Snow ❅ Paint with all the colors of the wind.

Légèrement affaibli par tes nombreux efforts et par l’atmosphère hivernale, tu savoures enfin ton arrivée au sommet de ce pic glacial. Ça y est, enfin, tu l’as fait ! Décidément, il ne t’avait pas menti, c’est bel et bien un petit coin de paradis ! Affublé d’un sourire irrémédiablement niais, tu lèves triomphalement cette photographie défraîchie, même si un tsunami de nostalgie ne tarde pas à te submerger et à noyer tes euphoriques pensées. Oh... mais qu’est-il donc en train de t’arriver ?! Pourquoi, pourquoi n’es-tu pas en train d’arborer un ravissant sourire satisfait, comme le fait ton frère sur ledit cliché ? Tout simplement car ce dernier te manque éperdument... et que tu n’arrives plus à sourire sincèrement ou même à vivre véritablement, depuis que son cœur a rendu son tout dernier battement.
Même si tu es irrémédiablement isolé, en haut de cette montagne déserte et enneigée, tu fais tout pour ne pas craquer, tout simplement car dissimuler tes émotions derrière un masque surfait est devenu si courant, durant ces satanées dernières années, que tu as oublié comment il faut t’y prendre pour être vrai. Mais comment... comment en es-tu arrivé à de telles extrémités ?! En réalité, suite au décès prématuré de ton frangin adoré, tu t’es dit que tu n’avais pas d’autre choix que celui de t’effacer. Pourquoi ? Tout simplement car c’était là la meilleure chose à faire pour ne pas aggraver la souffrance de ta famille annihilée et pour te préserver de la pitié que t’aurait voué le reste du monde entier. Franchement, pouvais-tu vraiment davantage faire souffrir ta maman, en lui rappelant constamment combien cette perte bousillait la vie de son autre enfant ? Pouvais-tu déverser ces tonnes d’atroces et acides douleurs sur le cœur de ta belle-sœur désormais tristement veuve? Pouvais-tu être égoïste et laisser ta propre annihilation être au centre de l’attention ? Non, non... alors tu t’es tu, as tout intériorisé et t’es même carrément oublié, car tu es persuadé que ton frère aurait voulu qu’un roc insubmersible puisse consoler tous les êtres qu’il aimait. Et pour lui, pour ton grand frère, c’est exactement ce que tu t’es employé à faire, après que le conte de fées se soit envolé... au profit du cauchemar qu’est ton actuelle réalité.
Et tant pis, tant pis si c’est toi, qui, finalement, n’est... et ne sera jamais... guéri...



Tes pieds chaudement emmitouflés foulent la neige que ton frère a lui-même rencontrée il y a des années, laissant des empruntes nouvelles là ou l’ont jurerait que la poussière gelée est souveraine depuis l’éternité. C’est magnifique, enchanté, mais t’aurais sincèrement aimé que Finn puisse t’accompagner. Malheureusement, il n’est plus là, et c’est aussi pour ça que tu explores chaque endroit que ton frère a jadis découvert. Ça peut effectivement paraître très idiot, mais suivre les traces de ton aîné, ça t’aide à t’en rapprocher, à honorer sa mémoire et à raviver les souvenirs de sa vie d’explorateur passée. Tu suis alors – depuis des années – ses pas, et tu as l’impression que, à chaque fois que tu te rends dans un nouvel endroit, il revit et est auprès de toi.
Et t’aimes bien trop ça.
Après avoir pris une photo au sommet de ce magnifique pic de neige, tu sors ta carte du Monde et y ajoutes une nouvelle croix rouge – sorte de check, comme tu le fais à chaque fois que tu visites une merveille où ton frère s’est jadis rendu. « Alors, on va où, frangin, la prochaine fois ? » Comme s’il allait te répondre et apparaître devant toi, tu lui fais la conversation, parfois. C’est pathétique et sûrement très triste, d’autant plus quand tu lèves les yeux au ciel en espérant voir se manifester l’étoile sur laquelle son âme s’est réfugiée, mais tu ne peux t’empêcher de lui parler. « Mh... j’me rappelle que t’avais adoré ton séjour en Hollande ! Ces champs de coquelicots, ces paysages sublimes... haha, j’revois même encore ton sourire enthousiaste quand on s’est revus après ton séjour ! » Tu laisses un petit rire niais s’échapper de tes lèvres gercées, tandis que tu esquisses un cercle noir autour du prochain pays que tu aimerais visiter. « Adjugé ! » Ce sera la Hollande ! Tu souris une dernière fois au ciel étoilé, juste avant de reprendre ton sac à dos et de redescendre cette montagne enneigée.
Sur le chemin du retour, tu es surpris de te retrouver face à une fleur sauvage que le climat hivernal n’a pas réussi à flétrir. Cette petite tache de nature violette se bat, s’accroche vaillamment à la vie, comme ton cœur anéanti au sein de ta poitrine endolorie. Tu te stoppes, admires alors cette fleur combattante, juste avant de te demander ce qu’est, pour toi, la chose qui ne fanera jamais, à l’instar de cette beauté immarcescible de la nature. Peut-être est-ce ton amour pour le Monde et ton désir insatiable de toujours plus voyager ? Pour l’heure, c’est clairement toute ta vie, il est vrai. Mais... si tu y réfléchis... tu te dis que tu finiras irrémédiablement par vieillir... et par ne plus avoir autant cette force de vivre. Et que restera-t-il, à l’explicit de ta vie ? Uniquement ta tendre famille, ces êtres merveilleux qui embellissent et font ta vie, même en étant à des kilomètres d’ici. Papa, Maman, tata, parrain... et la belle Stevie. Cependant, alors que tu penses à tous ceux que tu aimes, quelques gouttes de sang malade s’extirpent de tes lèvres et tombent violemment sur le sol immaculé. La blanche-neige devient alors rouge-sang, tandis que tu te maudis de ne pas avoir suivi les conseils de ce médecin allemand. Mais... après tout... t’avais pas le temps pour soigner cette connerie, tu voulais voyager ! Espérons maintenant que tu n’aies pas trop à regretter les avertissements que tu n’as pas voulu écouter...  
Toi, malade ?! Pff... c’des conneries, tu ne l’es jamais !
Malheureusement, il faut croire que tout, absolument tout... peut arriver...
Légèrement inquiet, tu reprends cependant ta route, comme si de rien n’était. Ce poison réussit néanmoins à te faire derechef changer d’horizon et d’opinion, puisque tu décides, maintenant, de retrouver ta belle-sœur et de profiter d’elle, tant qu’il en est encore temps...
Mais chut, chut pour le reste, ok ?
Cela doit rester secret...