Once upon a time...

Partie histoire : Je me souviens du jour où l'on s'est rencontré pour la première fois. C'était dans un bar de Saint Michel, j'y étais allée avec des amies pour fêter notre baccalauréat, et tu nous as servi toute la soirée. Ton sourire avait tant de charme que nous avons toutes été séduites. Par la suite, je fais de ce bar mon Q.G. dans le seul but de te revoir. Tu me servais quasiment chaque fois, et je ne cessais de te dévisager béatement telle une enfant devant son chanteur préféré. Jusqu'au jour où tu m'as donné offert un verre avec ton numéro sur la serviette. J'étais si impressionnée que j'ai mis un mois pour t'envoyer un message. Puis au file des conversations, nous nous sommes revus en dehors de ton travail, et là j'ai découvert un homme intelligent, drôle et incroyablement gentil.

J'ai grandi dans une famille aisée, avec des codes de conduites strictes, dans un monde où les apparences sont primordiales, où le porte-feuille et les contacts traduisent mon importance. Mais à tes côtés, il n'y avait ni jugement, ni obligation, ni hypocrisie. Tout semblait si simple et si doux. Je ne m'étais jamais rendu compte de la chance que j'avais de vivre ce conte de fée. Je ne comprenais pas la jalousie de mes amies envers mon couple, ni la colère de mes grands-parents quand je leurs ai annoncé notre mariage. Mais cela m'importait peu, tant que j'étais avec toi. Tu étais ma raison de vivre, ma joie au quotidien, mon ange gardien. J'étais si naïve, que je me suis laissée bercer par cet amour parfait, sans imaginé une seule seconde que le bonheur n'était pas éternel.

Je me souviens de ce jour où la police m'a appelé. De la douleur qui m'a envahit lorsque cet agent m'a annoncé ton décès. C'était comme si on m'arrachait les entrailles et que l'on me balançait dans un trou sans fond. Mon souffle était coupé, mes jambes flanchaient, ma tête tournait. C'était impossible ! C'était un cauchemar et j'allais me réveiller ! Toi mon amour, qui m'avais promis fidélité, qui m'avais juré de ne jamais m'abandonner, d'être présent pour le meilleur et pour le pire. Tu ne pouvais pas mourir. Tu ne pouvais pas me laisser toute seule. Je n'étais pas prête à m'en sortir sans toi. Je n'avais pas imaginé que je sois un jour obligée de faire le deuil de mon mari. Les contes de fée ne se terminent jamais si brutalement dans les histoires. Mais on ne m'avait pas dit que la réalité était tout autre et que la vie était injuste.

A l'aube de mes 27ans, ma vie n'avait plus de sens. Mon existence n'avait plus d'importance. Plusieurs fois j'ai pensé te rejoindre, mais ta voix raisonnait dans ma tête et me disait : Quand tu es heureux, regarde au plus profond de toi. Tu verras que seul ce qui t’apporte de la peine, t’apporte aussi de la joie. Quand tu es triste, regarde à nouveau dans ton cœur, et tu verras que tu pleures ce qui te rendait heureux. Cette citation de Kahlil Gibran était ta préférée, mais je ne l'ai comprise qu'une fois t'avoir perdu. Et puis un jour, j'ai vu un reportage sur la Nouvelle-Zélande. Cette magnifique île au milieu du Pacifique qui te faisait rêver, et dont tu m'avais tant parlé. Après mes études de langues, l'anglais ne me posait plus de problème. J'ai donc pris un aller sans retour, je suis parti sans dire un mot.

Cela fait six mois que j'ai déménagé, je travaille désormais en tant que serveuse dans un bar. Comme toi. Un et demi après ton départ, la douleur me déchire toujours mais ici personne ne me prend en pitié. Personne ne me voit comme cette riche héritière, veuve et perdue. Je me réinvente, et je crois qu'un jour, je serai prête à croire en l'avenir à nouveau.