how you laugh when you lie
« Depuis quand, Will ? » La jeune femme releva les yeux vers cet homme pour qui elle avait fondé un respect énorme, une image irremplaçable. Une larme vint même ponctuer la situation, comme si Stella avait réellement besoin que son corps la trahisse à son tour; elle se sentait déjà assez mal comme ça, il n'y avait pas besoin de ça. Elle vint effacer la trace humide sur sa joue d'un revers rapide de la main, attendant que l'homme en face d'elle daigne relever, à son tour, son regard. « William, depuis quand ? » Elle commençait réellement à perdre patience, elle sentait tous les nerfs de son corps lâcher un à un. Comme de vulgaires ficelles sur lesquelles on aurait tiré un peu trop fort. William finit par enfin relever son regard vers Stella, et elle commença à chercher les émotions qu'il pourrait trahir. Des regrets. De la tristesse même - mais elle n'y trouva rien de tout ça. Les émotions qu'il aurait du normalement ressentir ne transparaissaient pas, et il n'en fallut pas plus longtemps pour que sa voix à elle n'explose, déraille, défaille. « REPONDS MOI WILLIAM ! » Avançant à grands pas vers l'homme qui était désormais qu'un étranger à ses yeux, ses gestes furent plus rapide que ses pensées et ses petits poings, presque inoffensifs face à la carrures de celui qui se trouvait en face d'elle virent frapper comme ils purent sur le torse de l'homme, qui, en un tour de main, vint stopper la jeune femme, attrapant délicatement ses poignets. « Ne réagis pas comme une enfant, Stella, nous n'avons plus quinze ans. » Regard horrifié, une main se portant à son visage d'horreur, elle recula rapidement - écoeurée. « Comme une enfant ? » De colère ou de tristesse, elle n'aurait su déterminer mais sa voix tremblait bien suite au trop-plein d'émotions que son corps ressentait, seconde après seconde. Stella finit par s'échouer plutôt miraculeusement sur une des chaises de l'appartement qui se trouvait à sa portée, laissant désormais couler ses larmes. « JE découvre que TU me trompes, et c'est moi qui fait l'enfant ? » Le rire nerveux s'en vint ensuite, celui qui vous déchirait les entrailles parce-qu'il n'était pas à sa place, imposteur dans une situation qui ne méritait aucun rire. William vint soupirer, se frottant les yeux - on aurait pu croire que c'était lui le désespéré dans cette situation. « Stella... » « Dégage. » Sa propre détermination - et colère - dans sa voix étonna Stella. Elle n'était pas du genre à prendre ce ton là, elle qui était enjouée, souriante en temps normal; une nouvelle partie d'elle faisait surface en cette soirée. William fut lui aussi au moins autant étonné, à la vue du regard qu'il releva vers elle. « Je te demande pardon ? » Regard noir en sa direction. « De. Hors. » Levant les yeux au ciel, ce fut au tour de Will d'avoir un petit ricanement. « Et après, tu te demanderas pourquoi. » Il prit sa veste dans l'entrée, posa la clef qu'il possédait de l'appartement sur la commode et claqua la porte en sortant. Après ça, Stella laissa à ses larmes la joie de venir ruiner son mascara durant le reste de la soirée. Pour le plan mariage, petite vie tranquille et enfants, elle allait devoir replanifier certains points.
the world moves on, another day, another drama
Bonnie vint hausser un sourcil, tentant de prendre cette nouvelle venant de sa soeur comme elle le pouvait. « Attends, genre tu l'aimes tu l'aimes ? Ou t'as trop bu ? » Un rire vint prendre part alors de Stella rapidement, un de ses rires communicatifs dont seule elle avait le secret. Sa soeur se détendit alors assez rapidement, même si elle ne savait pas réellement si elle devait rire ou avoir peur en ce moment même. « Ne fais pas cette tête, Bon, j'ai l'impression de t'annoncer un décès. » Elle vint alors lui faire une petite moue qui fit lever les yeux au ciel à sa cadette. « Comprends moi, c'est pas dans tes habitudes de me sortir des trucs comme ça. » Bonnie vint boire une nouvelle gorgée de vin avant de jeter un nouveau regard sérieux vers sa soeur. « Alors, vraiment ? Juste... La dernière fois que tu m'as dit ça... » « Je sais, Bonnie. » Stella tira une petite moue, venant à son tour boire une gorgée. La dernière fois, c'était Thom et ça ne s'était pas réellement fini comme dans les contes de fées qu'on pouvait voir le soir à la télé. Mais cette fois ci, c'était différent - ça se devait d'être différent. Stella n'était plus une adolescente, elle avait grandi et était maintenant devenue ce qu'on pouvait appeler une jeune femme épanouie et heureuse. Les embûches qu'elle avait eu à l'époque n'auraient pu lieu d'être, elle avait pu construire tout ce dont elle avait aspiré étant enfant - plus tard que prévu, mais tout vient à point à qui sait attendre, comme on disait. « Mais... Avec lui, je suis vraiment bien. Il me fait rire, il est tendre avec moi... Je crois que oui, je l'aime même sans avoir bu un verre de trop. » Un sourire alors tendre, délicat, vint s'emparer du visage de Bonnie, qui ne tarda pas à venir poser sa tête sur l'épaule de sa soeur. « Il a intérêt. Sinon, je lui casse les genoux de toutes façons. » Ce fut un nouveau rire qui émana de Stella, suivi rapidement par sa soeur. Elle espérait réellement que William serait le bon - ou le deuxième bon. Qu'avec lui, elle allait pouvoir tracer un bon bout de route et qui sait, peut-être fonder quelque-chose d'un peu plus grand, d'un peu plus responsable que tout ce qu'elle avait pu connaître avec les autres depuis son divorce. Elle savait que rien ne serait réellement pareil, mais au moins, elle se donnait le temps et l'énergie pour essayer, tenter. Echouer, elle connaissait, elle avait déjà fait. Elle voulait, finalement, peut-être enfin simplement se ranger pour une fois. Pour de bon.
you asked me for a place to sleep
« Et celui là, alors ? » Stella fit un petit sourire en coin, haussant un sourcil presque interrogateur - surtout l'air de demander s'il la prenait pour une idiote. « Vous me posez sérieusement une question sur un de vos tableaux ? » Le rire de William Rosebury résonna jusqu'au sein du petit groupe qui se trouvait sur leur côté, à discuter à voix basse à son propos - et il n'y prêtait pas la moindre attention. Il ne pouvait pas avoir à la fois un regard sur les gens admiratifs autour de lui et être admiratif à son tour envers ce petit bout de femme qui venait de lever les yeux au ciel devant lui. « Je suis offensé de votre réaction. Et moi qui pensiez que vous étiez une experte en la matière. » Le sourire de Stella grandit quelque peu, et pour toute réponse elle vint boire une gorgée du champagne que monsieur avait absolument tenu à distribuer lors de cette première exposition. « Si je ne trouvais pas un minimum de charme et de talent dans ces toiles, elles ne seraient pas exposées ici ce soir, monsieur Rosebury. Ca devrait vous suffire, comme réponse, je pense. Et maintenant je vous laisse, j'ai du travail qui m'attend; je ne suis pas ici pour profiter de la vue, normalement. » Stella prolongea son regard quelques instants de plus dans celui de William, avant de retenir un petit rire et de partir en direction d'Adam, son assistant, qui s'énervait depuis cinq bonnes minutes à lui faire signe du bout de la salle pour lui faire remarquer qu'elle était attendue pour une vente. Elle arriva rapidement à hauteur du client, sourire aux lèvres alors qu'Adam lui faisait discrètement signe qu'il allait la tuer. « Je suis toute ouïe, monsieur. » La vente fut conclue assez rapidement, et c'était ce qu'elle préférait, comme situation. Les clients qui s'y connaissaient, avec qui échanger quelques mots d'aspect extérieur compliqué était chose aisée, et surtout qui savaient pour combien ils en voulaient. « Tu voulais signer ton arrêt de mort ? » Les mots d'Adam avaient glissé rapidement entre ses dents, alors qu'il souriait toujours en direction du client qui repartait, le porte-feuilles allégé. Le jeune homme finit par perdre son sourire lorsque l'homme ne fut plus à portée de vue, et par l'occasion lancer un regard noir à Stella. « Depuis quand tu fais les yeux doux aux artistes ? » Stella haussa un sourcil, légèrement vexée par la réflexion de son ami. « C'est blessant. Et presque méchant. J'ai pas le droit de plaire, Ad ? » Il leva les yeux au ciel. « Déforme pas ce que j'ai dit. On est ici pour bosser - et tu sais bien qu'on en a bien besoin en ce moment de ces clients, Stella. » Après avoir soutenu le regard du jeune homme quelques instants, elle finit par baisser le sien, soupirant légèrement. « Ok, je suis désolée. Le moment était trop tentant pour ne pas me laisser emporter un peu. » Elle finit d'ailleurs par laisser son regard divaguer dans la salle, tombant assez rapidement sur l'homme en question. Retenant un petit sourire en coin, elle finit par donner son carnet à Adam, qui comprit assez rapidement - les yeux écarquillés qu'il portait en témoignait sans aucun doute. « C'est pour la dernière fois, on va dire. » Et si elle n'avait pas été au boulot, elle lui aurait surement tiré la langue avant de s'éloigner vers William, qui avait pris congé de son interlocutrice assez rapidement lorsqu'il l'avait vu arriver. « Un endroit plus calme pour boire un verre, ça vous dit ? » « Seulement si vous invitez. » Mais elle avait déjà sa veste sur son dos, en réalité.
i rose up from the dead
On devrait divorcer, Thom. Les mots étaient sortis de sa bouche beaucoup plus vite qu'elle ne s'y attendait. Elle le savait, car elle se retrouvait étonnée de ses propres paroles, alors que le jeune homme se tenait devant elle. Stella n'avait rien préparé de tout ça, loin de là; elle s'était juste laissée emporter par le moment, dans l'instant - comme toujours. Elle savait que beaucoup de choses découleraient de ce moment, elle ne saurait dire en l'instant si ce serait du soulagement ou de la tristesse que ça apporterait, mais elle savait que quelque-chose changerait à jamais. Elle aimait Thom. De tout son coeur, de tout son être. Elle n'aimerait jamais personne comme elle l'aimait lui. Mais elle était fatiguée, lassée, épuisée. Les disputes régulières, les silences devenus monnaie courante - elle n'en pouvait juste plus. Elle avait fini par baisser son regard, venant prendre sa tête dans ses mains, se levant du canapé. Oui, ils avaient un enfant ensemble, une petite magnifique - juste arrivée beaucoup trop tôt dans leurs vies. Oui, ils étaient mariés - elle ne portait pas le nom de Goldstein pour faire joli, mais parce-que c'était désormais le sien depuis plus d'une décennie. Oui, jusque la mort les sépare - mais si la fin de leur complicité signifiait la mort de leur relation, en quelques sortes ? La jeune femme ne faisait pas partie des gens qui désiraient se détruire jusqu'à la fin de leur vie. Elle aimait Thom, mais il fallait qu'ils arrêtent là, maintenant, pendant qu'il était encore temps. Le plus dur serait surement à venir, les choses mettraient du temps à se remettre dans l'ordre - mais elle l'aimait trop pour continuer de le détruire de la sorte. Et au delà d'eux, ils se devaient de faire quelque-chose pour Elvira. Elle aurait besoin de ses parents, de ses deux parents, mais pas comme ça. Ca ne lui apporterait rien de vivre dans le chaos le restant de son enfance; et même si Stella n'était pas la meilleure des mères en étant aux côtés de Thom, elle savait que lui serait un bien meilleur père si elle n'était plus dans les parages. C'était cruelle, c'était vil et ça faisait mal - mais c'était simplement la vie qui continuait son cours.
i check it once, then i check it twice
« Oh, merde. » Même chuchotés, ses mots lui avaient paru être dits bien trop fort pour la situation qui se présentait sous ses yeux. Stella resta un instant avec le regard bloqué, presque dans le vague, alors que Becca frappait à la porte de la salle de bain de plus en plus fort. « Je te jure que si t'ouvres pas la porte Stel, je t'arrache les yeux de la tête ! » Au lieu de se relever et d'aller ouvrir à sa meilleure amie, Stella fondit en larmes. Si fort, si puissant, soulevant sa cage thoraciques à une rythme beaucoup trop saccadé. De rage. De peur. De tristesse. Ses larmes étaient chargées de sens, pour sur - elle n'aurait su dire lequel en ce moment précis tellement elle était atterrée. « Stella, c'est plus marrant maintenant. Ca fait une heure que t'es là dedans, ouvre moi maintenant. » La voix de son amie avait changé, Becca semblait s'être quelque peu calmée - si c'était possible d'être calme dans le comportement naturel de la jeune femme - et sa voix était toujours autant inquiète, mais différemment. Glissant son bras jusqu'au verrou de la porte, Stella dut fournir un effort supplémentaire pour réussir à déverrouiller la porte pour que la tête blonde puisse la rejoindre. Becca avait à peine posé ses yeux à l'intérieur de la salle de bain qu'elle avait compris - sans explications supplémentaires, sans mots prononcés pour annoncer la chose. Elle avait d'ailleurs rapidement refermé le loquet de la porte, avec un soupire qui en disait long. « Bordel, Stel... » Secouant la tête, elle s'était accroupie pour venir prendre son amie dans ses bras - les larmes de Stella avaient doublé d'intensité, si c'était encore possible. « Shhhh... Ca va aller ma belle, t'en fais pas. » Alors, les deux tests de grossesse vinrent tinter sur le sol, tombant des mains de Stella qui vinrent enlacer aussi fort qu'elle le put son amie. Elle aurait voulu parler, elle aurait voulu exprimer ce qu'elle ressentait - aucun son n'était capable de sortir. Ses dents étaient à deux doigts de s'entrechoquer à force de trembler, les sanglots tiraillant son corps de part en part. Deux tests, elle avait fait. Pour être sûre - surement plus pour infirmer qu'affirmer. Elle aurait voulu avoir tord dès le premier et avoir juste à soupirer de soulagement au deuxième. Elle aurait préféré ne pas avoir eu la boule au ventre en attendant ce deuxième résultat, alors que le premier était pourtant clair dès le départ. Elle aurait aimé ne pas en arriver là - tout court. Ca se devait d'être un mauvais rêve, une blague stupide pour lui foutre la trouille une bonne fois pour toute. Et pourtant, et pourtant. Becca finit par se reculer, essuyant ce qu'elle pouvait des larmes de la jeune femme, avant de venir prendre son visage entre ses mains. « J'appelle Thom, ok ? » Stella hocha fébrilement la tête avant de venir fermer les yeux, posant sa tête contre le mur de la salle de bain, désormais porteur d'un secret qui ajouterait une cicatrice à jamais sur son coeur.
i've got a list of names and yours is in red, underlined
Arrête de sourire toute seule comme une idiote. Et arrête de le regarder comme ça, il va te repérer. Secouant légèrement la tête et chassant mentalement sa conscience, Stella gardait pourtant ce petit sourire niais aux coins des lèvres. Elle essayait tant bien que mal, réellement, de se concentrer sur ce que racontait son livre de cours. Promis, elle tentait. Peut-être pas de toutes ses forces, mais elle n'aurait pas réussi à aller jusque là - alors elle faisait de son mieux. Mais les beaux yeux de Thom, quelques bancs plus loin, attiraient toute son attention. Ce n'était pas grand chose, au début. Quelques regards lancés à la dérobée dans les couloirs du lycée. Et puis, il y eut son premier sourire à lui, envers elle, pour elle. Elle avait cru rêver, au début. Stella s'était dit qu'il devait regarder ailleurs, une autre fille - mais le temps avait montré que non. Le regard de Thom allait toujours dans sa direction, lui était souvent adressé. Et son sourire à elle ne mangeait son visage que pour le jeune homme. Vous savez ce qu'on dit, sur les coups de foudre - ils tombent souvent là où on s'y attend le moins. Stella n'avait en rien prévu de tomber amoureuse, et pourtant la voilà qui repartait divaguer, à repenser à Thom et ses yeux bleus infinis. Ses sourires d'ange et ses mots doux. Les baisers volés entre les cours et les déjeuners à ne rien manger, la boule au ventre typique de l'adolescente qui aimait trop, beaucoup trop d'un coup. A l'époque, elle ne savait pas qu'elle était en train de vivre l'événement qui allait changer toute sa vie. Elle ne savait pas que tout le reste découlerait de ça, de ces petites choses là, de ce moments qu'elle n'oublierait finalement pas. Et pourtant, et pourtant.