Selina × I'm falling so I'm taking my time on my ride

Écouteurs dans les oreilles, je regarde par le carreau du bus. J'ai aucune idée dans lequel je suis montée, la seule chose dont je suis sûre, c'est que je vais quelque part. J'veux pas forcément savoir où, je garde la surprise, car dans le fond si je savais ça enlèverait l'effet de surprise. Pendant un moment je ferme les yeux, je m'imagine un monde totalement différent du nôtre. Un monde pleins d'animaux mythiques et de magie, un monde où j'aurai une importance, même si elle est moindre. Un monde moins rempli que la vraie réalité, mais pas pour autant plus calme. Les arrêts passent et soudainement, je sonne, je prends mon sac à dos qui était sur le siège à côté du mien et je me lève, me dirigeant vers les portes. Ouais, je suis définitivement au milieu de nulle part mais j'aimais ça. Dès que le bus s'arrêta, je sautai hors de celui-ci pour découvrir le quartier qui s'offrait à moi. Il devait être 9h, j'avais 12 ans et je n'avais aucun souci au fait de découvrir un endroit totalement inconnu, après tout... certains personnes vivent cent ans sans jamais exister un seul moment.


Je claque la porte derrière moi tandis que ma mère crie mon prénom. Trop tard. Je lève les yeux au ciel, mon inséparable sac à dos en main tandis que je l'accroche à mes épaules. Rien à foutre de si j'ai des trucs à faire à la maison ou même pour les cours. Je soupire doucement en ne voyant personne dans les rues alors qu'il fait assez bon, sincèrement, dès qu'il y a un rayon de soleil j'ai ma gueule dehors. Je déteste être enfermée. Alors que je commence à marcher pour partir plus loin dans la ville, du bruit non loin de moi qui semble venir de la maison en face m'interpelle et fronçant les sourcils, je remarque deux gars sortir. Ils étaient identiques.

-Oh mon dieu ! DES JUMEAUX ! C'est tellement cool, j'pensais qui avait juste des gens chiants par ici ! C'est lequel que je vois souvent à la fenêtre ? Pas que je sois une espionne mais ma chambre c'est celle juste en face. Je vous assure, je ne suis pas aussi bizarre que je semble l'être actuellement.

Pendant un moment ils se regardent sans dire un mot. Ouais ils me prennent comme une personne totalement bizarre, mais j'sais pas trop comment le prendre. Car bon, être une personne bien élevée, qui respecte les règles de la société, ça va un moment mais ça devient lassant. Alors je soupire, faisant des gestes exagérés, comme d'habitude, et je croise mes bras sur ma poitrine.

-C'est bon, me jugez pas du regard comme ça. La vie sans des gens comme moi serait ennuyante.
-Ça dépend peut-être à quel point t'es tarée.
-Même l'asile n'a pas voulu de moi, chéri.


Je lui lance alors un sourire alors que je prends mon air diabolique et je lui indique de me suivre, lui proposant une nouvelle aventure. Pour me suivre, il m'a suivie, ah ça oui. Au point que j'en suis tombée follement amoureuse.



Je le regarde dans les yeux alors qu'il arque un sourcil. Apparemment mon air boudeur doit le mener sur le fait que je ne suis pas contente. Et bha il était temps ! Mais il ne dit pas un mot pour la cause. J'attends combien de minutes encore avant de le massacrer de mes propres mains ? Quoi ? Il est malade ? Rien à foutre ! Pas de pitié !

-Qu'est-ce que tu râles encore ?
-Réfléchis et tu trouveras.

Il soupire alors que je continue mon petit numéro. Non. Alors je me mets à grogner, lui tirant un regard suspect.

-Tu fais ta Selina des cavernes maintenant ?
-Je t'emmerde Emmett, je t'emmerde.

Oui, je faisais partie de ce genre de personnes totalement bornées ce qui pouvait rendre fou les autres. Mais à chaque fois que je faisais la gueule et qu'Emmett faisait un truc pour arranger la situation, je craquais et je finissais par arrêter de râler, et puis parfois c'était lui qui faisait la gueule par la suite. Nous étions ce genre de couple capable de vous faire perdre patience en deux secondes, même la thérapie de couple ça fonctionnerait pas entre nous. Mais je crois que dans le fond, ça me dérangeait pas tant que ça, j'adorais ce qui était imprévisible, spontané. Peut-être pour ça que je l'aimais. Me levant subitement du banc où on était, je prends mon sac qui était à mes pieds et je le jette pratiquement sur mon épaule et pendant un moment, il m'arrête. Je me tourne vers lui, ce même air sur le visage. Et soudainement, il m'embrasse, et comme toujours je craque, oubliant ma précédente rancune. Si ça avait pu être comme ça pour toujours...



Et depuis qu'il est parti, plus rien n'avait son sens. Même pas respirer. J'étais sur une barque, à la dérive, sans cesse repoussée par le passé qui me hantait, mais ne me terrifiait pas autant que le futur pouvait le faire. Il me restait la vie mais c'était toujours la nuit. Ça faisait combien de temps maintenant ? Deux ans ? Peut-être plus ? Et en deux ans... Je n'avais rien fait. Je travaillais mais c'était tout. Plus personne de ma famille ne m'avait vu ou même entendu parler de moi, j'avais préféré moisir dans ce studio avec tous ces livres que j'ai lu des centaines de fois pour ressentir autre chose que le vide béant, imposant en moi. Et ce soir-là, ça c'est montré naturellement. Est-ce que vous avez déjà vu un écrivain avec une vie heureuse ? Ou une légende avec une vie heureuse, bien rangée, juste... une vie clichée ? Non. Puis l'évidence est venue. J'ai allumé mon ordinateur et j'ai commencé à écrire, pour la première fois depuis sa mort, j'avais une idée en tête et un but : écrire mon livre et l'éditer.



-Et tu verras, ça sera magistral. Car non, aucun des deux ne va mourir, ça serait trop facile ! Que vaut la mort comparé à des années de séparation quand on aime vraiment quelqu'un ? Le tuer serait prévisible, surtout qu'ils filent le parfait amour. Non, à la place, ils vont se séparer pour le bien l'un de l'autre, et ils ne pourront jamais se revoir car l'un d'eux ira dan un territoire interdit sans que l'autre le sache. Et ça se finira sur ce moment, je laisserai le lecteur imaginer la douleur que ça fait d'avoir une fin comme ça, se séparer pour prouver qu'on s'aime.

Mon pote me regarde en haussant un sourcil tandis que je parle de la fin de ma trilogie. Le dernier tome est presque fini d'être écrit et je sais parfaitement quoi faire des héros principaux, en fait je le sais depuis des années. Car c'est moi et avant de voir le début de quelque chose, j'en vois la fin. Dommage je n'avais pas pu faire pareil pour ma relation avec Emmett.

-Dis, Sel', y a pas longtemps par ici j'ai vu un gars qui ressemble à celui qui pose avec toi sur la photo qui se trouve sur ta table basse. Tu peux m'expliquer ?
-Oh, il avait un jumeau, ça doit certainement être lui. Y a que dans les séries et films que les morts reviennent à la vie, on habite pas à Zombieland.

Soudainement froide, je regarde par la vitre du pub dans lequel on est tandis que mon regard se perd sur la foule de gens qui passe encore et encore. Ce qui est mort ne peut mourir, n'est-ce pas ?