I'll be the lucky one.

15 ANS - ma mère est une égoïste. lâcha-t-elle soudainement, brisant ainsi le silence pesant qui s'était installé entre eux. elle regardait calmement les nuages qui nageaient sur cette vaste piscine qui s'étendait au dessus de leurs têtes. mon père est un lâche. rajouta-t-elle, les bras derrières sa tête servant ainsi de support, les jambes croisées et la respiration lente. elle sentait le regard de bruno posé sur elle ; elle sentait aussi l'incompréhension qui s'émanait de lui. elle savait qu'il était perdu et qu'il n'osait rien dire. et mon beau-père est un connard. finit-elle par dire tout en délaissant les nuages pour rencontrer les yeux noirs de bruno. même s'il n'osait pas parler, ses yeux le faisaient pour lui. ils criaient presque pour avoir plus d'explications, pour savoir le pourquoi du comment ; ils criaient parce qu'ils savaient que bruno voulait comprendre pourquoi sa petite princesse allait partir loin, très loin, plus loin que l'horizon qu'ils voyaient quand ils allaient ensemble à la plage. elle ne pensait qu'à son bonheur en sortant avec lui, elle en avait carrément rien à faire de moi. tout ce qui l'importait, c'était de ne pas à avoir à finir seule quand je quitterai la maison et d'avoir enfin une bonne raison pour partir d'ici. dit-elle tout en insistant sur le mot ici. ses sourcils étaient froncés et elle sentait la rancœur, la colère qui commençaient à border ses lèvres, à noyer son cœur et à ronger ses doigts. elle vit que bruno s'en était rendu compte, puisque celui-ci lui prit délicatement sa main et traçait des cercles sur le dos de celle-ci. il savait qu'elle allait bientôt exploser et que chez elle, ça montait en crescendo, alors il essayait de la calmer. ce qui marchait bien. seul bruno pouvait éviter beaucoup de chose ; parce que grace aimait bruno et c'était réciproque. grace ferma les yeux quelques secondes et soupira. elle n'a jamais vraiment pensé à moi en fait, même quand papa était là. elle partait toujours quelque part avec ses copines pour fumer et boire ; parce que même si elle s’obstinait à dire qu'elle ne le faisait pas, je la voyais prendre ses paquets de clopes qu'elle avait bien caché dans son placard et quand elle rentrait, je savais qu'elle avait bu parce qu'elle puait. son haleine était infecte et quand elle venait me déposer un baiser sur le front avant de partir décuver, je devais me boucher le nez et l'odeur restait quelques minutes dans l'air ; ce qui m'empêchait de m'endormir. les larmes se mirent à rouler sur ses joues, non seulement sa mère était une égoïste, mais elle mentait - très mal - aussi. bruno se releva quelques instants tout en gardant la main de grace dans la sienne et vint se rallonger à côté d'elle, plus près encore. c'est une putain d'égoïste ouai, reprit-elle entre deux sanglots. mais mon père n'est pas mieux ; en fait, il est loin de l'être. je crois qu'ils se sont bien trouvés, ma mère et lui, parce qu'il buvait, fumait et qu'il avait lui aussi un défaut. c'était un lâche et à cause de ça, personne ne pouvait vraiment compter sur lui ; pas même moi. mes parents croulaient sous les dettes, ils n'avaient même plus de quoi me payer mon cadeau d'anniversaire ou encore celui de noël ! mes parents étaient tous les deux au bord du gouffre, surtout ma mère et au lieu de trouver une solution pour pouvoir régler tout ça, mon père a fui. je m'en souviens encore, c'était un matin alors qu'il faisait très froid. il a prétendu aller faire quelques courses - bien sûr, ma mère et moi l'avons cru - mais il n'est jamais revenu. j'ai longtemps attendu devant la fenêtre de ma chambre et à chaque fois qu'une voiture passer je me disais ' oh, c'est lui, c'est papa ! ' et en réalité, ce n'était pas lui. bruno essuyait les larmes de grace au fur et à mesure qu'elle parlait. il restait silencieux, n'osait pas l'interrompre et même si rien ne franchissait sa bouche, bruno était rempli d'une tristesse infinie. ma mère s'est mise à sortir de plus en plus avec ses copines et avec d'autres personnes, me laissant ainsi seule à la maison. même si je savais qu'elle était rongée par le chagrin, je savais aussi qu'elle était inconsciente de laisser une gamine de dix ans toute seule. je lui en veux toujours pour ça, parce qu'elle croyait qu'elle était la seule à souffrir, mais c'était complètement faux ! encore une fois, je voyais bien à quel point l'égoïsme la peuplait et je m'étais rendue compte à quel point mon père était un lâche. grace serra bruno de toutes ses forces, secouée par des sanglots violents. ils restèrent coller l'un à l'autre durant quelques minutes avant que grace ne reprit. et un soir, ma mère est revenue avec eux et je savais que ma vie ne serait plus jamais la même. grace regardait bruno dans les yeux et elle vit qu'il avait les yeux brillants ; il allait pleurer dans peu de temps à cause d'elle. mon beau-père est un connard reprit-elle tout en essayant de se calmer. c'est lui qui a changé ma mère, c'est lui qui me force à partir d'ici, à me séparer de toi ! bruno était son soleil, et quand elle sera partie, elle ne vivra plus que dans un monde où il n'y a que la lune qui brille.