je suis la vie autour de toi. (maddie)

Elle n'avait pas eu envie de sortir Maddie, elle avait rechigné à plusieurs reprises, mais finalement ses amies étaient parvenues à la faire céder. Les bars ce n'était franchement pas ce qu'elle préférait, elle préférait de loin rester chez elle à bouquiner ou à mater la télé, c'était plus casanier évidemment, mais sa routine lui plaisait. Elle s'était pourtant prêté au jeu, elle avait bu quelques verres avec ses amis, s'était lâché sur la piste de danse en se foutant royalement de ce que l'on pouvait penser d'elle. Elle n'avait pas assuré, mais elle avait ri aux éclats et elle avait décompressée et ça, ça n'avait pas de prix. Les sorties étaient rares pour Maddie, elle n'aimait pas toute cette foule et encore moins l'effet qu'avait l'alcool sur les gens. Et voilà qu'elle regrettait amèrement d'avoir franchi le seuil du bar, elle regrettait de ne pas être restée affalée dans son canapé à lire des bouquins de médecine, afin de poursuivre ses études, elle regrettait de ne pas avoir su résister à ses amies. Les genoux recroquevillés contre sa poitrine, elle demeurait assise dans une rue sombre, elle ignorait totalement où est-ce qu'elle se trouvait, elle n'avait pas la force pour réfléchir à ça. Tous les bruits aux alentours n'étaient plus que des acouphènes, elle n'entendait plus que lui. Sa voix rauque résonnait encore dans sa tête, ses mots crus, sa sauvagerie avait laissé des traces sur son corps. Elle tremblait Maddie, elle pleurait probablement toutes les larmes de son corps et rien que d'envisager de se lever l'affaiblissait. Tétanisée, atteinte au plus profond d'elle-même, elle avait touché le fond. Elle était là depuis plus d'une heure maintenant, à se répéter sans cesse que ce n'était qu'un mauvais rêve. Elle caressait délicatement son poignet où la marque de son emprise était bien visible avant de finalement se redresser pour prendre la fuite. Elle refermait son jean, étirait son haut désormais déchiré afin de le redescendre, de cacher son ventre. Elle avait honte de ce qu'elle était. Pourquoi fallait-il que tout bascule ce soir.


"J'peux pas ce soir, mais on remet ça, je te le promets." Elle écartait le téléphone de son oreille en sentant le ton monter. C'était Liesel qui la sermonnait, qui se plaignait de ne plus la voir. Maddie ne sortait plus, elle avait d'autres choses à penser. Cela faisait près de sept mois qu'elle ne dormait plus, qu'elle ne sortait plus, parce qu'elle avait peur de tout ce qui l'entourait. Un simple claquement de porte la faisait sursauter et elle ne se sentait en sécurité nulle part. Elle avait fait installer un second verrou à sa porte, de peur qu'on puisse s'immiscer dans son appartement et pire encore, elle avait glissé un couteau dans sa table de nuit au cas où. Elle devenait complètement paranoïaque et Liesel lui faisait souvent remarquer qu'elle agissait bizarrement. Mais Maddie, elle niait, elle affichait son plus beau sourire pour lui prouver le contraire et les interrogations cessaient. Elle se cachait derrière ce sourire, ce sourire qui n'avait rien de sincère, ce sourire qu'elle s'efforçait de garder malgré les circonstances. Elle avait pourtant voulu lui parler, voulu lui avouer tous ses tourments, mais elle se résignait à chaque fois, parce qu'elle la connaissait surprotectrice et puis elle ne voulait pas nier à sa réputation. De plus, elle ne se sentait pas à l'aise avec ça, elle savait bien que Liesel ne la jugerait jamais, parce qu'elles étaient bien trop proches pour ça, mais elle redoutait sa réaction. D'ailleurs, elle se doutait que sa soeur lui conseillerait d'aller voir un spécialiste et ça, c'était beaucoup trop lui en demander. Ça lui pesait de mentir, mais elle ne voyait pas comment faire autrement Maddie. Il y avait beaucoup de choses qui l'effrayaient et Maddie était devenu un fantôme. On lui reprochait de trop travailler, mais ça faisait déjà quelques mois qu'elle ne venait plus en cours, qu'elle avait mis sa vie entre parenthèses. Elle aurait pu aller voir sa soeur aujourd'hui, prendre un verre et faire comme si tout allait bien, parce que c'était devenu sa spécialité. Toutefois, son rendez-vous de la veille l'avait embarrassée, encore plus lorsqu'elle avait réalisé que son corps ne lui appartenait plus. Un enfant. Elle avait vite fait le rapprochement Maddie, loin d'être sotte. La nouvelle l'avait anéantie et elle réfléchissait déjà à la solution pour laquelle elle allait opter. Le ventre d'une femme enceinte de sept mois ça ne passe pas inaperçu, malheureusement.


Elle avait pris la fuite Madison, elle s'était réfugiée dans un petit village au fin fond de la Nouvelle-Zélande. C'était la seule échappatoire qu'elle avait trouvé en si peu de temps. Elle s'était montrée lâche envers sa famille, ses amis, mais elle ne regrettait pas sa décision. Elle avait glissé un mot à Liesel dans sa boite-aux-lettres, parce qu'elle savait qu'elle seule comprendrait son besoin d'évasion. Elle n'était pas rentrée dans les détails Maddie, parce qu'elle ne voulait pas qu'elle sache, elle avait inventé un prétexte bidon en espérant que cela n'éveillerait pas la curiosité de sa grande-soeur. Arrivée au terme de sa grossesse, elle n'avait pas eue besoin de réfléchir aux choix qui s'offraient à elle. Elle savait déjà ce qu'il adviendrait Maddie. Elle ne voulait pas de cet enfant, elle n'avait même pas eu envie de voir son visage, il n'était qu'un péché à ses yeux et malgré l'épreuve qu'elle avait traversée, elle se sentait plus sereine maintenant qu'il ne faisait plus partie d'elle. Néanmoins, elle ne parvenait pas à retrouver le sommeil, elle faisait sans cesse le même cauchemar chaque nuit dans son lit, elle en oubliait la fille qu'elle était avant tout ça. Il était temps de changer de vie, de prendre un nouveau départ. Maddie, elle avait besoin de voir d'autres horizons et c'est sur un coup de tête qu'elle sautait dans un avion directement l'Afrique. Là-bas, elle savait qu'elle allait être utile, que ses études lui servirait à quelque chose, parce qu'il y avait des gens bien plus malheureux qu'elle ne l'était.

"Te cacher derrière un sourire ne t'aidera pas à oublier la douleur." Un mince sourire prenait place sur ses lèvres alors qu'elle replaçait une mèche de ses cheveux bruns derrière son oreille, détourant le regard. Elle entendait tout ce qu'elle disait, elle se taisait Maddie, préférant ignorer cette remarque qu'elle trouvait pourtant très pertinente. Elle n'avait rien eu besoin de dire, son visage parlait pour elle et même si Soraya ne connaissait pas l'histoire, elle était très observatrice. Elle avait débarqué si soudainement Maddie, elle avait tout quitté du jour au lendemain et pour Soraya qui bossait dans l'humanitaire depuis des années, avait bien compris que ce n'était pas seulement à cause d'un problème de famille ou de coeur. Elle était heureuse avant l'abus, elle était pleine de vie cette enfant, elle aimait la vie, elle aimait les autres. Pourtant maintenant, elle était incapable ne serait-ce que de soutenir le regard d'un homme et rien que l'idée de savoir qu'un homme portait ses yeux sur son corps, elle trouvait ça malsain. Pauvre petite fille fragile qui s'était fait marcher dessus, piétinée jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus une seule once de confiance en soi. Elle n'aimait plus son corps corps Maddie, elle ne supportait plus de voir son corps déformée par une grossesse non-désirée. Elle avait honte de ses blessures qu'elle seule voyait désormais, parce que les traces avaient disparues avec le temps, mais pas la douleur infligée. Maddie elle les voyait toujours et chaque fois qu'elle se retrouvait devant un miroir, elle se sentait misérable.