Petite flamme à lunettes (ludmilla)

Le jour le plus froid du monde ◊ Souvent, les gens nous demandent de raconter notre histoire ? Comme si l’on pouvait se souvenir de tout ce qui était antérieur à notre quatrième ou cinquième année. A vrai dire, je ne me souviens pas de grand-chose mise à part de ce que mon père a pu me raconter. Mon père, parent célibataire qui m’a élevée pendant les premières années de ma vie. J’ai souvent calqué mon histoire sur celle de Jack dans La mécanique du cœur. Pourquoi ? parce que je suis née comme lui avec le cœur gelé. C’est une façon de parler mais dès que ma mère, Rachel, a mis au monde l’enfant que je suis, les médecins se sont rendu compte que quelque chose n’allait pas. Que pouvait-il se passer ? Après tout, on aurait pu croire que mes parents fous mais quelque chose n’allait pas chez leur bébé. Parfaite, j’étais très belle. un très beau bébé mais à l’intérieur, la mécanique était brisée. On m’a emmené voir un médecin pour voir finalement que j’étais atteinte de cardiomyopathie. Une maladie mortelle. Seulement là où Madeleine greffe une horloge sur le cœur de Jack, le mien restera à jamais gelé. Toute mon enfance, je l’ai passé entre deux hôpitaux pour voir mon premier souvenir apparaitre. « Je ne peux pas. » Tels furent les derniers mots que ma mère balança à mon père alors que j’écoutai derrière la porte. Nous a-t-elle seulement aimée ? Le froid de la Slovénie, ses grandes étendues gelées et sa petite fille si imparfaite, la fille qu’elle ne voulait pas. ce jour-là, ma mère boucla sa valise et partit sans un regard. Nous étions le 25 décembre. Le jour de noël mais également de mon anniversaire, j’avais quatre ans.

La berçeuse hip hop du Docteur Madeleine ◊ Qui a besoin d’une mère ? Mon père fit de son mieux pour m’élever. Il fut à lui seul, mère et père. Pour s’occuper de sa petite fille. Il prit un travail en usine car les traitements coûtaient chers. Nous ne pouvons rien faire. Il ne cessait d’entendre ça de la part des médecins, me laissant dans le couloir avec mes écouteurs et mon walkman. Battant de mes jambes, j’étais déjà grande pour mon âge. Dans la cour de l’école, mes cheveux roux, ma peau si pâle, mes grands yeux bleus passaient mal. Les enfants se mirent à me détester. Je me souviens de ce jour comme si c’était hier. J’avais mes petites couettes et je tenais un carnet contre moi alors que des filles se mirent à me huer. Est-ce que vous saviez que les enfants peuvent être très méchants ? Trop méchants. Elles se mirent à me tourner autour. La tête me tournait un peu trop et mon pouls s’affolait. Les montres comme celle que j’ai aujourd’hui n’existaient pas encore. Je sentis le vertige m’affubler comme une vague, me percutant de plein fouet. La seconde fut si violente que je finissais à genoux et puis plus rien. C’est ainsi que je suis morte la première fois. Moins d’une minute. On m’a installée sur une table froide alors que j’étais à demi-consciente. Puis, j’ai ouvert les yeux. mon père se tenait près de moi, serrant ma petite main dans la sienne. Jamais, je n’oublierai son visage parsemé de larmes qui me fixait suppliant. Ce jour-là, j’ai appris à faire attention. Tout le restant de ma scolarité, je n’écoutai plus. je me suis renfermée, restant dans mon coin, lisant. Je m’évadai ainsi de ma vie morbide avec des récits tous plus colorés les uns que les autres. Chaque année, je soufflai mes bougies, chaque année, je regardai le temps s’écouler comme une rivière imperturbable. Puis j’eus seize ans. mon corps changea, mes cheveux toujours plus longs que je refusai de couper, mon visage toujours aussi blanc. J’étais chez Kristofer, le voisin pour qui j’eus mon premier béguin bien qu’il fut beaucoup trop vieux pour moi, alors que sa femme entra en catastrophe. Nous avions besoin de lui à l’usine. L’usine où travaillait mon père. Kristofer qui était pompier y partit avec ses collègues. Jamais, je ne revis mon père. Une explosion me l’avait soufflée. Kristofer revint mutilé. Je dus organiser l’enterrement pour voir une jeune femme blonde, l’air guindée, débarquer. Ma mère. Dès le lendemain, je montai dans un avion pour La Nouvelle-Zélande faisant mes adieux à ce pays que je ne reverrai jamais.

Flamme à lunettes ◊ Faire mes adieux à mon père, mon premier amour impossible et ma vie furent les choses les plus difficiles que j’eus à faire. C’est ainsi que je suis morte la seconde fois. La fatigue, le chagrin, ma maladie eut de nouveau raison de moi. ma jeune sœur avec qui je n’avais que dix-huit mois d’écart resta près de moi tout le long de mon coma. quinze jours. Quinze longs jours. Je dus faire ma rentrée dans une école avec des enfants dont je ne cpmprenais que très mal la langue. J’appris sur le tas, je restai toujours en retrait. Dix-sept bougies soufflées, je fus invitée à ma première fête. Je m’y rendis sans réellement savoir où je mettais les pieds. Premier baiser, première fois. je ne regrette pas. pourquoi le faire ? cette année souffla aussi une énorme dispute avec ma mère ayant découvert que je faisais des photos en lingerie pour survivre. J’avais une autorisation, celle de mon beau-père. Je ne comptais pas arrêter. Non pas parce que j’aimais ça mais parce que je voulais subvenir toute seule à mes besoins. Dix-huit ans sonnèrent le départ de ma maison, suivie par ma jeune sœur avec qui je pris un appartement. Trois gros chiens, une voiture en assez mauvaise état. Une nouvelle montre flambant neuf que l’on pourrait faire passer pour un instrument de fitness. Le reste défila trop vite. Ma vie se ponctua d’une solitude misérable dans laquelle je m’enfonçai. Les seules soirées à laquelle je participai étaient celles avec mes amies mannequins. Lulu Ivanovich. La mannequin inaccessible. Celle avec sa chevelure de feu. J’avais bien des surnoms. Mais je m’en fichai. Ma seconde année signa un nouveau stage auprès d’un juge qui se comporte étrangement à mon contact. Pourquoi tous les hommes changent-ils subitement de comportement au contact d’une femme ? je ne comprendrais jamais. Je suis bien trop jeune pour m’intéresser aux hommes, préférant me consacrer à deux grands soucis qui alimentent ma vie : ma santé et mes études. Pour le reste, on verra plus tard. Si plus tard, il y a.