Partie histoire : Six ans. C'est l'âge auquel tu as été retiré de ta famille biologique par les services sociaux. Tu étais tout gamin et pourtant tu t'en rappelles très bien. Tu étais dans ce qui était censé être "le salon". La pièce était miteuse, le sol craquait sous vos pas et cette pièce puait le renfermé. De vieux cartons de boites à pizza trainaient au sol et toi, tu t'amusais avec l'un d'entre eux. Ta génitrice arrivait derrière toi et te tapas derrière la tête de manière assez brutale. Tu avais appris à ne pas pleurer parce que tu savais pertinemment que cela risquait d'empirer si tu manifestais une quelconque émotion de ce genre.
« C'est dégueulasse. Touche pas ça putain. » Tu te contentais de relâcher le carton et te relevais. Ta mère posa ses pieds sur la table basse, salie par les verres d'alcool qu'elle avait laissé tomber mais elle s'en fichait. Ca ne l'empêchait pas de mettre ses pieds dessus. Tu pris ton sac d'école que tu avais depuis que tu étais rentré à l'école et qui était marqué par l'usure. Ta mère alluma une cigarette et alluma la radio, se fichant bien de tes états d'âme. Elle ne te portait aucune attention et était bien trop occupée par ses petits-amis qui ne faisaient que défiler par ici. Tu avanças vers elle, appréhendant légèrement sa réaction mais tu finis par lui demander.
« Je suis en retard à l'école. » Elle ré-ouvrit les yeux, daigna enfin poser un regard vers toi avant de glousser. Tu détestais quand elle faisait ça. Tu reculas d'un pas, tenant les hanses de ton sac et n'ayant qu'une envie, quitter cette maison pour ne jamais revenir.
« Va te recoucher. Tu iras demain. J'inventerai un truc, fais pas chier. » Des mots doux ? Elle ne connaissait pas. De l'amour à ton égard, elle n'en avait jamais porté et aussi loin que tu t'en souviennes, elle ne t'avait jamais dit qu'elle t'aimait et encore moins qu'elle était heureuse de t'avoir. Tu étais plutôt un fardeau qu'elle aimerait parfois se débarrasser lorsqu'elle te filait à ses amis ou te laissait des heures à la garderie au plus grand dam des personnes qui s'occupaient de toi.
« Mais si j'y vais pas, la maitresse ne va pas être contente. » Qu'est-ce que tu disais? Tu pétais un câble ? Tu disjonctais ? Elle n'allait pas le prendre bien parce que tu osais la contrarier. Quand tu ne te soumettais pas à ses volontés, elle te le faisait payer. Bien souvent verbalement mais jamais physiquement. Tu avais le "droit" à quelques claques, quelques fessées mais bien souvent, elle te tenait un discours peu élogieux. Elle te répétait que tu lui gâchais sa vie, que tu ne servais à rien ou encore que tu n'étais qu'une merde à ses yeux. En manque de tendresse, d'amour, tu en souffrais en silence et tu n'avais personne à qui en parlais. Ta mère finit par ouvrir ses yeux écarquillés, ses yeux qui t'effrayaient. Elle jeta sa cigarette contre son cendrier et bien qu'elle eut du mal à se relever du fait de ses déboires de la veille, elle avança vers toi tandis que tu reculais, souhaitant échapper à son emprise. Et là, on frappa à la porte.
« Tu ne payes rien pour attendre sale mioche de merde. » Un homme et une femme apparaissaient au seuil de la porte. En te voyant, la femme sourit et toi, tu ne savais pas quoi répondre et te cachais derrière une chaise. Pas beaucoup de personnes ne te souriaient. Tu n'entendais pas ce que disait l'homme à ta mère mais la femme se frayait un chemin bien que ta mère tentait de l'empêcher d'entrer et cette femme vint vers toi, tentant de t'apaiser. Elle te parlait de t'emmener loin d'ici parce que maman ne pouvait pas te garder et que tu allais aller dans un endroit meilleur pour toi. Elle te demandait si tu avais des affaires importantes et tu hochas négativement la tête. Ta mère te criait de ne pas l'écouter mais tu ne l'écoutas pas car tu te sentais protégé par cette femme qui ne cessait de menacer ta mère d'arrêter de te crier dessus. Tu ne savais pas que tu n'allais plus la revoir et lorsque tu passas devant elle, une dernière fois, elle ne put se retenir de cracher toute la haine et la rancoeur qu'elle avait contre toi.
« Gardez-le ce mioche. J'en veux plus de toute façon, c'est un minable, comme son père. »“ when the boy is growing he has a wolf in his belly”
Après avoir été retiré par les services sociaux, tu ne retrouvas sans aucune famille. Et alors que tu allais être placé dans une de ses foutues maisons d'accueil dans laquelle tu allais grandir avant de te faire éjecter, une famille t'adopta. Tu ne savais pas comment ça c'était fait mais très vite, tu devins l'enfant de la famille Kolston. Et même si aujourd'hui, tes rapports avec ton père sont conflictuels, tu lui seras toujours redevable de ce qu'il a fait pour toi. Quand un mioche de six ans arrive, ne parle pas, porte des vêtements sales, refuse de manger, ne dort pas et refuse d'aller à l'école, autant dire que l'élever devient vite difficile. La famille Kolston s'est montrée patiente avec toi. Elle t'a toujours soutenu et t'a poussé à progresser si bien que tu t'es ouvert petit à petit à eux. Tu étais leur unique enfant et il t'offrait ce dont tu n'avais jamais eu la chance d'avoir. De l'amour, de la tendresse, de l'attention. Ils te couvraient de cadeaux, t'emmenaient au parc, étaient attentifs à tes moindres besoins que tu te demandais si tu ne vivais pas un rêve. Peu à peu, tu devins un enfant comme les autres. Tu ne guériras probablement jamais de tes blessures du passé néanmoins tu avais appris à faire avec. Tu étais inscrit dans une école privée de Wellington et tu t'étais fait vite de nouveaux amis. Tout le monde était riche par ici et tes parents étaient très appréciés et tu n'eus de mal à t'intégrer dans ta nouvelle classe et bien que tout était propice pour mener une vie bien tranquille, bien rangée, à tes quinze ans, le gentil Isaiah Kolston se transforma en un démon.
Quinze ans. Tu étais assis dans le bureau de la proviseur et n'osais pas la regarder. Ton père, sortant tout juste du bureau, ne te quittait pas du regard et tu évitais à tout prix son regard. Tu savais très bien ce qu'il allait te dire. Ta mère était honteuse, s'enfonçait dans son fauteuil et tentait de trouver des excuses.
« Je suis confuse.. » « Ecoutez madame, ça fait trois jours que votre fils invente des excuses pour pouvoir faire l'école buissonnière. Cela va à l'encontre de nos valeurs et pourrait donner une mauvaise image de notre école, ce n'est pas vraiment celle que l'on souhaite véhiculer à nos élèves. » « Je comprends mais ..» « Je ne vais pas pouvoir garder votre fils. Le corps enseignant partage mon point de vue. » Après des minutes de négociation, après des promesses hors de prix et des propositions pour te punir, l'école finit par te garder mais ta présence était en sursis. Si tu récidivais, tu serais viré et la directrice avait bien assisté qu'elle n'hésiterait pas à marquer des points négatifs dans ton livret scolaire ce qui t’empêcherais de rentrer dans les grandes écoles par ici, comme tes parents avaient toujours souhaité pour toi. Vous finissiez par prendre congé et sitôt dehors, alors que tu tentais de d'échapper, ton père te rattrapa par l'épaule.
« Toi, je te préviens, tu vas arrêter toutes tes bêtises. Si tu recommences encore une fois, je te promets que ni maman ni moi t'aideront à te sortir du pétrin dans lequel tu te seras, c'est clair ? » Tu étais un ado turbulent, rebelle. Tu séchais les cours pour aller te fumer des trucs pas très licites avec tes copains de l'époque qui n'étaient pas issus de la même école que toi et dont l'école se fichait bien de leur absence. Tu faisais le mur quand tes parents t'interdisaient de sortir, tu leur répondais et vous n'arriviez pas à avoir une discussion calme car dès qu'ils te parlaient, tu leur répondais sur le qui-vive. Au fond, tu savais très bien ce qu'ils avaient fait pour toi. Ils n'étaient peut-être pas les parents parfaits mais tu savais qu'ils t'avaient sauvé de ton ancienne vie et même si tu te refusais de l'avouer par fierté.
« Compris Isaiah? Tu arrêtes toutes tes conneries maintenant. On fait tout pour toi et c'est comme ça que tu nous remercies ? Ingrat. » Tu ne répondais pas, les yeux rivés vers le sol. A quoi tu t'attendais au juste ? Tu savais que ce tu faisais c'était n'importe quoi. Tu dépassais les limites constamment, tu causais du mal autour de toi. Pourtant, tu avais tout pour être heureux. Une vraie famille. Des grands-parents qui te considéraient comme leur petit-fils et qui te couvraient de cadeaux, des oncles et tantes qui t'invitaient constamment dans leurs multiples activités et t'emmenaient en voyage quand tes parents ne pouvaient pas te garder. Tu étais devenu un vrai Kolston. Ton père te bouscula et ta mère te jeta un regard triste, un semblant désespérée par ton comportement.
« Je suis désolé maman. » Jamais tu ne t'étais excusé pour ton comportement, jamais tu ne t'étais excusé pour leur avoir manqué de respect. Jamais tu leur avais dit que tu les aimais parce que tu n'avais jamais connu ce qu'était l'amour.
« Tu es notre fils Isaiah, arrête de ressasser le passé et prends notre main quand on te la tend. » Et c'est probablement à ses paroles que tu décidas de te ressaisir parce que tu ne voulais plus faire honte à tes parents, bien au contraire.
“ one can begin so many things with a new person! - even begin to be a better man.”
Vingt-six ans. Tu venais de terminer ton doctorat et tu étais fraichement diplômé. Un cocktail avait été organisé par l'université avec les diplômés, les enseignants et les parents. Tu te tenais debout, avec l'un de tes enseignants qui te demandait ce que tu allais faire et ne cessait de te demander si tu comptais rejoindre l'entreprise d'architecture de ton père. Tu avais beau avoir faire les mêmes études que ton père, tu n'avais pas envie de reprendre l'entreprise de ton père. Ton père arriva, une coupe de champagne à la main et posa une main sur ton épaule, te glissant deux mots à l'oreille. Vous prirent congé de la discussion et il t'attira vers une table isolée.
« Alors, content ? » Il avait un grand sourire aux lèvres et n'avait cessé de dire à tout le monde qu'il était fier de toi. Mais tu savais que si il t'avait pris à part, ce n'était probablement pas pour te couvrir d'éloge mais pour parler du sujet fâcheux. Tu te contentais d'hocher la tête et levais ta coupe de champagne vers lui avant de siroter ton verre cherchant une façon de lui dire que tu ne voulais pas le seconder dans son entreprise. Ta mère t'avait parlé du souhait de ton père et elle savait très bien que tu ne comptais pas reprendre le rejoindre. Peut-être que ta petite soeur oui, mais toi tu ne voulais pas avoir cette tâche. Tu avais envie de voler de tes propres ailes et tu savais très bien ce que tu allais faire.
« Je veux pas m'installer en tant qu'un de tes associés. J'ai déjà des idées avec.. » Ton père écarquillait ses yeux, semblant ne pas avoir compris la portée de tes mots.
« Ton soi-disant meilleur ami ? Et t'associer avec moi ne t'intéresse pas ? » Tu trouvais que le moment n'était pas vraiment opportun pour avoir ce genre de discussion. Tu desserras ta cravate et soupiras. Tu n'avais pas envie de lui faire du mal mais tu n'avais pas non plus envie de lui faire plaisir en reprenant quelque chose que tu n'avais pas envie de reprendre.
« Non. Je ne veux pas travailler avec toi. » Ton père ria avant de vider en une traite son verre et le posa sur une table du buffet.
« Ca va pas peut-être pas marcher fiston. » « Mais c'est ce que je veux faire. Je veux voler de mes propres ailes. Et m'assumer. » Ton père n'haussait pas le ton, tu trouvais ça étrange. D'habitude, il t'aurait probablement dit de réfléchir à deux fois avant de claquer toutes les protes de la maison. Ton père n'aimait pas quand tu n'écoutais pas ce qu'il te disait, il aimait bien être obéi et agissait comme un véritable ado dès que tu avais le malheur de n'en faire qu'à ta tête.
« Bien. Bonne chance à toi alors. » Il te planta là et rejoignit ses amis qui étaient en train de discuter politique plus loin.
Vingt-sept ans Tu étais parti. Ces neuf derniers mois. A la recherche de réponses. A la recherche de nouveaux frissons. Tu avais reçu un message. Et tu étais parti. Tel un vagabond. Un message, et tout avait été chamboulé dans ta vie. Tu avais tout laissé à Wellington et tu t’étais envolé. Vers Queenstown, dans l’île du sud. Tu l’avais retrouvée. Ta génitrice. Elle avait demandé à te voir et tu avais fini par céder. Rendez-vous d’un bar. Le coeur plein d'amertume, tu t’étais rendu. Et tu l’avais écoutée. Elle et ses excuses. Elle et ses pleurs. Elle fumait cigarette sur cigarette. Elle évitait ton regard, se disait être guérie. Elle te demandait à passer du temps avec. Tu avais refusé, redoutant les vieux démons du passé. Puis tu avais fini par passer du temps. Un restaurant. Elle disait être fière de toi. Tu y croyais, petit à petit que tu découvrais une mère changée. Et pourtant. Elle avait fini par replonger. Un soir. Alors que tout se passait bien entre vous, tandis que vous nouez de nouveaux liens, elle avait rechuté. Dans l’alcool. Dans la drogue. Incontrôlable. Elle t’avait giflée. T’avait traitée. Et tu avais du appeler l’hopital. Il était venu la chercher. Elle criait. Elle hurlait. Refusait d’être amenée. Elle avait rejoint l’hôpital. Tu étais venu la voir. Chaque jour. Tu étais resté. Le temps qu’elle se rétablisse. Tu étais resté par pitié, parce que tu t’étais senti obligé. Chaque jour, tu songeais à t’en aller mais chaque jour tu étais resté. Par obligation. Puis quand tu allais partir, tu avais rencontré cette fille. Hailey. Cette infirmière en stage qui s’occupait de ta mère. Elle était douce. Elle était tendre. Tu t’étais laissé envouter par cette ténébreuse femme. Une relation intense mais courte. Elle t’avait soutenu et tu avais pu compter sur elle, à chaque fois que ça avait été un peu dur. Une histoire d’amour, qui n’avait duré que quelques mois. Elle avait compté, mais pas assez. Mais elle, elle était tombée amoureuse de toi. Tu l’avais abandonnée, du jour au lendemain, après que ta mère s’était rétablie. Tu étais parti sans demander tes restes, parti sans un mot, laissant la belle aux bois dormant se réveiller sans son prince. Une partie noire avait ressurgi. Mais seule Hailey savait. Elle t'avait aidée. Face à tes colères. Elle était venue te chercher lors de tes déboires, après ta nuit en garde à vue, puis celle en dégrisement. Tu étais parti, l'abandonnant.