☆ i'm past saving (calypso)

Survivre ou mourir. Deux mots puissants qui décrivaient avec aisance son existence. La longue chevelure ébène de l'adolescente effleurant ses épaules nacrées, loin de l'enfant au visage poupin et aux grands yeux sombres qui pleurait en silence l'absence d'une famille et de cet amour qu'elle aurait du recevoir. Une enfant qui ne vivait que dans les rêves et les illusions. Un père qui n'avait été que son concepteur pour ne plus être qu'une silhouette fantomatique et insignifiante, une mère qui usait d'artifices pour garder sa jeunesse éternelle, n'étant qu'un visage qu'elle mirait sans plus d'attention, un visage qui finissait par disparaître dès que les premières étoiles envahissaient le ciel, pour se complaire dans ses activités mêlant cette danse érotique et plus si affinités. On la regardait souvent de travers, les murmures résonnant à son passage, ceux de ses voisins qui connaissaient la profession peu reluisante de sa génitrice, une femme qui n'avait jamais montré un tant soi peu d’intérêt à son égard, la laissant souvent chez la voisine du palier, une vieille dame qui aimait lui conter diverses histoires plus abracadabrantes les unes que les autres, mais elle représentait en soi cette figure maternelle qu'elle n'avait jamais eu et ce jusqu'à ce que la mort ne vint les séparer de son voile mortuaire, mais cette femme au sourire doux et tendre lui avait donnée quelques années de plénitude, loin de ce quotidien noirâtre et morose dans lequel elle était constamment plongée, oubliée du monde entier.

Et ainsi, elle devint cette adolescente rebelle, affublée de ce blouson de cuir, les prunelles rehaussées par ce maquillage sombre qui soulignait son regard énigmatique et inexpressif. Une jeune fille qui passait ses journées à parcourir les rues quand elle n'était recluse dans sa chambre à lire ces tonnes de livres subtilisés dans différentes librairies ou bibliothèques, apprenant ainsi la vie autrement, les bases d'une éducation que personne ne se donnait la peine de lui enseigner. Les relations entre sa mère et elle ne cessaient d'empirer, mots durs qui sortaient de ses lèvres mutines à l'égard de cette femme qui lui faisait honte, qui au lieu de chercher un travail un tant soi peu honnête, préférait se servir de son corps comme outil pour satisfaire les besoins de ces nombreux hommes qui effleuraient ses draps. Ainsi, il lui arrivait de disparaître pendant plusieurs jours, sachant qu'elle ne s'inquiéterait de son sort, chacune continuant de vivre sa vie de son côté, mais elle souhaitait la liberté et l'indépendance, sortir de cette ambiance pensante pour s'envoler vers d'autres horizons. Le monde de la rue était différent, berçant dans l'insécurité, dans la méfiance et l'extrême solitude. Les mauvaises fréquentations arrivaient, ces gangs auxquels elle se mêlait en une espèce de protection qui lui permettait ainsi d'échapper au pire et c'est là que ce nouveau chapitre vint s'écrire, qu'elle se dirigeait lentement vers cette carrière par l'aide de certaines connaissances qui admiraient son talent débrouillard et discret. Elle était une ombre qui se faufilait, presque imperceptible, un visage qui n'apportait aucune méfiance, qui endormait les soupçons...Jusqu'au coup final qu'elle portait. Les missions étaient diverses et variées, missions qu'elle exécutait en échange de ces quelques billets verts qui lui permettaient de vivre et d'ainsi fuir cet appartement minable dans lequel elle avait résidé pendant de longues années. Un simple mot laissé à l'intention de celle qui n'avait jamais été rien de plus que celle qui l'avait mise au monde. Un simple adieu écrit noir sur blanc, disparaissant ainsi de son sillage et ce à jamais.


Il suffisait d'un seul être pour chambouler tout les principes et certitudes établis. Une mission donnée par le patron d'une société aussi corrompue que celle de son rival où elle devait subtiliser des documents à l'intention de celui qui la payait. Elle avait pénétrée les locaux en pleine nuit de sa silhouette féline sans aucun mal, habituée à ce genre d'exercice avec des années de pratique, connaissant les moindres filons, tout ce à quoi elle devait faire attention pour ne pas se retrouver enfermée entre quatre murs. Des documents qu'elle extirpait d'une armoire métallique, des feuillets qu'elle mirait rapidement pour s'assurer que c'était la paperasse adéquate, sauf que la lumière vint envahir brusquement la pièce, la surprise scintillant dans ses prunelles, son regard se posant sur un homme habillé d'un costume, un flingue pointé en sa direction, la mirant de ces prunelles aussi sombres que n'étaient les siennes. Des menaces de sa part, des moqueries exhalant de sa langue acérée et une bagarre qui s'ensuivit, l'un pour l'arrêter, l'autre pour fuir, mais il y avait autre chose qui se liait à la colère, un sentiment puissant qui brûlait dans leurs êtres, qui se répercutait dans leurs prunelles avides. Leurs corps qui se frôlaient dans cette légère joute physique ne cessaient de se tendre, d'attiser les flammes d'un désir naissant, une alchimie dangereuse et brûlante entre ces deux prédateurs qui ne voulaient devenir une proie pour l'autre. Un simple effleurement de ses lèvres contre les siennes dans un moment volé et éphémère, réussissant à s'extirper de l'étreinte du brun dans un énième coup porté à son encontre, fuyant rapidement les lieux, sans emporter avec elle ce qu'elle était venue chercher, ce qui risquerait de lui causer des problèmes, mais pour l'instant, c'était futile, ce visage venant s'ancrer dans ses pensées, ne cessant de la hanter dans les jours qui vinrent s'écouler après cette confrontation houleuse...Et des plus érotiques.

Tu m'envoûtais de ton sourire et de tes lèvres, ton regard ne cessant de chercher le mien en une ultime provocation. Je te désirais, je te voulais mien. Une rencontre hasardeuse, faite dans un hôtel minable de ce quartier malfamé où tu n'avais l'habitude de te rendre, quartier que je connaissais pour le fouler sans cesse de mes pas. Tu étais différent, ayant délaissé le costume d'homme d'affaire pour une tenue plus civile, portant ce blouson brun foncé qui soulignait ta musculature. Je compris que tu étais ce fameux client qui m'avait contactée, j'ignorai comment tu avais su me retrouver, mais peu importait en cet instant. Tu étais une tentation à laquelle je ne pouvais résister plus longtemps. Un baiser sauvage, une étreinte passionnelle, deux corps qui rejoignaient les draps pour étreindre cette luxure, cette alchimie nous enflammant, nous dévorant. J'en oubliais ma raison, ma méfiance et mes doutes. Je t'appartenais entièrement, bien trop même. Il n'y avait pas eu qu'un moment perdu dans l'espace temps, ils se multipliaient, les nuits étant parées de ce voile de l'érotisme, nos corps ne cessant de se retrouver pour mieux s'unir. Tu étais l'addiction dangereuse qui pouvait devenir néfaste, mais je ne m'en préoccupais car j'avais déjà succombé, tout comme cet organe rougeoyant prisonnier de cette cage nacrée que tu avais su dérober. L'amour m'avait étreinte avec inconscience, j'étais devenue son esclave et même si aucun mots ne prouvaient que nous ressentions quelque chose l'un envers l'autre, je le ressentais dans nos échanges physiques. A chaque instant.

Et puis il y eut les menaces mortuaires à ton encontre, l'hésitation, le doute, les sentiments qui se partageaient et se déchiraient.

Et l'ultime coup fatal, la trahison.

Tu as coulé, tu as tout perdu.

Et je n'étais plus qu'un fantôme, un souvenir amer et disparu, fuyant encore et encore, sans me retourner, sans que tu ne saches que si je t'ai trahi, c'était pour te sauver la vie.