♒ late nights, red eyes, amnesia, I need you.

On ne choisit jamais comment notre vie va se construire, comment les choses vont évoluer au fil des années, chacun se fait des films, parfois la réalité est encore mieux que notre imaginaire, ou parfois on voudrait s’endormir à tout jamais pour ne vivre que dans notre rêve tellement la réalité est violente. Enfant je voyais ma vie toute tracée, rédactrice en chef d’un grand magazine de mode à New-York, vivant dans un beau loft dans l’upper east side, avec un beau mari et des enfants adorables, mais ma réalité est toute autre.

A douze ans j’ai vu ma vie s’écrouler, la terre s’effondrer sous mes pieds et je n’avais aucun moyen de la retenir. Tous mes rêves partaient en poussière, pas parce qu’ils n’étaient pas réalisable, mais parce que j’ai changé. J’étais une enfant heureuse, aimante et attachante, je respirais la joie de vivre et j’adorais explorer, jouer les aventurières. Mais un soir, alors que je promenais le chien dans la rue, une rue pourtant pas vraiment fréquentée, juste par les gens qui y habitaient, c’était une rue calme et sans histoire, jusqu’à ce que la mienne vienne marquer les murs blanc de cette banlieue. J’étais avec mon chien, je marchais tranquillement râlant un peu parce que je manquais mon émission préférée à la télé, mais comme j’avais tellement insisté pour avoir un chien et que ma mère n’a accepté qu’à la condition que ce soit moi qui m’en occupe et donc mon émission devait passer après le chien.
J’étais presque devant la maison, à quelques minutes près j’aurais franchi la porte sans rien, sans encombre, et j’aurais bu mon lait chaud devant cette émission. Mais c’est là que ma vie à décider de changer. Une voiture à freiner brutalement, me faisant sursauter, j’ai tourné la tête avant de lâcher mon chien et d’essayer de courir jusqu’à la porte, mais la vitesse ne m’a pas suivie, rattrapée par un homme, une main sur ma bouche il m’a traîné jusqu’à sa voiture laissant le chien aboyé à la mort essayant en vain de prévenir quelqu’un. Jetée dans la voiture comme un vulgaire sac à patates j’ai juste eu le temps de voir ma mère ouvrir la porte d’entrée et d’essayer de se précipiter vers moi, mais c’était trop tard, l’homme quittait sa place, accélérant comme un fou pour quitter la rue, laissant les lampadaires de ma charmante rue s’évanouir dans la nuit.
Il m’a abandonné quelques heures plus tard dans un coin tranquille du parc, j’étais à moitié consciente et presque dévêtue, je ne savais pas où j’étais, mais je n’avais plus peur car je savais qu’il était parti j’avais entendu le moteur de sa voiture vrombir quand il a démarré au quart de tour, et ses pneus crissés sur la route quand il a regagné la rue. Je me souviens d’avoir perdu connaissance puis le trou noir jusqu’à ce que j’entende une ambulance et sûrement des voitures de police arriver vers l’endroit où j’étais. Je n’avais plus aucune force pour bouger, alors je suis restée plantée là à moitié nue, à attendre que l’on me retrouve. J’ai entendu la voix de ma mère, mais j’étais incapable de répondre comme si on m’avait coupé les cordes vocales, incapable de me manifester oralement, alors j’ai rassemblé le peu de force que j’ai réussis à trouver pour lever un bras et j’ai entendu une dizaine de « elle est là ! » J’ai vu plein d’hommes arriver, et je ne voulais pas qu’il me touche, qu’ils posent leurs mains sur moi, je me suis dégagée de l’un deux qui essayait de me porter. Et un nouveau trou noir. Je me suis réveillée à l’hôpital, ma mère m’a dit en suite que j’étais restée deux jours à dormir ou dans le coma, les médecins ne savaient pas vraiment quoi penser. 

Depuis cette nuit-là, j’ai développé une sorte de trouble du comportement, je n’ai pas de problème psychologique, mais pour essayer de mettre tout ça derrière moi, les médecins et psychologue, m’ont demandé d’écrire tout ce que je faisais dans la journée, ce que je mangeais, ce que je regardais à la télé, mes devoirs etc… et c’est devenu une obsession, je dois absolument tout noter dans mes carnets, sauf que maintenant je ne le fais plus quand l’action est passée, je l’écris avant de le faire, chaque soir avant d’aller dormir, dans mon agenda je planifie ma journée presque à l’identique que celle qui est en train de se terminer, mais ce n’est pas grave c’est maladif, il faut que je note et je barre dès que j’ai fait quelques choses et je me sens beaucoup mieux. Bien-sûr ça ne m’a pas fait oublier le viol que j’ai subi et les mois d’angoisse et de terreur que j’ai vécu suite à ce drame, ça m’a simplement permis de continuer à vivre, ça ne devait être que quelques mois, mais ça fait une dizaine d’année maintenant que tout cela me poursuit, me faisant rappeler mon viol à chaque mots que j’écris dans un carnet et pourtant que je ne peux pas m’empêcher de le faire. Comme si j’aimais me faire du mal à moi-même.