé à te retrouver dans des familles biens pourris. Entre les coups qui pleuvaient, les insultes et les fugues à répétition, tu pouvais être qu’instable. Je crois que tout ça, ça t’a abîmé en dedans. Tu jouais les gros durs à quinze ans à peine, à l’école, dans la rue, dans tes nombreux foyers. Tu t’es forgé un caractère puis tu es devenu un gamin sans peur.
A seize ans tu connaissais tes premières soirées, tes premières grosses conneries. Tu n'as pas fais dans la dentelle, ça non. Avec ton sale caractère et tes mauvaises fréquentations tu as réussi à te mettre dans de beaux draps. Alcools, soirées à gogo, filles, une vraie débauche. Tu remettais ça presque tous les soirs, à boire à ne plus se souvenir ce que tu fais et avec qui. Tu as fini un paquet de fois chez les flics, ce qui n’a pas été du goût de ta « famille ». Du coup tu ramassais, et plus tu ramassais plus tu recommençais, comme un besoin d’être toujours dans le dur, dans les prises de tête. Tu voulais pas être écrasé, non toi tu te laissais jamais faire. Tu répondais toujours quitte à rendre les coups quand tu pouvais. Tu étais vraiment un sale gosse. On a essayé de te recadrer maintes et maintes fois, mais c’était déjà peine perdu. Tu avais plongé dans les vices. Tu en voulais toujours plus, sortir, boire, coucher était devenu vital pour toi. Il n’y avait que comme ça que tu pouvais tout oublier. Ton côté sombre s’était emparé de toi, ça a duré un moment avant que tu te calmes. Parce que oui, tu t’es calmé l’espace d’un temps, puis t’as recommencé.
Allez arrête de mentir, tu sais très bien ce qui t’as fais arrêté ces conneries. Tu es sur que tu ne t’en souviens pas ? Tu te souviens pas d’avoir croisé son visage d’ange à l’une de tes nombreuses soirées. Tu étais encore une fois déchiré et elle, elle venait d’arriver. C’était la petite nouvelle au sourire ravageur. Tu n'as pas pu t’en empêcher, tu as jeté ton dévolu sur elle et au final c’est toi qui t’es fais piéger. Tu te souviens comment c’était ? Intense, passionnel, fusionnel et colérique. En si peu de temps, tu es tombé accro comme un camé à son héroïne. Elle t’a touché en plein cœur et tu n’as jamais su comment. Ça t’es tombé dessus comme ça, sans même que t’y penses. Alors pour elle, tu as arrêté, tu as mis fin à toutes ces conneries, à toutes ces soirées. Tu n'avais jamais vécu ça, alors tu voulais faire les choses biens pour une fois. Son innocence t’a transpercé le cœur. Tu n’étais jamais tombé amoureux, et on peut dire que là, tu t’es bien rétamé. Votre histoire a duré longtemps, presque trois ans avant que la belle ne parte définitivement. Ça t’a totalement brisé, je crois même que tu n’es jamais arrivé à t’en remettre et que tu t’es jamais permis de retomber amoureux. Tu t’es fais démolir, ratatiner et c’est pour ça que tu t’es juré de plus jamais recommencer. C’est pour ça qu’aujourd’hui tu préfères tout foutre en l’air quand tu sens que tu t’attaches, tu préfères être le connard briseur de cœur plutôt que celui qui souffre. Quand on y pense, c’est un peu con. C’est vrai, en fait, t’es un vrai trouillard.
Elle, elle est partie et toi tu as recommencé tes conneries. Tu avais besoin d’air, besoin d’espace, besoin d’oublier. Alors tu t’es laissé sombrer peu à peu sans lutter. Tu vivais dans une énième famille, enchaînant les conneries, les frasques. Mais un événement a fais tout basculer. Tu rentrais encore de tes folles soirées mais ce soir là, tu n’étais pas éméché, tu étais plutôt bien. Mais comme à chaque fois, tu t’es fais tomber dessus par l’homme de ta famille adoptive. Ce soir là, tu as bien cru que tu allais mourir. Dans une rage folle, les coups n’ont cessé de pleuvoir, encore et encore. Si bien que t’es resté là, inanimé au sol. Tu t’es réveillé à l’hôpital sans trop comprendre ce qui s’était passé. Puis tout est revenu d’un coup. Ça a été un électrochoc, le réveil qu’il te manquait. A ta sortie, tu as décidé de tout quitter, de te barrer pour de bon, loin très loin d’ici. Tu as fais tes valises et tu as quitté ta ville natale sans aucun regret. Ton choix s’est porté à des milliers de kilomètres, Wellington en Nouvelle-Zélande. Là-bas, tu pourrais tout recommencer, repartir à zéro, reconstruire une vie. T’as galéré un long moment avant de pouvoir y arriver.
Aujourd'hui tu es âgé de vingt-trois ans, cela fait trois ans ans maintenant que tu as réussi à quitter Oslo pour Wellington, changement radical. Tu as réussi à obtenir ta nationalité depuis deux ans et tu te sens plus soulagé. Tu vis dans un petit appartement, seul, enchaînant les petits boulots. Pour l’instant, tu es barman et tu t’en contente. Le problème avec toi c’est que tu ne supportes rien, tu es toujours dans l’excès, tu détestes l’autorité le fait que quelqu’un puisse prendre le dessus sur toi. T’es un vrai petit con. Mais malgré ça, tu as réussi à trouver ta place. Tu tentes tant bien que mal à contrôler tes démons du passé mais cela n’est pas toujours facile. Ça t’arrive de faire du mal aux gens, de péter des câbles, de faire des trucs pas très net. Tu trames parfois dans de sales coups mais t’arrive toujours à te sortir de là. Tu ne parles jamais de ton enfance, ni d’ailleurs de ton passé. Tu te braques dès qu’on te questionne et devient un vrai connard. T’es pas commode comme mec, mais malgré tout t’arrive quand même à être bien entouré. Mais faut pas avoir peur de toi, parce que quand tu le veux tu peux être gentil, souriant et protecteur. Tu es un mec loyal et honnête. C’est pas de ta faute à toi si tu parais froid, distant et brutal, c’est la vie qui t’a appris à l’être, tu n'as pas eu le choix. Je crois d’ailleurs que c’est pour ça que maintenant tu la prends comme elle vient, ne cherchant pas à provoquer la chance.