"Drivin' a nightmare I can't escape from
Helplessly praying, the light isn't fadin'
Hiding the shock and the chill in my bones
Can you hear me screaming"
Tu ne sais pas tellement c'est arrivé. Oh que non. C'est juste ... Arrivé. Sans doute un verre de trop. La soirée de trop. Mais voilà. Ta peau frisonne à chacun de ses frôlements. Elle vibrerait presque. C'est presque irréel. Toi. Lui. C'est comme dans un songe onirique. Une possibilité non envisagée. Tu l'aurais pas cru. Pas même quand tu l'as découverte ce soir contre tes lèvres. T'as cru d'abord à une blague. Une très mauvaise blague. Mais en voyant son regard t'as compris. Parce que tu le ressentais aussi toi. Tout ça. Cette sensation si intense. Et tu t’étais laissée aller à ses lèvres. Vous deux seules dans cette chambre. C'est sans doute parti de là. Peut-être qu'inconsciemment t'accepter bien plus. Pas seulement que ce baiser. Qui sait ? Toi-même tu ne sais pas trop. Tu ne réfléchis pas trop. Tu ne peux pas. Parce que tu le vois arriver le moment. Encore un autre. Son regard se pose sur toi. Il est différent. Plus déterminé. Plus... Désireux ? Sans doute. Et c'est là. Ses lèvres capturent à nouveau les tiennes. Sans crier gare. Sans te demander. Tu ne le repousses pas. Tu n’as déjà pas repoussé sa main sur ton bras. Elle te frôlait. Te procurer des frissons. Mais son baiser... C'est autre chose. Une explosion. Un feu d'artifice. Les séries télévisées ne mentent pas. Parfois embrasser quelqu'un peut être comparé à un feu de joie. Tu le visualises très bien dans ta tête. Tellement que tu t'y abandonnes. Tu fermes les yeux. Non. Tu ne sais vraiment pas à quel moment ça a dérapé. Sans doute quand elle a commencé à parler de garçons. De vos situations. Tu ne le pensais pas. Mais elle aussi. Il a l'air autant chanceux que toi. Avec les amours. Ça te fait presque sourire contre ses lèvres. C'était presque ton propre salut ça. Mais tu n'y penses pas. Sans doute la bière. Ou encore les bruits assourdissants des feux d’artifice de ce soir encore retentissant dans ta tête. Vous avez beaucoup trop bu. Tu le savais. La tête dans les nuages te le témoignait assez. Mais tu t'en fiches. Ce soir, c’était votre soir. Tes pensées étaient bien trop embrouillées pour réellement penser. Tu finis par mettre tes mains sur son visage. Tu te laisses aller à cette étreinte. Ce n’était plus lui. Ou toi. Charlie. C'est juste vos deux désirs réunis. Votre besoin respectif d'affection. Est-ce réellement de l'amour ? C'est à se demander. Peut-être que vous vous comblez. Peut-être que vous recherchez simplement de l'amour. Lui le désavoué, et toi la mal-aimée. Ça ferait un bon titre de bouquin tiens. Mais tellement cliché. Mais tu te contentes de ça. Alors quoi ? Et demain ? Tu n’y penses pas. C'est trop loin ça. A des années lumières. Tu vis l'instant présent. C'est déjà ça. Tu peines à respirer contre ses lèvres. Mais tu n’as pas envie de te détacher. Parce que ça sera sans doute pour toujours. Alors tu t'accroches à son tee-shirt. Tu sais même plus. Ses mains se baladent. Sur ton corps. Sur tes cheveux. Ta respiration se bloque presque. Ton cœur s'arrête. Quelques secondes. Avant de repartir. Beaucoup trop vite. T'as l'impression qu'il sort de ta poitrine. Ça te ferait presque mal de le sentir battre si fort. Mais ça te rend si vivante. Tes lèvres sont encore contre les siennes. Elles se frôlent. « Je ne suis même pas sûre que ce soit réel... » mais il ne te laisse pas finir. Ses lèvres capturent à nouveau les tiennes. Tu n'es plus toi. Ou du moins t'arrives plus à l'être. Sans doute la passion de l'instant. Le désir presque éphémère. C'est là où vous avez dérapé. Qui aurait cru ça de vous deux ? Vous avez dérogé à vos propres rôles. Mais tu t'en fiches. Tu verras ça demain. Ou jamais. C'est bien aussi jamais. Tu te laisses entraîner. Oui. Parce que ce soir vous allez franchir la barre de l'interdit. Le paroxysme de votre relation. Cela aurait pu te donner le vertige. Mais tu as accueilli ce moment avec assurance. L’alcool sans doute. La situation aussi. Ou c'est peut-être lui. Sans doute des sentiments refoulés inconscients. Tu ne penses pas. Mais c'est probable. Tout peut arriver avec vous de toute façon. Alors tu laisses aller. Juste pour une soirée. Juste pour un moment. Et ça te fait tellement du bien. De ne pas penser. A demain. Aux conséquences. A tout en fait. Tu lâches prise. Tu tombes. Mais tu t'en fiches.
Les rayons du soleil caressent ta peau. La réchauffe et te sort doucement de ta torpeur. Tu n'ouvres pas les yeux. Pas encore. Instinctivement, ta main se heurte au froid glacial. Tu fronces les sourcils. Ta main cherche encore et encore. Mais elle ne trouve que le vide. C'est là que tout te revient. Comme une bonne baffe. Comme une descente aux enfers. T'en tremblerais presque. Lui. Mort. Accident. Toi. Seule. Tout te revient à présent. Oublier le temps d'une nuit était si simple. Si apaisant presque. Mais le retour à la réalité faisait mal. Très mal. Tes paupières s'ouvrent. Tes yeux s'adaptent peu à peu à la pièce ensoleillée. L'oreiller devant toi semble bien trop blanc. Vide de toute présence. Et ceux depuis quelques mois à présent. Un état que t'as du mal à envisager. A accepter. Surtout à en juger l'alliance que tu portes encore à ton doigt. Tu te relèves un peu légèrement. Tes cheveux tombent dans ton dos en cascade. Tu passes une main sur ton visage. T'aurais pas du boire ce verre de vin de trop hier soir. Le reste du vin trône encore dans son support. Le réveil est difficile. Toujours après un rêve comme celui-ci. Toujours le même. Celui de votre rencontre. Celui de votre amour. Celui qui fait le plus mal. Tu soupires un instant. Un autre jour se lève. Encore les mêmes obstacles à franchir. Se lever. Tenter de sourire. Faire sa vie. C'était si difficile parfois. Tu finis par tendre le bras vers ta table de nuit. Ton téléphone vibre. Jusqu'à t'en donner mal au crâne. Tu n'as pas besoin de voir le nom pour savoir qui t'appelles. Toujours les trois mêmes. Surtout un en particulier. Tes frères. Tu décroches.
« Allô ? » Un mot à peine sorti de sa bouche.
« Réveil difficile ? » S'il savait. Mais tu réponds pas. Pas de suite. A quoi bon. Il sait de quoi il en retourne avec toi. Il te connait trop pour ça. Il était ton frère après tout.
« Je me suis juste endormie sur mes dessins... » Tu mens. Parce que c'est plus facile. Parce que c'est ce que tu fais de mieux ces temps-ci. Il semble pas relever. Du moins, il croit à ton histoire. Ca évite les disputes. Les remontrances. De celles d'un grand frère trop protecteur.
« T'as encore trop travaillé, Charlie... » C'est vrai aussi. Tu ne sais même plus à quelle heure t'as fermé les yeux. Peut être une heure. Peut être deux. Qui sait réellement ? De toute façon l'insomnie était bien trop présente depuis ces derniers mois.
« Dans tous les cas, réveille-toi bien car je t'emmène ce matin. Et c'est non discutable. » Comme un coup électrique. Tu te relèves un peu mieux dans ton lit. Tu paniques presque. Pas que t'as peur du monde. Non. Mais tu ne peux pas. Pas maintenant.
« Jeff, je ... Non. Pas ce matin. » C'était trop dur. Affronter les regards. Regarder le monde heureux. C'était trop pour ton coeur encore meurtri.
« Charlie, faut que tu sortes. Que tu t'aères l'esprit. » Il avait pas tord. Et tu le savais. Et tu te détestais pour ça. Parce qu'au fond tu savais que tu t'étouffais toi-même. Que tu tournais en rond à en devenir folle. Mais tu l'étais déjà folle. Tout avait perdu sens déjà.
« Tu peux pas rester indéfiniment comme ça. Et tu le sais. Il n'aurait pas voulu ça tu sais... » Non. Il n'avait pas le droit. C'était injuste. A cette évocation, ta gorge se serra. C'était encore trop frais. Les mots refusaient de sortir de ta bouche. Tu l'ouvris.
« ... » Pour finalement la refermer. T'avais rien à répondre à ça. Parce qu'il avait raison.
« Sors, bordel. Parce que c'est pas toi, cette fille. Celle qui se cache dans son appartement. Celle qui ne sourit plus. Sois la fille dont il est tombé amoureux, Charlie. Essaye de vivre. Pour lui. Pour toi. » C'était trop. Doucement, une larme coula sur sa joue. Son coeur loupa un raté. Il n'avait pas le droit. Il ne comprenait pas. Il ne pouvait pas comprendre. Personne ne pouvait comprendre. Il ne vivait pas ça. Il ne connaissait pas la douleur incessante. Cette souffrance permanente qui te donnait envie de t'arracher toi-même ton propre coeur. Non. Il ne connaissait pas.
« Jeff... Arrête. » C'est tout ce que t'arrives à articuler.
« C'est pas une vie ça, Charlie. » Il finit. C'est pas une vie non. Mais c'est pas ce que t'avais choisi non plus. T'avais pas voulu tout ça. Toi, tout ce que tu voulais c'était lui. Mais tu ne pouvais pas. T'étais comme une enfant capricieuse à qui on ne donnait pas ce qu'elle voulait. Tu boudais. Tu boudais la vie. Parce que c'était sa faute. Elle te malmenait. Elle faisait de toi son pantin. Et ce depuis le début. Depuis cet appel téléphonique.
« Bah bien sûr, essaye de me faire croire ça. Je n'ai plus quatre ans, Jeff. » Tu lui tires la langue. Comme une enfant. Les taquineries allaient bon train entre vous. Deux frère et soeur prêts à repousser l'autre dans ses retranchements. Une relation unique en somme. « Toi plus naïve ? Laisse moi rire, Charlie. Je suis sûr qu'avec ses yeux doux, Matthew peut tout te faire gobber sans problème. » Tu lui lances un regard faussement noir. Il n'avait pas osé le petit saligot. Apparemment si. Tu poses alors ta petite cuillère à côté de ta tasse de café. Posant tes coudes sur la table. « De toute façon, je... » Mais t'as pas le temps de finir. Parce que le téléphone vient de sonner. Elle te coupe ta phrase. « Attends, je reviens. Mais tu ne perds rien pour attendre hein. » Tu lui lances un regard de défi alors que tu te lèves. Le téléphone est juste à côté. Tu le décroches sans problème. « Allô ? » Les mots défilent dans ta tête. T'entends quelques mots. Hôpital. Matthew. Accident. Tu commences à voir flou. Pire encore tu commences à comprendre. Tout se met en place. Le sens reprend ses droits. Pourtant à l'autre bout du fil, tu n'entends plus. C'est comme si les derniers mots entendus t'avaient coupée du monde. T'étais plus là. Tu réalisais. Il te fallait du temps. Tu comprenais les phrases prononcées. Mais le sens réel tardait. Parce que tu ne voulais pas comprendre. Tu ne voulais pas affronter ce qui allait arriver. Tu sais que tu ne t'en remettrais pas. Pourtant quelques secondes plus tard. T'entends le fameux mot. Un parmi d'autres assourdissants. Mort. Le silence. Presque trop assourdissant. T'ouvres la bouche. Mais les mots restent bloqués. Quoi dire ? Quoi faire ? En quelques secondes, le téléphone glisse de tes mains. Tu ne réponds plus de rien. C'est comme si ton corps t'abandonnait lui-même. Comme si ton cerveau refusait tout ça. Parce que tu le refusais. Ce n'était pas possible. Impossible. Pas lui. Pas comme ça. Pas maintenant. Non non. Tes jambes furent les dernières à te lâcher. Ton frère n'eut que le temps de te rattraper. Il t'avait vu te décomposer. Il s'était approché. Heureusement. Tu ne sais même plus si les larmes ont commencé avant. Tu ne sais pas, tu ne sais plus. Mais t'as fini par tout lâcher à un moment. Les vannes. Les émotions. T'as hurlé. Tu t'es accrochée à lui. Comme à une bouée dans l'océan de la douleur. La tempête se déchaînait en toi. L'apocalypse commençait à peine.
T'as toujours cette peur du téléphone depuis. L'annonce d'une mauvaise nouvelle dévastatrice. Tu ne le supporterais pas. Ton frère le savait.
« C'est plus possible, Charlie. » Tu sens l'agacement dans sa voix. Mais toi aussi tu finis par être agacée. C'était ta vie. La tienne; Tu la gérais comme tu le souhaites. Il n'avait rien à dire là dessus. Il ne pouvait pas comprendre. Comment le pourrait-il hein ?
« Jeff... Laisse-moi gérer, d'accord ? C'est trop tôt d'accord ? J'ai... » Tu commences. Tu sais encore que les vannes ne sont pas loin. Mais t'as besoin de le dire. Que tout sorte. Ca fait des mois que t'étouffes tout. Tu vas finir par exploser.
« J'ai pas envie de faire semblant. J'ai pas envie d'être la fille souriante, joyeuse, d'accord ? C'est trop dur. J'ai pas envie de sourire quand j'ai envie d'hurler. D'hurler comme jamais. Parce que c'est pas juste d'accord ? Il aurait du être avec moi. Il aurait du rester près de moi. Il me l'avait promis. Il n'avait aucun droit de m'abandonner. On... On avait des projets ensemble. On devait tout construire ensemble. Il n'avait aucun droit de partir comme ça. Parce qu'il m'a laissé toute seule. Et moi toute seule, je gère pas. C'était lui mon pilier. Et sans lui, je suis perdue. Si tu savais comme j'ai peur toute seule.. » Ca y est. C'était dit. Fallait que ça sorte. Plus tu parlais. Et plus ta voix se cassait. Plus tu sentais que les larmes montaient. Tu luttais. Parce qu'au final, t'en pouvais plus de pleurer tout le temps. De te battre contre ce coeur meurtri. Mais c'était plus possible. Ce trop plein t'en pouvais plus. Alors te voilà. Assise dans ton lit. La main crispée sur ton téléphone tandis que les larmes coulent jusque sur tes draps bleus. Un silence suivit tes paroles. Tu ne fis rien pour le combler. Jusqu'à ce que tu l'entendes à nouveau.
« Tu n'es pas toute seule Charlie. Je suis là. On est là. Tu ne seras jamais toute seule, tu m'entends ? » Tu ne dis rien. A quoi bon ? Tu savais qu'il avait raison. Mais ils n'étaient pas Matthew. Jamais personne ne pourra le remplacer. Tu le savais que trop bien. Tu l'entendais assez durant tes rares réunions de groupe.
« Et puis, tu sais, t'enfermer dans ta tristesse ne te le rendra pas Charlie. » Certes.
Tu lui serres la main doucement. T'essayes de pas pleurer. Parce qu'il aimerait pas ça. Parce qu'il faut que tout soit régler. Tu verras pour ton coeur après. Mais t'y arrives pas. C'est trop dur. T'arrêtes de respirer. C'est dur. Trop dur. C'est trop soudain. Trop inattendu. Tes yeux ne se détache pas de lui. Tu peux pas. T'aurais presque l'impression de voir sa cage thoracique se soulever. Pourtant, elle reste désespéramment immobile. Cela t'arrache le coeur, T'as qu'une envie c'était de vomir. Mais tu restes quand même. Tu peux pas partir. Pas maintenant. Tu le couves d'un doux regard. D'un regard qui se voulait rassurant. Aimant. parce que t'en as besoin. T'es toute pétrifiée. Tu comptes presque les secondes. Ca te déchire le coeur. Il bat vite dans ta poitrine. T'as l'impression qu'il va presque sortir de ta cage thoracique. Ca te fait presque mal. T'aurais tellement aimé que cela se passe autrement entre vous. Vraiment. Mais tu le dis pas. Tu penses pas non plus à ce qu'il se passera après. Non. Tu te concentres sur la chaleur de sa main. Celle que tu tiens si fermement. T'as l'impression qu'il pourrait ouvrir les yeux à tout instant. Mort encéphalique. C'est ce que les médecins disent. T'as as bien compris. Parce qu'en arrivant, t'avais l'impression de le voir dormir. Les battements de son coeur résonnent dans la pièce. Des bips incessants comme une funeste litanie. T'arrives pas à le lâcher. Tu sais que ça va te hanter ces couloirs d’hôpital. Ces longs couloirs que t'as parcourus en courant. Le coeur arrêté. Ce n'est pas possible. Tu ne réalises pas. T'aimerais presque l'appeler. Hurler son nom. Le secouer. Mais tu ne dis rien. Ta gorge est bien trop nouer. Tu sens juste la main de ton frère sur ton épaule. C'est lui qui t'as emmené. T'étais bien trop perdue depuis l'appel. Presque dans un autre monde. Une dimension parallèle que tu refuses. Parce qu'il n'est plus avec toi. Tu prends une inspiration. Une seule et unique larme coule sur ta joue. Presque trop silencieuse. Tu relèves la tête et tu les vois arriver. Les médecins. Tu ne pensais pas qu'ils arriveraient si tôt. T'avais demandé à te retrouver seul avec lui avant qu'il ne l'emmène. Matthew t'avait toujours dit qu'il ne voulait pas mourir en vain. Qu'il voulait aider les autres. C'était un altruiste. Alors quand on t'a demandé pour le don d'organe. Tu savais déjà la réponse. Dans un sens, ça te rassurait de savoir que des parties de Matthew vivraient encore. Mais c'est trop tôt. Pas déjà. T'as encore besoin de temps. Pour lui parler. Pour le serrer dans tes bras. Le sentir contre toi. Lui dire que tu l'aimes. Mais t'as plus le temps. Et tu le sais. Et ça te tue littéralement. Et finalement, ton frère t'éloigne de lui. Ta main lâche la sienne. Ca y est tu le perds.
C'était comme si c'était hier. Un moment qui repasse en boucle dans ta tête. Inlassablement. Te faisait un peu plus mal à chaque fois. Mais t'y peux rien. Ce souvenir revient malgré toi. Comme une piqûre de rappel.
« Tu sais, vivre ne te fera pas l'oublier. » Vraiment ? Parfois, tu voulais oublier. Ne pas vouloir te rappeler. Oublier un moment te soulageait tellement. T'avais le coeur léger un court instant. Très court, certes. Mais un instant si réconfort. L'arrêt de la douleur était presque un paradis. C'est là où tu retrouvais un peu de bonheur. Des souvenirs en particulier. De ce que vous aviez été. De ce que ton anneau à ta main signifie encore pour toi. Même s'il n'est plus là.
Tu ris. Et t'évites la tomate. Presque de justesse. Pourtant, t'es pas plus douée que ça. Après tout, ton tee shirt blanc immaculée en a vu de toutes les couleurs. Mais tu t'en fiches. Tu ris, t'es heureuse, et ça te fait du bien. T'es en vacances après tout. Ton boulot est loin dans ta tête. Tu te consacres simplement à vous. Lui et toi. L'italie est un pays parfait pour ça. Loin de tout. Loin de Brisbane et des responsabilités. Vous pouvez être irresponsables pour une fois. Alors t'en profites un maximum. C'est ton voyage de noces après tout. Tu renvoies une autre tomate dans sa direction. Il se la prend en pleine torse, tachant son haut. Cette tradition de fête de la tomate italienne était décidément une riche idée. « Dans le mille. » Tu lances comme ça. Il te sourit malicieusement. « Oh vraiment ? Tu crois ça ? » Tu n'aimais pas cet air de malice. Rien de bon ne se présageait. Oh ça non. Alors tu te mets à courir. Et t'as bien raison. Parce qu'il n'hésite pas à t'envoyer plusieurs tomates. Vous vous courrez après comme des enfants. Vous êtes redevenus des gamins. Vos vingt-cinq ans sont bien loin. Comme vos responsabilités. Vous êtes libres. libres de tout. Il finit par te rattraper et t'attrape par la taille. Tu ne peux plus t'échapper. T'es coincée. Mais tu t'en fiches. Il enserre ta taille. Son sourire est beau. Amoureux. Tendre. Celui d'un jeune marié. Tu l'aimes tellement. C'est presque trop beau pour être vrai. Mais tu le sens dans tes bras. Là. « T'es toute rouge. » dit-il simplement. Oui. Tu devais être rouge de tomates. Il faut dire qu'ils y allaient pas mal les italiens. C'était pire que n'importe quelle bataille de boules de sable à laquelle t'avais participé. Mais tu t'en fiches. T'es bien dans ses bras. Et c'est tout ce qui compte. Alors tu te hisses un peu sur la pointe des pieds. T'as toujours été minuscule. Et tu l'embrasses tendrement. Vous êtes là au milieu des tomates et des gens. Vous êtes dans votre bulle. Vous êtes heureux tout simplement.
C'est ce que tu gardes de vous. De ce que vous aviez été. Tu l'imagines aussi comme ça. Heureux quelque part. Peut être veille-t-il sur toi. Tu ne sais pas. Il te manque tellement. Ta vie s'est arrêtée depuis qu'il était parti. Tu refusais de le voir. Mais tes frères avaient raison. Tu n'étais plus qu'un fantôme. Celui qui hante désespérément sans but.