tate ~ in deep, sadness there is no place for sentimentality

Il posait un regard sur une vieille photo de l’armée. Ce n’était pas un moment nostalgique, non, il ne regrettait pas ses vieilles années à l’armée. Il regrettait de s’être engagé sans vraiment prendre conscience qu’il s’engageait dans quelque chose de terrible, dans l’effroi, dans la réalité de la guerre. A dix-huit ans, il s’était surtout inscrit parce qu’il n’avait pas de réelle grande ambition, parce qu’il voulait jouer de l’autorité parentale. Un peu sur un coup de tête, peut-être. Mais à dix-huit ans, il ne savait pas Tate. Il ne savait pas que l’armée, c’était la guerre quotidiennement. C’était des corps qui jonchaient les villes dans lesquelles il combattait, c’était de dormir à un endroit, une boule au ventre, la peur de se faire surprendre par l’ennemi mais surtout de se faire descendre. L’armée, c’était être loin de sa famille, loin de sa vie, loin de sa petite-amie aussi. Proche de la réalité, proche de la mort. L’armée, c’était surement pas fait pour Tate. Il n’avait peut-être pas les épaules assez solides et il aurait pu y rester. Il avait peur Tate, peur des assauts, peur de voir des civils mourir, peur de tirer, peur de tirer en se trompant. Peur de de lui, peur de ce qu’il allait devenir. On les formatait pour être des machines à tuer. Tate avait pensé pouvoir fuir l’enfer familial en s’engageant dans l’armée mais découvrait l’enfer de la guerre. On lui avait toujours appris à tirer sans réfléchir, tuer par sécurité. Tate était peut être un anarchiste mais il n’était pas de ceux qui pouvaient se regarder dans le miroir en sachant qu’il avait tué par erreur, par mesure de précaution. Incapable, on lui disait. Lâche, on lui reprochait, les mains tremblant sur la gâchette. Et Tate avait appris. A encaissé, à faire comme les autres, à faire sembler de rigoler, à tenter de mener une vie normale. A rentrer avec le sourire. A partir avec le sourire. Mais il se mentait Tate. A lui, à ses parents. Tate, il était brisé de l’intérieur. Terrorisé par ses cauchemars où il voyait des corps de pauvres innocents victimes des assauts, des corps de ses collègues. Et il se réveillait. Prenait un somnifère et mentait encore. Cœur en miette, esprit en vrac, la boule au ventre il rentrait à l’armée. Tate n’était pas assez fort et il devait bien l’avouer qu’il aurait du. Du s’en tenir à ce qu’on lui disait, à ce que ses parents lui conseillaient. Mais quand on a dix-huit ans, on pense tout savoir. On pense avoir raison. On pense faire les meilleurs choix. Il avait fini par quitter l’armée. Après avoir failli mourir, après avoir vu son meilleur ami mourir, après avoir vu les pires horreurs. Il avait fini par rendre sa lettre de démission, le cœur amorphe. Il avait rejoint ses parents, silencieux, se contentant d’une accolade. Il avait pris la route, les yeux rivés vers le hublot, voyant le monde horrible qu’il quittait. Il s’en voulait peut-être. De ne pas être à la hauteur. De ne pas défendre son pays comme ces valeureux soldats. Se demandant comment il avait fait pour rester en vie. Il avait pleins de questions dans la tête Tate. Plein de regrets, de remords. Il était cette âme torturée, cette âme perdue. Qui cherchait un peu d’espoir après avoir vu l’horreur. La cruauté humaine. Il était tenu à des séances pour parler de son post-traumatisme. Parce qu’on l’avait poussé, parce qu’il en avait surement besoin. Tate n’avait jamais été de ceux qui prenaient la main quand on la lui tendait mais aujourd’hui, il l’avait acceptée. Pour espérer se reconstruire, pour espérer croire en un second souffle dans sa vie. Il n’était pas optimiste Tate mais laissant au monde de la science et psychologie, sa chance. Peut-être bien qu’il y trouverait une part de réconfort. Il n’avait plus rien à perdre, non. Après avoir tout perdu. L’armée, ça l’avait détruit le gamin. Et ça continuait encore et toujours.