I'm jealous of the rain * Charles

Lovers know.
Cette rose rouge avait tout vu. Elle avait été confrontée aux mains de la rebelle Leïa ainsi qu'à la dalle du sol. Passant d'une main à l'autre, on l'oubliait la minute d'après pour la laisser gésir par terre. C'était un homme valeureux ce sir Walton, il avait apporté une fleur à sa dulcinée sur le quai de la gare. La rousse embarquait dans un train vers New Plymouth et il venait lui dire au revoir. LA senteur de cette tige ornée de pétales n'avait en rien impressionné la jeune femme qui n'avait plus aucune envie de se faire courtiser par son fiancé. C'était déchirant. Tellement que si elle avait pu réagir, dame rose aurait probablement elle aussi perdu quelques larmes au passage. Charles avait tendu la fleur à Leïa avec un sourire timide, un sourire heureux, un sourire amoureux. Celle-ci avait gardé le présent dans ses mains le temps d'un baiser sur sa joue et puis alors qu'elle venait de planter un pieu dans le cœur de celui qui l'aimait, lui avait remis la fleur dans sa main. A l'agonie, Charles n'avait pas resserré ses doigts autour de la pauvre plante. Il avait juste fait un pas vers ces petits escaliers qui allaient être remontés d'un moment à l'autre. Sa voix n'était qu'un murmure que la rousse n'entendait même plus. De l'autre côté de la fenêtre où elle s'était installée, elle articula un "désolé" auquel il ne croyait pas. Il ramassa machinalement la rose délaissée et regarda les portes du train se refermer. Ses doigts avaient enfin empoigné la chose et ils serraient de toutes leurs forces, c'était inconscient. Ce n'est qu'une fois le grand animal de fer au loin qu'il remarqua que sa main avait été elle aussi piquée à vif. Epineuse, sa rose était épineuse. Quelques gouttes de sang perlaient dans sa paume sans qu'il ne s'en soucie réellement. Leïa était partie sans aucune explication. Il pensait lui dire au revoir mais c'étaient des adieux. Elle voulait vivre sa vie, découvrir le monde tandis que lui espérait à l'amour. C'était un romantique dans l'âme. Du haut de ses vingt-et-un ans, il apprenait encore qu'il y avait dans l'amour quelque chose de dur, quelque chose de cruel... Il ne fallait jamais sous-estimer la force dévastatrice des sentiments.


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Le voyant rouge de son répondeur ne clignotait plus. Le regard vide, Charles avait perdu la notion du temps. Combien d'heures est-il resté dans cet état de prostration? Il n'en savait rien. Les mots d'Axel étaient trop vifs dans son esprit pour qu'il ait besoin de repasser le message. Et pourtant, à minuit trente, il passa sa main sur le bouton argenté de la machine endiablée. Sa voix s'éleva à nouveau dans les airs, l'agressant de cette fatalité qu'il ne pouvait ignorer. Elle ne disait pas grand chose au final, elle se confessait. L'urgence de sa voix laissait comprendre sans difficulté qu'elle sentait qu'elle se perdait dans cette aventure avec un autre. Un autre. Charles était tout sauf un homme violent. Il luttait pour la paix dans le monde parmi d'autres foutaises idéalistes. Mais il aurait voulu tout casser quand il entendait la voix d'Axel parler de son infidélité. Elle voulait qu'il revienne... mais pourquoi? Pour se battre? Le connaissait-elle si mal? A vrai dire, il y avait fort à parier que tous deux ne se connaissaient pas assez. Après tout, il avait appris un peu gauchement que celle qu'il destinait à être la seule et unique ne lui permettrait jamais de devenir père. Avait-elle seulement compris à quel point cela avait pu le heurter? Non... probablement pas. Il était parti au loin, il avait multiplié ses missions afin de ne pas croiser ce regard qu'il aimait et détestait en même temps. Elle était le début de sa fin. Avait-elle compris qu'il la fuyait? Probablement. Mais elle avait laissé un autre homme entrer dans ses faveurs, un autre lui promettre la lune. Le message vocal passait en boucle maintenant. Non pas pour apprendre par coeur ce qu'il avait retenu dès la première écoute mais par plaisir de la torture. Il revoyait la rose rouge de Leïa lui transpercer la peau de sa paume et il regarda machinalement l'endroit où longtemps il avait eu une faible cicatrice. Axel était sa nouvelle rose, celle qui le blessait jusqu'au sang. Il était à peu près trois heures du matin quand il sortit de sa léthargie mêlée de folie. La touche "delete" fut manipulée sans aucune tendresse et le message fut supprimé. Il passa à la salle de bains sans cérémonie, se brossa les dents avant de prendre une douche d'eau chaude et d'enfiler son pyjama de satin. Le lendemain, à six heures trente, il se leva et partit au bureau qu'il avait établi dans le centre de Lagos (Nigéria) comme si de rien n'était. Cette routine insensible mais auto-destructrice de par son déni dura quatre mois. Puis un jour, il se réveilla en plein milieu de la nuit, pris d'une attaque de panique sans nom. Il se leva, enfila son costume bleu marine, mit ses affaires dans une valise et prit la direction de l'aéroport sans y réfléchir une seconde fois.