Tess ♠ Vis tes rêves

Partie anecdotes : Mon enfance et mon adolescence n’ont pas été exceptionnelles, vous savez. Je n’ai pas grand-chose à raconter là-dessus. Mes parents avaient une position relativement aisée et j’ai eu tout ce que je voulais. A coté de ça ils insistaient pour que je prenne conscience de la valeur de l’argent alors ils m’ont proposé de faire du bénévolat très tôt. J’allai aider maman qui distribuait les repas aux sans abris. Et moi, tantôt je coupai les légumes, tantôt je chantai ou dansai pour eux. Avec eux, même. Vous n’imaginez pas ce que les sans abris peuvent avoir comme talents parfois. C’était super et ça m’a appris qu’on obtient jamais rien sans rien faire. Je pense que c’est grâce à ça que je ne suis pas devenue une petite conne superficielle qui veut un poney dans sa chambre.

Je suis la cadette dans la famille. Mon grand frère est parti faire des études d’ingénierie en Allemagne et on ne le voit pas très souvent. Ma petite sœur est au lycée, elle donne du fil à retordre à mes parents mais j’essaie de l’accompagner du mieux que je peux. Dès que le temps nous le permet je l’emmène faire du bénévolat auprès d’enfants autistes ou trisomiques. Nous les accompagnons dans des activités manuelles, principalement.

Vous l’aurez peut-être compris, je fais partie de ces artistes que le monde atteint de plein fouet. J’aime chanter, danser, vivre au jour le jour. Trop généreuse, je pourrais vite être dépassée car malheureusement le monde n’est pas forcément fait pour des petites filles naïves. Ma passion pour le dessin a toujours impressionné mes parents. Ils n’auraient jamais imaginé que j’en fasse des études, d’ailleurs. Pour eux ce n’était pas un « vrai » métier alors ils ont désapprouvé ce choix très vite. Toutefois ils ont préféré me laisser faire mes propres choix et me voilà partie pour des études d’illustratrice, à 18 ans.

Beaucoup me voyaient comme une fille populaire au lycée. J’avais un large cercle d’amies et ce que j’aimais beaucoup c’est qu’ils étaient de tous horizons. Je pouvais discuter de tout avec eux. Il y avait évidemment certaines rivalités au sein du lycée, comme partout. A l’adolescence nous ne sommes pas des plus mâtures et j’ai probablement participé à quelques bagarres malgré moi, soutenant l’un ou l’autre quand la cause me semblait juste. Le lycée s’est terminé bien vite, une chance pour atterrir dans la « cour des grands ». Cette même année mon grand frère a décidé de quitter la maison et est parti en Allemagne. Nous restons en contact bien qu’ils restent rares.

Mon école était tout près de la fac de droit. Avec les copines il arrivait que nous allions boire un verra dans la brasserie qui se situait juste entre les deux écoles. C’est là que j’ai rencontré Braden. Il discutait et blaguait avec des copains au sujet de leurs précédentes conquêtes, pas très glorieux quand on y pense… la situation s’est reproduite trois ou quatre fois avant qu’il ne vienne s’installer à notre table pour discuter. Nous sommes sortis en boîte puis de fil en aiguille, premier baiser, premier rencard, première fois, tout ça… ça s’est enchaîné si vite que j’en ai le vertige. Au début c’était un conte de fée. Nous avons pris un appartement, je l’ai présenté à mes parents et lui m’a présentée aux siens. Tout était merveilleux. Les cadeaux s’enchaînaient, nous nous sommes installés ensemble et il m’a demandée en mariage.

C’est à partir de là que les choses ont dégénéré. Le mariage était prévu pour l’année suivante, et la mère de Braden souhaitait que je me consacre entièrement à la préparation. Ils avaient de l’argent, alors je me suis dit qu’une année sabbatique me permettrait de préparer le mariage et d’acquérir d’autres expériences. Je n’avais pas imaginé que c’était le début d’un isolement qui durerait longtemps. Le conte de fée s’est écroulé peu à peu. Braden me voulait pour lui tout seul : personne ne pouvait me regarder, ni m’approcher, sans qu’il ne soit là. Mon cercle d’amis s’est restreint peu à peu jusqu’à ce que mes amis soient uniquement ceux de Braden. Ma famille m’a prévenue mais je ne les ai pas écoutés, certaine que ce n’était qu’une passade pour lui.

Ma confiance en moi s’est écroulée peu à peu. Ces derniers mois rien n’était jamais assez bien pour lui. C’était moi qui n’était pas assez bien : trop sotte, trop peu maquillée, trop naïve, pas assez douée, … Les regrets ont commencé à emplir mon cœur en souffrance. Lorsqu’il partait pour des procès j’en profitai pour aller dans un bar boire des verres d’alcool. Ca m’aidait à me détendre, à appréhender la vie qui serait la mienne sans pour autant angoisser. Dès que je cherchai de l’aide je me rendais compte de mon isolement. Braden m’avait isolée de tout et fait en sorte que je dépende de lui entièrement. Je n’avais rien vu arriver avant qu’il ne soit trop tard.

C’est lors d’une de ces soirées de déprime que j’ai vu Elizio. Le barman aux yeux d’ange me disait quelque chose sans que je mette un prénom sur son visage. Puis il m’a aidée à me rappeler : nous étions dans le même lycée, il me connaissait de vue et ne m’avait pas oubliée. Le sourire me venait aux lèvres instinctivement dès que je le voyai. Un soir il m’a sortie d’un bien mauvais pas. Un homme alcoolisé m’avait abordée dans une ruelle et forcée à le suivre, utilisant sa force supérieure pour me soumettre. Elizio est arrivé à la rescousse. Mon sauveur d’un jour n’imagine pas à quel point ce n’était pas passé loin. Je ne le remercierai jamais assez d’avoir été à mes cotés ce soir-là, pendant que j’accusai le coup après être rentrée dans les coulisses du bar.

Je l’ai invité au restaurant pour le remercier. Braden était en déplacement, comme souvent, et j’en profitai pour voir du monde. J’espérai qu’il ne découvre jamais cela. Le rendez-vous était pris pour nous deux. Avoir une oreille attentive était du pain béni. Je lui racontai tout en édulcorant le tout. Je ne pouvais pas lui raconter les insultes, le désespoir, l’isolement. J’avais honte de m’être laissée entraîner là-dedans. Dans mon carnet de dessin on pouvait trouver un portrait du barman, au milieu des illustrations de super-héros et autres personnages de fiction. Ce carnet était bien caché sous une latte du parquet, seule preuve de mon forfait.

Ce n’est un secret pour personne que je suis une perfectionniste née, et que j’ai un sacré caractère. D’habitude je n’hésite pas à faire valoir mon opinion, à être combattive et persévérante, mais tout cela m’a quitté depuis quelques temps. Je me contente de subir, en bonne petite maîtresse de maison, et ne sait pas comment me sortir de cette situation. J’intériorise énormément, ce qui a tendance à me rendre tendue et agressive. J’ai encore l’espoir que Braden se secoue les méninges et cesse ses conneries, qu’il redevienne le mec que j’ai connu.