Partie histoire : Petite fille Gonzalez, née dans un cocon très protecteur, avec un père qui avait une renommée, une carrière brillante. Ton héros, il l'avait toujours été et le serait toujours. Pourtant, cette sensation de ne pas appartenir à cette élite intellectuelle, tu semblais la ressentir à chaque instant. Parce que tu ne ressemblais en aucun cas à ton frère et à ta sœur, eux qui avaient le nez plongé dans leurs livres, dans leurs cours, alors que tu n'aspirais qu'à te rendre utile, socialement parlant. Chaque petite chose t'émerveillait, ce besoin d'être utile auprès de chacun et non une reconnaissance de diplôme. C'était ce qui te caractérisait le plus, un moyen de t'épanouir, d'être heureuse.
« allez Isabella » . Tu avais relevé les yeux sur ta sœur, qui te dévisageait, curieuse des papiers que tu tenais dans tes mains. Elle ne t’avait jamais vue aussi déterminée, parce que pour la première fois, tu te décidais à prendre les devants, à suivre ta voie. La fierté, le bonheur étaient plus que présents, et tu n’étais pas capable de t’enchainer à des responsabilités qui ne te convenaient pas, aux chuchotements derrière ton dos lorsque tous les confrères de ton père voyaient que tu ne lui ressemblais pas, que tu n’aspirais pas à sauver le monde et des vies.
« oui ? » . Tu rangeas les papiers d’université, en lui adressant ton plus beau sourire.
« Donc ? Pédiatre ? » . tu secouas la tête. le contact avec les enfants avait toujours été si simple, limite inné, mais tu ne tenais pas à affronter les différentes épreuves des hôpitaux, les douleurs, les pertes. Ton coté sensible à coup sûr qui ressortait, trop fleur bleue, trop rêveuse et les épaules pas assez solides pour supporter ces épreuves. Tu avais fini par te lever de ton fauteuil, et vins embrasser ta sœur sur la joue.
« et non, perdu soeurette. Mais tu le sauras tôt ou tard. Ce qui est certain, c’est que je vais voler de mes propres ailes, et loin de vous » . le mentionner à voix haute était beaucoup moins facile que ce que tu l’avais imaginé. Mais ton choix avait été pris, tu allais commencer une nouvelle vie et suivre ta propre voie, ta propre carrière..
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Chaque jour se ressemblait, similaire sans que rien ne vienne apporter un peu de piment, si ce n’était peut-être Oslo, ton labrador qui se montrait des plus imprévisibles. Ce chien que tu avais pris pour ne pas être seule chez toi, dans ce loft. Et puis, ton père n’avait pu qu’approuver, en se disant qu’au moins, tu aurais un protecteur. Tu avais simplement envie de soupirer lorsque tu entendais son discours. Tu aimais ton père, sincèrement, lui le héros de ton enfance, ce chirurgien de renom qui te couvait encore comme si tu étais sa petite fille, celle qui n’était pas capable de se défendre toute seule. Tu tournas la clef dans la serrure, et ce fut à ce moment-là que ton téléphone retentit. Ta sœur. Il ne manqua que cela. Esquivant Oslo qui réclamait toute ton attention, tu pris le combiné et pris place dans ton canapé, une position parfaite pour que ton fidèle compagnon ne pose sa tête sur ta cuisse pour obtenir quelques caresses que tu lui prodiguas avec plaisir.
« oui, soeurette ? J’espère que tu vas bien et que tu te rends compte à quel point tu es chanceuse que je ne sois pas déjà dans un bon bain moussant » . vous vous adoriez, même si vos choix de voies étaient diamétralement opposés. Et puis, il y eut un silence à l’autre bout du fil, pas une plaisanterie, juste un reniflement étrange, comme si elle pleurait. Autant dire que tu ne pus que t’inquiéter et tu crispas ta main sur Oslo, qui grogna légèrement.
« qu’est ce qui se passe ? Parle-moi, s’il te plait.. Sinon je vais arriver, et tu sais que je vais me prendre des PVs si je n’ai pas un accident dans le pire des cas… » . Tu en étais capable, elle le savait, sans doute pour cela que ta sœur avait parlé d’une traite, sans s’arrêter. Toute la vérité déballée, cette vérité qui te fit verser une larme, puis une seconde. Le mot Alzheimer avait tout dit, cette perte de la mémoire progressive, tu en avais trop entendu parler par des collègues, par des amis, et à présent, c’était ta mère qui était touchée. Et pas qu’elle, tout l’entourage était concerné, subissant les pertes, les absences, les oublis qui se feraient de plus en plus répétitifs, jusqu’à ce que le visage si souvent vu ne soit plus que celui d’un inconnu. Lorsque tu raccrochas, toute ta vie semblait bien futile. Pourquoi s’entêter à mener une vie paisible quand tout pouvait s’écrouler en quelques secondes ? tu caressas Oslo et l’attiras tout contre toi, le seul contact qui te permettait d’aller mieux dans un tel moment, ton chien, ton tout.
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« t’as pas compris que c’était terminé ? » . les bras croisés sur ta poitrine, tu dévisageais Connor, celui avec lequel tu étais resté près de deux longues années, ces années durant lesquelles tu avais été la gentille petite Gonzalez. Depuis quelques mois déjà, les bouleversements s’enchainaient les uns à la suite des autres, sous le regard désapprobateur de ceux qui t’entouraient. Non seulement, il y avait eu ta démission de la crèche, mais également un changement de ton comportement, toi qui sortais énormément, à te retrouver à danser sur les podiums. Sans compter cette nouveauté à poster régulièrement sur les réseaux sociaux, des photos qui attiraient inexorablement bon nombre de commentaires. Ainsi, la petite fille sage avait envoyé loin ses principes et croquait la vie à pleines dents, ce qui ne plaisait nullement à celui qui était resté dans ta vie bien trop longtemps.
« tu ne sais plus ce que tu fais.. tout ça depuis l’annonce de la maladie de ta mère. merde Izzie, c’est pas toi ça ! tu veux qu’elle retienne ça de toi ? » . ta mâchoire se contracta, et tu t’avanças vers lui pour venir lui asséner une gifle retentissante.
« va te faire foutre, tout simplement. tu aimais la gentille Izzie, celle avec laquelle tu couchais chaque soir, à horaire précis. Mais tu oublies que la vie est trop courte, et je ne veux pas, du moins plus me lever le matin en ayant des regrets ou une vie de mémère avec un mec rasoir. Donc tu prends tes cliques et tes claques, et tu sors de ma vie… DEFINITIVEMENT » . tu l’avais poussé, la rage au ventre.
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Cette même rage qui avait fait que tu t’étais dirigée vers ton grand dressing, où tu t’étais changée en troisième vitesse. Une tenue qui te collait à la peau, qui révélait tes formes, tes courbes, et tu étais sortie pour une nuit de folie. l’alcool, les hommes. Et au petit matin, tu avais eu peur, ce type t’avait suivie, t’avait collée contre un mur et tu ne devais ta rédemption qu’à l’intervention miraculeuse d’un sombre inconnu. Un fait qui était parvenu aux oreilles de ton père alors que tu t’étais rendue à l’hôpital pour une consultation. Au cas où et surtout pour pouvoir porter plainte contre ton agresseur. L’infirmière te tapotait le visage avec une compresse, lorsque ton père était apparu dans ton champ de vision. Tu grimaças, connaissant déjà le sermon qui t’allait être prodigué.
« vous pouvez nous laisser s’il vous plait » . L’infirmière n’avait pas demandé son reste et s’était empressée de sortir.
« Isabella Gonzalez, ça suffit… très bien, tu ne veux rien entendre, mais je te colle un garde du corps. Vu que tu n’es pas capable de te protéger toute seule. » . tu ouvris la bouche, prête à riposter. Mais il te lança un regard qui te dissuada d’ajouter la moindre contestation.
« très bien. mais ne crois pas que cela va m’empêcher de vivre. loin de là, je ne commence que… je passerai dimanche à la maison pour voir maman » . ton regard se porta sur le sol, parce que c’était la raison du fait de ton changement, d’être passée du rôle de la petite fille parfaite à celle qui consommait et qui vivait à 1000 %.
« très bien. à dimanche Isabella » . il te laissa, et tu te frottas les bras, contente de ne pas avoir plus de mal. sans doute que ce garde du corps était nécessaire, même s’il était hors de question que tu lui rendes la vie facile. Non, la tornade risquait de vouloir l’emporter avec toi..