vivre simplement (stan)

Si vous lisez ceci c'est que je suis mort ou que vous avez fouillé dans mes affaires. Sachez que ce qui suit je l'ai écris pour me souvenir, de quoi était fait ma vie, est-ce que j'étais heureux ? Peut-être.

Tu es née en 1955 à Blenheim, tu as apparemment adoré cette ville puisque tu y es restée depuis. D'après ce que tu as pu me raconter, tu étais plutôt intelligente et tu aimais l'école, tu as toujours voulu suivre ton rêve d'enfance qui était de devenir infirmière. Tu l'as été jusqu'à ta retraite que tu regrette car tu aimes ton travail plus que tout, pas plus que ton fils, mais quand même.
Tu as rencontré mon père l'année de tes vingts ans. J'imagine que ça a été le coup de foudre ou une connerie dans le genre car vous vous êtes mariés peu de temps après. Il venait de loin ce métisse à la peau dorée, et c'est sûrement son accent qui t'avais fait craquer.
Quatre années sont passées et tu m'as eu, tu as dû m'élever presque seule à ce moment-là, même si tu étais toujours amoureuse de mon père. Tu étais aveuglée et tu te laissais embobiner par ses mensonges.
Pourtant, tu as quand même décidé de le quitter et de demander le divorce, j'avais dix ans cette année-là. Nous avons déménagé dans un appartement tout petit. Et tu as commencé à être mère poule.
Je n'ai jamais dit que ça me dérangeais, au contraire, je n'ai jamais rien eu à faire et ça c'était bien. J'y ai vite pris goût, mais lorsque j'ai déménagé tu étais trop loin pour me faire à manger, me repasser mon linge ou brosser mes cheveux.
Tu m'as manqué et c'est pour ça que je revenais te voir tous les week-ends. Jusqu'à ce que je rencontre cette femme qui m'a éloigné de toi pendant toutes ces longues années, je le regrette maman, je suis désolé.
J'ai toujours été heureux pour toi, lorsque tu as rencontré Rick, ça a changé ta vie, nos vies. Nous avons habité chez lui et puis vous avez tous les deux rachetés la maison de tes parents après leur décès, Blenheim te manquais sûrement.
Tu étais heureuse de pouvoir t'occuper des enfants de Rick comme tes propres enfants : sa fille, Laura, âgée d'un an de plus que moi et son fils, Rick Jr, de deux ans mon cadet.
Tu n'es plus seule alors je suis moins inquiet pour toi, mais je viens quand même régulièrement te voir, lorsque j'ai une minute. Je sais que tu es fière de moi et j'espère que tu le seras toujours.

Maman m'a raconté que lorsque j'étais petit, tu étais mon héros. C'est vrai, tu n'as jamais été le père idéal, tu n'as même jamais été vraiment un père. Tu étais celui qui partais souvent en voyage faire je ne sais quoi, mais tu revenais toujours, avec un petit cadeau pour moi dans ta poche.
Tu n'as jamais fait de mal à maman, physiquement bien sûr. Je ne parle pas du mal qu'elle a eu lorsqu'elle a apprit toutes les relations que tu entretenais avec d'autres femmes.
Tu buvais beaucoup, seul. Je n'ai jamais cherché à résoudre ton malêtre, car j'étais sans doute trop jeune. Et puis lorsque j'ai voulu m'occuper de toi, tu m'as poignardé.
C'est arrivé l'année de mes seize ans, à l'époque tu avais encore un droit de garde sur moi, parce que tu étais mon père, mon sang. Je venais chez toi lorsque j'en avais envie et parfois des week-ends entier, ce qui déplaisait à maman, elle disait que tu avais une mauvaise influence sur moi. J'aurai dû la croire et ne pas venir chez toi ce vendredi soir.
Je ne m'étais pas rendu compte que tu étais saoule jusqu'à ce que tu finisses par te retourner vers moi avec ton couteau. Tu disais n'importe quoi, des choses incompréhensibles. Et puis tu as fini par le faire : Tu m'as quasiment tué.
Depuis ce jour je dois porter un pacemaker.
Depuis ce jour Papa n'existe plus.

Tu as été celui qui m'a prouvé que tous les papas ne sont pas forcément mauvais, que l'on peut aimer son père sans avoir peur. Lorsque nous nous sommes rencontrés, tu étais souriant, tu semblais heureux de me voir pour la première fois. En réalité, tu connais maman depuis longtemps puisque tu travaillais avec elle. C'est vrai que j'ai eu du mal aux premiers abords, je ne savais pas comment me comporter avec toi, et puis j'étais en pleine adolescence, ce qui n'a pas aidé... Oui, c'était peu après l'accident avec mon père, j'avais dix sept ans.
Tu as rendu maman heureuse à tes côtés et moi ça m'a rendu heureux aussi.
J'ai mis quand même quelques années avant de t'appeler Papa, j'avais dû mal avec ce mot... Mais lorsque je l'ai fait tu ne semblais pas étonné, plutôt fier de toi.
Tu m'as appris à pêcher, à allumer un barbecue et à tondre la pelouse.
Comme un vrai père, tu as pris soin de moi, tu as soigné ma tête et tu m'as aidé à surmonter le moindre obstacle.

Rick n'est pas venu seul puisqu'il avait ramené avec lui ses enfants, Laura et Rick Junior.
Laura a un an de plus que moi, elle s'est toujours montrée ouverte au remariage de son père et m'a tout de suite adopté, sûrement parce qu'on a pas une si grande différence d'âge que ça. On aimait à peu près les mêmes choses et elle m'aidait pour mes devoirs.
Quand à Junior... Tout ne s'est pas vraiment bien passé. Avant que son père se remarie il était son seul fils, un peu le chouchou de son papa. Mais après ça tout a changé et il me l'a reproché. Je ne lui en ai jamais vraiment voulu, il a deux ans de moins que moi et il était encore plus jeune à ce moment-là... Mais le courant n'est jamais vraiment passé et même si j'ai fait des efforts nous ne nous parlons plus et je n'ai aucunes nouvelles de lui.

Je t'ai rencontré lorsque tout allait bien dans ma vie, je venais d'avoir vingt cinq ans et mon hôtel commençait à devenir rentable. Tu étais jolie, charmante et je croyais qu'avec toi j'allais finir ma vie.
Comme toutes les histoires d'amour, au début tout était beau et rose. Tu m'aimais à la folie et tu rendais jalouse toutes tes copines, parce que tu avais de l'argent grâce à moi et je suis plutôt bel homme, c'est vrai.
Nous sommes quand même restés douze ans ensemble.
Je ne sais pas comment j'ai fait pour tenir aussi longtemps. Tu étais jalouse, possessive, c'était maladif. Tu m'as interdit de revoir mes amies sinon tu me quittais, alors je t'ai obéis, pour je ne sais quelle raison, j'ai accepté d'être soumis à toi et tu faisais ce que tu voulais de moi. Tu m'as détruit.
Jusqu'au jour où j'en ai eu assez de tout ça et j'ai décidé de t'en parler, ça m'a ouvert l'esprit et je t'ai dit tes quatre vérités. J'ai peut-être été dur ce jour-là, tu as énormément pleuré, mais il fallait que ça sorte, j'étais devenu méchant, salaud.
Tu as voulu t'excuser mais je t'ai repoussé. Tu m'as finalement avoué que tu me trompais et je t'ai giflé -je regrette. Et puis tu es partie, tu as laissé un vide pendant un temps et puis j'ai repris ma vie naturellement en main, en me consacrant à mon hôtel et à ma mère. J'ai revu mes ami(e)s, j'ai souri, j'ai ri de nouveau, ça m'a fait du bien d'être heureux. Avec toi je ne l'étais plus.
Milia, je comprends maintenant pourquoi nous ne nous sommes jamais mariés, pourquoi nous n'avons jamais eu d'enfants... Car toi et moi ce n'était que du vent, des mensonges et de la tristesse.