Evan | C'est difficile de savoir ce qu'on veut dans la vie

Allongé à l’ombre d’un grand arbre, un bras derrière la tête, l’herbe me chatouille la peau. Il fait beau aujourd’hui, le soleil est radieux. J’amène ma cigarette à mes lèvres et me perds quelques instants dans mes pensées. La vie est faite de choses inattendues. De surprises. Et de déconvenues. C’est ainsi et nous n’y pouvons rien. Mes pensées dérivent alors sur la personne la plus importante à mes yeux. Ma petite Nely. Ou Nelya de son vrai prénom. Cela fait de nombreuses années que je la connais. Depuis mes douze ans en réalité. Je me souviens de sa petite bouille toute mignonne à cette époque qui me parait si éloignée déjà. Elle n’habitait pas dans le coin, elle était australienne, comme je l’ai été fut un temps. Je suis né à Sydney, mais je n’y suis pas resté très longtemps. Six ans après ma naissance, mon père a reçu une promotion et un nouveau job à Wellington alors on a dû déménager. Je suis bien loin de ma famille à présent, mais chaque fois que je disparais pendant des mois de la capitale Néo-zélandaise, c’est pour aller passer du temps avec mes cousins, mes cousines, mes tantes, mes oncles, bref tous ceux qui sont restés en Australie. Ça me fait du bien de tout quitter ici pour aller me ressourcer dans mon pays natal, parce que j’en ai besoin. Je suis le genre de personne qui se pose beaucoup trop de questions. Je sais que je me prends la tête pour tout et n’importe quoi, mais c’est plus fort que moi. J’ai besoin de remettre tout en question quand je suis en pleine période de doute. Et malheureusement, ça arrive assez souvent. Dans ce genre de moment, j’ai besoin de prendre mes distances et quoi de mieux pour ça que de quitter le pays ? Enfin, revenons à nos moutons, ou plutôt à ma Nely. Cette fille je l’adore, depuis toujours. Je me souviens même avoir eu un coup de cœur pour elle pendant mon adolescence. Mais je ne voulais pas tout gâcher parce que ce n’était sans doute pas réciproque et puis, elle n’était à Wellington que le temps de ses vacances. A quoi bon tout gâcher pour si peu de temps ? Je sais que j’ai toujours aimé passer du temps avec elle. Au fil du temps, j’ai même pris un malin plaisir à la taquiner, me rapprochant toujours plus de la limite de la simple amitié. Elle a toujours été réceptive alors pourquoi se priver ? Mais, pris à mon propre jeu, je ressentais le besoin de m’éloigner d’elle. Pas parce que je ne l’appréciais plus, bien au contraire. Mais parce que je sentais que je pouvais déraper à tout moment. Et ça me faisait peur. J’avais peur de tout gâcher. Peur de m'engager sur une pente glissante. Alors je préférais mettre les voiles et disparaître un temps. Les fameuses périodes de remise en question. C’est toujours comme ça avec moi. Un jour tout va bien, et le lendemain, j’ai besoin de partir et de me retrouver seul. Dans le domaine professionnel c’est un peu la même chose. Je me lasse vite alors j’enchaîne les boulots sans vraiment trouver ma voie. Après le lycée, je suis allé faire des études de commerce à Sydney mais au final, ça ne m’a pas servi à grand-chose. Contre toute attente, j’ai réussi à obtenir mon diplôme mais c’est tout. Ça fait juste bien sur le CV. Je ne sais pas ce que je veux faire dans la vie, dans quelque domaine que ce soit. Je tourne en rond, sur tous les plans. Dans ma vie privée, c’est la même chose. J’ai rencontré une chouette fille il y a quelques mois, ou peut-être même quelques semaines, et ça a tellement bien accroché entre nous qu’on est ensemble actuellement. Mais, inlassablement, me revoilà plongé en pleine période de doutes. Je ne sais pas quoi faire avec elle. Je l’aime bien, on s’amuse bien ensemble mais parfois j’ai l’impression qu’il me manque quelque chose. Sans pouvoir mettre le doigt dessus. Au fond de moi, je sais que je ne finirais pas ma vie avec elle, un engagement sur le long terme, ce n’est pas mon truc. Et quelque part, cette relation m’angoisse. Encore une fois, je me prends sans doute la tête pour rien mais c’est plus fort que moi. Il faut toujours que je remette tout en question. Ma cigarette est terminée. Je me redresse et jette le mégot dans un cendrier public. Il faut que j’aille marcher un peu, pour faire le vide. Pour faire le point. Je me relève et en jetant un œil au tronc de l’arbre, je retrouve mon prénom gravé dessus, à côté de celui de Nelya. On s’était amusés à graver nos prénoms sur cet arbre quand on était plus jeunes. Un fin sourire apparut sur mon visage et je me décidais à aller lui rendre visite. Après tout, ça faisait un moment qu’on ne s’était pas vus. Et elle me manquait. Beaucoup.