Virgil Kingsleigh ~ Tout vient à point qui sait attendre

Partie histoire : Il était pas loin de deux heures du mat’. Mon dalmatien, Max, aboie à la mort. Jamais il n’a osé faire ça. Et les voisins ? Ils avaient m’éventrer vivant. Je saute du lit, totalement la tête dans le pâté, en caleçon qui est devenu d’un coup trop grand et traverse mon appartement en trombe. Au moment même où j’arrive et que je fusille mon chien du regard, ce dernier se met à chouiner et à s’écrouler par terre en faisant le beau. Non mon pote, tu ne t’en sortiras pas comme ça ! Sauf qu’au moment même où j’allais me baisser pour lui attraper le collier et le relever, voilà que j’entendais des pleurs. Des pleurs de bébé étouffés. Interloqué au plus haut point, j’ouvrais la porte, regardant à l’horizon dans un premier temps, voir si quelqu’un était là, dans le couloir de l’immeuble. Finalement, mon regard se posa sur un couffin, dans lequel était enveloppé un bambin. Il était mal installé dans sa couverture qui l’empêcher de respirer. Je ne réfléchissais pas et le découvrais bien rapidement. L’avantage, c’est que les bébés n’ont plus de secrets pour moi, je me suis tellement occupés de ces spécimens pendant mes études depuis le lycée, que je sais parfaitement m’en occuper. Mais il fallait que je trouve d’où il vienne, à qui il appartient. Je l’avais pris dans les bras pour le bercer, quand j’aperçus une lettre au fond du couffin avec écrit mon prénom dessus. Malgré son origine anglophone, mon prénom n’a rien de bien commun, il serait dur de trouver un autre Virgil dans ce bâtiment ou même dans cette ville. Je comprenais tout de suite. Je regardais l’enfant, ému comme jamais, alors que ce dernier s’était déjà endormi. C’était mon fils. Il n’y avait aucun doute là-dessus. Ou ma fille ? Tout étant blanc, il était comme immaculé. Je le gardais dans mes bras, récupérais le couffin à coup de pied et refermais derrière moi. Je m’installais sur le canapé, bien trop apeuré de réveiller mon enfant en le déposant dans son couffin et attrapais tant bien que mal la lettre qui m’étais destiné. Je devais rouge de colère à mesure que je lisais cette lettre. Elle ne reviendrait pas. Je ne savais même pas si j’étais bien plus énervé ou plus attristé par cette nouvelle. Elle osait abandonner notre enfant. Elle osait me le déposer comme ça devant chez moi. Elle osait même ne pas lui donner d’identité. Ce gamin n’avait toujours pas de prénom ! Non mais elle se fichait de moi ! Je froissais la lettre, tellement agacé par tant d’immaturité et la balançais à travers le salon. L’enfant dormait toujours mais il me fallait un remontant. Oui, à deux heures de mat’ !  J’en venais vraiment à regretter cette rencontre. Et pourtant, j’avais aimé cette femme. Cette jeune fille même. C’était au lycée, peu de gens l’appréciaient et pourtant, et pourtant tout le monde me disait que je faisais une erreur. Erreur que je ne remarquais que presque vingt ans après. Oui, vingt ans. On ne s’était pas marié, non, ça n’a jamais été notre délire. On vivait ensemble oui, ici même, et l’idée d’avoir des enfants s’était créée dans son esprit. Elle était prête pourtant, elle me l’avait assuré. Seulement les problèmes de fertilité ont commencé, et elle avait des cernes de malade. J’étais toujours motivé, pour elle surtout. J’ai donc fini par céder. Jusqu’à ce qu’on y arrive enfin, au bout de cinq ans d’essai, l’embryon avait fini par trouver sa voie !
Les regards des femmes. Ce que je les aime ! Surtout quand j’ai Peter dans les bras. J’attire l’attention, et je ne comprends décidément pas. Seulement, loin de moi l’envie de m’en plaindre. C’était la troisième fois que je prenais l’avion pour la Nouvelle-Zélande. La première fois était pour le mariage de ma première petite sœur, Danielle, avec qui je m’amusais comme un fou quand on était gamin. L’entente est toujours restée et j’étais ravi pour elle qu’elle trouve l’homme de sa vie. Ils ont même eu un petit garçon ensemble, Kenyian, que je n’avais pas encore eu la chance de voir. Cette chance se transforma en malheur. Ils venaient d’avoir un accident de voiture. Ils étaient morts sur le coup. Encore un choc, encore un malheur, je m’en suis défoncé le poing. Il était en sang, mais mon cœur était détruit. Certes, Angie était là avec moi, mais ce n’était pas pareil. D’abord ma mère. Malgré les souvenirs qui ne sont pas restés à cause du fait que je n’avais que deux ans quand c’est arrivé, ce fut dur de grandir avec une autre mère. Aussi fantastique soit-elle, puisqu’elle fut terriblement présente pour moi, pour nous, surtout quand notre père s’est barré, alors que je n’avais que 14 ans. Bonjour la crise d’adolescence. Je dus attendre la majorité pour changer d’air, pour aller faire ma fac de sport à Calgary. Ma sœur, Danielle, me rejoignit assez rapidement avant qu’elle ne décide de partir pour la Nouvelle-Zélande et y trouvais le début de sa vie d’adulte. Qui ne dura malheureusement pas assez. Hannah était la marraine, et à cause d’Angie, je ne m’étais pas porté volontaire, à mon plus grand dam. Tout le monde a cru que je ne voulais pas d’enfant, et je les ai laissé y croire. Bêtement. Jusqu’à ce que cela devienne une habitude. Le deuxième venue à Wellington fut donc la pire. L’enterrement de ma sœur. La reprise de la vie fut particulièrement difficile. Je crois que c’est à partir de ce moment-là que ma relation avec Angie s’est dégradée. Un an et demi après l’incident atroce de ma vie, elle décidait de partir. Et voilà qu’elle me laissait Peter. Oui Peter, c’était le nom de mon fils. Fils que j’allais présenter à ma sœur. J’étais passé tout de même par le Canada pour le présenter à Moriah. Le choc quand elle a appris que j’étais père aussi soudainement. La surprise risque de faire réagir ma petite sœur de la même façon, pour sûr.