god is a woman.

(one) Elisabeth est née et a grandi au cœur de la banlieue chic de Melbourne, en Australie. C'est dans la somptueuse suite parentale du gigantesque manoir familial qu'elle a poussé son premier cri. Première et unique héritière de l'héritage Nguyen, Ely a surtout vécu une enfance très solitaire. Seule enfant, abandonnée dans un monde d'adulte, ses parents pensaient surement qu'en la soumettant ainsi dès son plus jeune âge à la dureté de la vie d'adulte, elle en deviendrait probablement plus intelligente. Ely garde un terrible souvenirs de ces réceptions données par sa mère. Elle conviait tout le gratin de la ville à des fêtes plus somptueuses les unes que les autres. Tous arborant un air concerné commun à l'évocation d'une cause humanitaire choisie par hasard au détour d'un dîner. Ely s'ennuyait à en crever, toisant avec hébétude les comportements alentours. C'était donc ça, la vie ? Une succession de faux semblants visant à impression son voisin ? (two) Il n'était pas rare que Ely demande à ses parents pourquoi elle n'allait pas à l'école, comme les autres enfants de son âge. Ils lui répondaient évasivement que l'éducation dont elle bénéficiait était de bien meilleure qualité. Ils n'avaient probablement pas tord. Arthur Bynes était un homme à la haute stature, sa peau foncée creusée par des rides qui témoignaient de son âge avancé. Ses cheveux clairs se faisaient rares et contrastaient avec sa peau ébène. C'est surtout sa sympathie qui permit à Ely de pleinement prendre conscience de ses capacités. Plus qu'un simple professeur, Arthur était son ami. Le seul qui cherchait à la comprendre, qui lui rendait son rôle d'enfant. Au fond, il avait peut-être un peu pitié de cette pauvre gamine qui n'avait même pas le droit à la candeur qu'on attribuait aux gamins de son âge, mais jamais il ne la laissa tomber. (three) Les seuls enfants qu'elle pouvait côtoyer étaient ceux de l'entourage de ses géniteurs. Le plus marquant fut James. Il était le fils d'un collaborateur de son père, devenu par la suite ami. James était drôle, aventureux. Il osait ce qu'elle n'imaginait même pas pouvoir faire et l'impressionnait par l’aplomb qu'il avait de défier l'autorité parentale. Un sourire éclairait constamment son visage lorsque sa mère lui annonçait que la famille de James viendrait passer l'après-midi chez eux et se laissait prendre au jeu de s'imaginer vivre plus qu'une simple histoire d'amitié avec le garçon. Il était son seul raccord à une vie dont on l'avait privée, son seul lien avec l'enfance et ses douces folies. James, c'était un peu sa bouée de sauvetage, l'une des seule chose maintenant sa tête hors de l'eau. (four) Et tout a changé. Elle fêtait ses dix-huit ans, et après de longues années de fantasme, elle obtint enfin les faveurs de James. Elle était loin l'innocence de l'enfance et c'est toute entière qu'elle se donna à lui. Ça semblait ravir leurs parents, qui imaginaient sans aucun mal les célébrations d'un mariage bienheureux. Et Ely se laissait faire. Pire, elle y participait avec hardeur. Elle se taisait, mais dans sa tête, tout tournait à mille à l'heure. James et elle se marieraient, elle deviendrait officiellement une Rhodes, ils auraient de beaux enfants et seraient heureux pour toujours. Une histoire qui aurait pu être belle et simple, mais qui fut tout le contraire. (five) Quittant la solitude de l'éducation à domicile, Elisabeth intégra la renommée université de Melbourne. Un changement drastique, qui lui fit un bien fou. Ça lui permit surement de découvrir une nouvelle manière de penser, une façon bien à elle d'aborder la vie, se détachant de l'emprise parentale, qui était tout de même persistante. Elle brillait, ses professeurs louant ses résultats et son esprit vif, tout semblait aller pour le mieux... Enfin, presque. James s'éloignait indubitablement d'elle. Les problèmes s'enchaînèrent, la passion s'effrita. Il écumait les fêtes étudiantes alors qu'elle révisait sagement. Ils n'étaient plus sur la même longueur d'ondes, ne regardaient plus dans la même direction et après deux années d'amour, ils finirent par se séparer. (six) Elle s'en souvient encore de ce vide, au creux de son cœur, de toutes ces larmes versées et puis, du regard déçu et désapprobateur de sa mère. Elle avait tout gâché. Pourtant, elle n'était pas à l'initiative de cette séparation, mais tous semblaient porter la faute sur ses frêles épaules. Ce fut probablement l'un des éléments déclencheur à son émancipation. Cette manière qu'elle eut de vivre cette première peine de cœur, cette déception dans le regard de ses parents. Elle comprit que rien ne servait de vouloir leur plaire. Quoiqu'elle fasse, elle ne serait jamais à la hauteur. Il n'était plus question d'amour, de mariage ou d'enfants, mais d'une chose bien plus grande, bien plus forte. Désormais, elle vivrait pour elle, se mettant au service d'une cause bien plus importante. (seven) Si elle s'était toujours investie dans ses études, cette soudaine prise de conscience eut pour but de donner une nouvelle dimension aux cours que pouvaient suivre la jeune femme. Elle deviendrait médecin. Elle aiderait des gens dans le besoin, sauverait des vies. Elle consacrerait son existence à son rôle de guérisseuse. Plus rien ne semblait aussi important que ça. Alors, elle persista, elle s'accrocha, elle se surpassa, devenant l'une des meilleures de sa classe. (eight) Bientôt arriva l'heure de l'internat et Ely y vit le moyen de quitter le cocon familial. En soit, ses parents n'avaient de quoi la retenir. Et elle en avait sacrément marre, supportant de moins en moins le matérialisme de leurs esprits. Alors, elle changea même de continent, s'expatriant aux Etats-Unis, à New-York. Là, elle pouvait mûrir à sa guise, éclore sans qu'on la tienne en laisse. Elle pouvait être complètement elle, sans aucune restriction. (nine) Elisabeth vivait au rythme effréné de la grosse pomme. Perchée sur de hauts talons, un verre de cosmopolitan à la main, elle était loin la gamine chétive, le nez plongé dans un livre inadapté à son jeune âge. Les hommes défilaient dans ses nuits, souillaient ses draps de soie, aucun ne parvenant à lui donner l'envie de retrouvailles le lendemain. Simple besoin physiologique, se rassurait-elle, elle n'éprouvait aucun besoin de vie de couple bien rangée. (ten) Une fois son doctorat en poche, Ely se décida à franchir le cap. C'est avec Médecins sans Frontières qu'elle put accomplir l'une de ses missions. La première ne dura pas plus de trois mois. Gaza et sa tension palpable. Gaza et tous ces pauvres gosses aux regards graves. Cette première mission la transcenda si bien que seulement quelques semaines après son retour, elle accepta une seconde mission, en Ethiopie cette fois. (eleven) Et là, sous la chaleur plombante du soleil Africain, entourée de pauvreté et de misère, elle se laissa aller à la douceur d'un homme. Rafe. Il était infirmier, un peu plus jeune qu'elle. Elle ne saurait vraiment dire comment elle s'est laissée séduite de la sorte, mais la spontanéité de leur relation en fit surement tout le charme. Six mois à sourire comme une idiote après chaque rencontre. Six mois à sentir son cœur s'emballer après chaque baiser. Et surtout, la promesse que rien ne viendrait gâcher ces moments, puisque la date de fin était déjà définie. Une fois la mission terminée, ils retourneraient tous les deux à leurs vies respectives sans chercher à approfondir cette idylle. (twelve) C'est à Londres qu'elle trouva refuge à son retour de mission. Un retour désarmant. Sur le coup, elle pensa sincèrement que c'était peut-être un peu le mal du pays, le choc culturel... alors qu'au fond, c'était peut-être un petit peu plus profond que ça. Parfois, elle se laissait aller à repenser à ces tendres moments passés avec Rafe. A ces rires échangés après de torrides embrassades, à la simplicité de leurs échanges. Ça restait gravé en elle, comme un premier amour sous le soleil d'été. Elle se sentait chanceuse de garder au fond de son cœur un souvenir pareil. Fière de ne pas voir le temps ou les sentiments changeants entacher ces souvenirs. (thirteen) Si Londres l'éblouissait de sa richesse culturelle, lorsqu'on lui proposa un emploi à l'hôpital de Wellington, elle ne mit pas très longtemps à accepter. Le directeur semblait décidé à la compter dans ses effectifs, la place était vacante et laissait entrevoir de belles perspectives pour améliorer le service pédiatrique. Et puis au fond, c'était une belle opportunité, une chance pour elle de se faire une réelle place dans l'ordre fermé des médecins. Et puis la Nouvelle-Zélande, elle n'y était jamais allée.