The Devil makes us sin, my love ▬ Logan.

La porte qui claque, encore. Des hurlements de bébé à travers la maison et le son de la télé qui tente de couvrir les bruits. Il est 20h et Maman Mitchell est rentrée de son travail, un salon de coiffure qu'elle tient difficilement à bout de bras. A bout. C'est ça, elle est complètement à bout. Absente toute la journée durant pour travailler. Un mari… absent lui aussi. Toujours les fesses vissées sur un siège d'avion à parcourir les continents et les îles néo-zélandaises pour son boulot. Jamais là. Toujours parti. C'est compliqué. Ils ne s'imaginaient pas à quel point. Pourtant, ils l'ont voulu. Malgré les réticences de la famille, malgré leurs questionnements, malgré leur situation elle-même, ils ont choisi d'avoir un enfant. Jamais, jamais ne se seraient-ils imaginé que ce serait aussi compliqué. C'est pas que l'argent manque, au contraire, ils sont plutôt bien lotis à ce niveau-là. C'est plutôt … le temps. Le temps qui n'est pas extensible, les journées pas assez longues et les semaines qui se dérobent beaucoup trop vite. Y a quelque chose à changer, mais ils n'arrivent pas à se poser pour en discuter. Et ils s'épuisent.
Tandis que le bébé continue de s’époumoner depuis sa chambre. La mère s'assoupit cependant devant la télé et les hurlements s'apaisent. Y a une tête qui dépasse de la porte, un homme. Il rentre dans le salon. C'est Jake, le frère de Kathryn, Maman Mitchell, un jeune étudiant qui est venu rendre visite à sa sœur, pendant les vacances. Dans ses bras, il tient l'enfant, un pouce dans sa bouche, il dort. Elle émerge un peu et tend les bras, mais il secoue la tête et s'installe à côté d'elle. Il ne se serait jamais imaginé que ce serait à ce point le bordel, l'enfer. C'est invivable et pourtant il n'est là que pour quelques jours. Mais comment font-ils d'ordinaire ? Mamie, Papy, la baby-sitter. Vivement que Logan aille à l'école… Encore trois ans. Plus que trois ans. Vite, les trois ans. Ça a beau grandir vite, les bébés, celui-ci a tellement l'air de prendre son temps que ça agace sa génitrice. Mais l'oncle est là et il se fait la promesse qu'il le sera toujours, que même quand il sera diplômé, il reviendra. Même quand il sera professeur, il reviendra s'occuper du petit garçon dans ses bras, quitte à l'embarquer chez lui, plus au sud, pour le soulager, lui, mais aussi ses parents.

Et il la tiendra cette promesse.
Un oncle comme un deuxième papa qui emmène le garçon avec lui dès qu'il est assez âgé pour se passer de ses parents. Il lui lit des histoires, lui chante des chansons, lui montre des tours. Et ça l'amuse le petit. Ça l'amuse énormément. Tant et si bien qu'en grandissant, à son tour, il s'entraîne à les faire ces tours. Son oncle lui apprend, lui reproduit. Et il est doué. Bientôt, c'est l'élève qui dépasse le maître, qui lui montre de nouvelles choses. Parce que Logan, quand il est seul, de retour dans la maison austère de ses parents, il passe ses nuits et ses week-ends à dévorer des bouquins, à décortiquer les manuels de magie, de prestidigitation et autres manuels de faiseurs de miracles.
Mais il ne se restreint pas seulement à ce genre de lectures. Il lit énormément. Des romans en tous genres, des bandes-dessinées, des contes, de l'heroic fantasy, etc.. Ça le passionne, mais surtout, ça lui évite d'avoir à affronter la monotonie de la vie en dehors de sa chambre. Certes, il a des copains dehors, mais sa mère ne le laisse pas trop sortir, elle qui n'a pas le temps de s'en occuper préfère avoir un œil sur lui dès qu'elle est là, quitte à ce qu'il ne bouge pas de sa chambre. Encore moins quand le père est là.

Et quand bien même son oncle adoré soit professeur, le Logan sauvage n'est pas à sa place sur les bancs de l'école. Ça lui plaît pas. Ça l'ennuie. C'est un gamin qui a besoin qu'on l'écoute, qu'on le regarde, alors il fait le pitre. Parce que c'est pas à la maison qu'il y a de la vie, qu'on le regarde, c'est bien à l'école. Il décroche vite, parce qu'il fait trop l'imbécile, qu'il se prend punitions sur punitions, travailler dans le silence, perdu dans la masse d'autres gamins de son âge, ça lui convient pas. Résultats médiocres, pas représentatifs de la culture qu'il assimilait en lisant tous ses livres ou même des discussions qu'il pouvait avoir avec son oncle. Il a quand même réussi à finir le lycée et dès lors, il s'est lancé dans la prestidigitation, professionnellement.
Il a rencontré des magiciens, s'est présenté à eux, leur a montré ce qu'il savait faire et l'un d'eux a fini par le prendre sous son aile. Ensemble, ils ont voyagé quelques temps. Puis Logan a quitté le nid et fait son chemin de son côté.

Australie. Japon. Amérique. Europe.

Il manipule dans la rue, dans les bars, dans des cabarets, parfois. Il est jeune, beau. Il captive. Y a son sourire et cette aura autour de lui. Il est plutôt populaire et on l'invite à faire ses spectacles un peu partout. Mais ses shows s'essoufflent. Il a besoin de renouveau. Et être seul sur scène, ça ne fonctionne plus très bien. Il lui faut une belle plante, une assistante. Celle qui participera à ses tours, ravira le cœur du public et … le sien. Une belle oiselle du nom de Camille, capturée en France, dans la belle ville de Toulouse. Camille, elle est grande, elle est belle. Elle a un sourire à faire fondre les grands glaciers, comme celui autour du cœur du magicien, Camille. Sa beauté qui se verra sublimé par une bague à son annulaire, rapidement, parce qu'un petit bout a choisi de loger dans son ventre, bien au chaud. Qu'on n'y voit pas un mariage précipité par cette grossesse, oh non ! Tous deux s'aimaient, mais aimaient encore plus les paillettes et le feu des projecteurs.
Il y a eu de nombreuses disputes, souvent parce que les spectacles ne faisaient pas salles combles et qu'ils se retrouvaient plus souvent sur la paille que couverts de diamants. Elle avait pas la vie dont elle rêvait et pour Logan, son idéal avait un goût amer.

C'est en 1998 que Wade est né. Et étrangement, c'est là que tout a commencé à déraper. Comme si l'histoire se répétait. Parents absents, tentant de joindre les deux bouts avec des spectacles qui se détérioraient niveau qualité. Le père qui planchait sur de nouveaux tours et la mère derrière lui pour lui crier dessus, que ce n'était pas suffisant, que ça n'irait pas. Ils étaient encore jeunes, pourtant, mais le stress, les angoisses, le manque d'argent leur a flanqué un sacré coup de vieux dans les dents. Pourtant, Logan n'en démordait pas. Il était homme de scène. Homme des projecteurs, irradié par les lumières puissantes et variées des spots accrochés là-haut, dans les coursives de métal noir. Il ne se sentait bien que lorsque les regards étaient rivés sur lui et encore plus lorsqu'on l'applaudissait. Mais, à cette époque-là, il ne parvenait même plus à trouver une simple salle des fêtes qui veuille l'accueillir. Il fallait changer de procédé. Changer de manière d'agir.
Et il a finit par trouver. Il est retourné dans la rue, aux prémices de sa carrière. Et celle-ci a de nouveau explosé. Les gens s'agglutinaient autour de lui, applaudissaient, sifflaient. Il se sentait à nouveau complet. Mais ça ne rapportait pas gros et Camille le pressait toujours plus pour ramener plus d'argent à la maison pour nourrir le petit. Vinrent alors les stratagèmes savants, mêlant la prestidigitation à l'entourloupe. Parfois avec l'aide de sa femme qui piochait dans les poches des passants hypnotisés. Là, enfin, ce fut le pactole. Mais il leur fallut déménager, bouger, voyager. Ce fut la cavale et les folles années qui revenaient. Les Bonnie and Clyde des tours de passe-passe. Et quand ils avaient des problèmes en France, ils s'exilaient en Italie, en Espagne ou même en Allemagne. Bien tranquilles, sous de nouvelles identités et ils continuaient leurs exactions, s'enrichissant toujours plus. Belles voitures et beaux appartements. Beaux vêtements… et jolies femmes.
Logan est un homme, certes, mais surtout un crétin. Les femmes ont toujours été sa faiblesse, mais la reconnaissance du public les faisait se presser encore plus près de lui. Il est grisé, amusé, il s'éclate, c'est un grand gamin. Il aime cette attention et il aime encore plus les entourloupes et s'est découvert un certain don pour ça, en plus de son charisme à faire sauter les boucles blondes des filles sur leur dos blanc.
Alors forcément, il craque. Forcément, il trébuche et il fait un pas de côté.
Forcément, il est infidèle, forcément, il goûte à d'autres.
Et forcément, Camille finit par être au courant.

Et c'est la guerre. Camille explose. Camille, c'est un volcan endormi qui se réveille. Elle dévaste tout et elle se barre, la petite main de Wade dans la sienne. Ce sera la dernière fois qu'il les verra. Les papiers du divorce dans une enveloppe brune seront les dernières nouvelles qu'il aura d'eux, malgré ses nombreuses – mais vaines -  tentatives. Le petit garçon n'a que 5 ans. Nous sommes en 2003.
Logan est effondré, mais il trouve son réconfort dans ses spectacles. Il rentre en France, parce qu'il s'y sent bien et que depuis le temps qu'il y est, la langue n'est plus une barrière, au contraire. Il use de ses charmes et de son accent néo-zélandais qu'il sait exagérer pour améliorer ses arnaques et autres entourloupes. Dorénavant, il ne se contente plus de voler son public, mais également celles… et ceux qu'il parvient à faire tomber dans ses filets. Plusieurs fois, il change de nom, plusieurs fois, il change de papiers. Toujours des faux, toujours du faux. Que de la poudre aux yeux, du spectacle, des paillettes.
Un personnage.
Un magicien.
Manipulateur.

Qui de quoi. Ou même comment ? Il ne sait pas trop. Un jour, les gendarmes débarquent chez lui et le menottent, pour l'emmener croupir en prison. C'est peut-être Camille ou une de ses victimes. Qui sait. Mais ils ont fini par lui mettre la main dessus. Peut-être que c'était ce qu'il attendait, au final. Qu'on l'arrête. Qu'il interrompe ce qu'il essayait de faire pour survivre, loin de chez lui.
Et le verdict était tombé.
Dix années.
Dix longues années, à croupir derrière les barreaux d'une prison française. Pas même le gouvernement de son pays n'avait demandé à l'extrader. Car il n'était rien qu'un vulgaire entourloupeur, un arnaqueur, un sale voleur. Un escroc. Et c'était pas franchement dans l'intérêt de la Nouvelle-Zélande de lui venir en aide. Alors on a tue l'affaire. Étouffée dans l’œuf. Comme lui dans sa cage. Étouffé.

Il disparaît. Il n'est plus personne. Il n'y a personne pour lui rendre visite. Et ça l'angoisse. Dix années à côtoyer des voyous, des criminels. Il ne se sentait pas comme eux. Il n'avait pas fait tant de mal que ça. Il n'avait tué personne, il n'avait agressé personne, blessé personne. Peut-être juste son ex-femme, mais jamais en levant la main sur elle. Il n'avait jamais dealé de drogue, rien. Juste piqué du fric, par moments et pas tant que ça. Jamais de gens trop pauvres. C'était peut-être même ça son erreur. Malhonnête mais pas trop.
Puis, il est sorti, finalement.
Son réflexe premier fut de tenter de reprendre contact avec son ex-femme et surtout son fils…. Sans succès. Résigné, il finit par rentrer au pays. Rentrer à la maison, à Auckland. Loin de tout, loin de rien.
Mais ça va pas. Il y a rien qui va. Il essaye de rebondir, de se reconstruire, en évitant au maximum la magie et la prestidigitation. Se trouver un travail. Mais quoi ? C'est un escroc. Il a aucune formation, pas de diplôme, rien du tout. Une catastrophe. Il n'allait pas retourner vivre indéfiniment chez ses parents à 40 ans passés en enchaînant des boulots à la con qui ne lui permettaient pas de payer un loyer ??? La recherche de boulot totalement infructueuse, il profite d'une visite de son oncle pour lui en faire part, quand celui-ci lui dit qu'une place d'assistant de français s'est libérée dans l'université où il travaille encore. Que vu son implication et son nom, il peut faire un peu de forcing pour placer son neveu adoré sur ce poste, surtout sachant qu'il a vécu autant d'années en France. Logan adorerait, alors Tonton fera en sorte que ça marche.
Ce dernier rentre à Wellington en lui promettant qu'il fera son maximum et quelques jours plus tard, il l'appelle pour lui dire qu'il lui a décroché un entretien et qu'il ne pourra pas faire tellement plus, peut-être appuyer sa candidature, mais ce sera tout.

Alors, il s'envole pour le sud de l'île pour rencontrer le doyen et passer son entretien. Son charisme et son niveau de français sont tels que les deux hommes accrochent immédiatement. Le manque d'expérience en enseignement du quarantenaire ne font pas peur à l'autre, quand on sait tenir en haleine une salle de spectacle, on sait captiver des élèves sans problème. Le seul doute qu'il ait pu avoir c'est concernant les années de prison du futur assistant. Mais la pression émise de la part de Tonton le fit plier et Logan fut embauché. L'enseignement, c'est assez spécial, mais se retrouver quasiment seul devant des amphithéâtres remplis de jeunes gens, ça ne le décontenance pas tant que ça. D'autant plus que contrairement à ses petits jobs précédents, il a comme l'impression de respirer, car même s'il passe ses journées enfermé dans l'université, les murs sont loin, les pièces plus ou moins lumineuses, il ne se sent pas oppressés, presque libre. Bien. Avec les élèves, ça marche super. Il s'éclate, ils viennent le voir après les cours pour discuter du contenu de la leçon du jour, il sympathise. Jamais il n'aurait pensé que l'enseignement ça aurait tant pu lui plaire, lui… qui détestait l'école. Mais la vie est tellement pleine de surprises.
Comme cette demoiselle. Jeune, belle. Mais qui a surtout la moitié de son âge. Étrangement, ça ne la dérange pas plus que ça, parce qu'elle semble vraiment sous le charme de Logan, mais lui… Lui, il est juste sous le charme de la jeunesse. Dans la vague de la fougue de cette jeune femme pétillante avec qui, il ne faut pas se le cacher, il s'éclate vraiment.
Mais elle ne provoque pas dans son ventre les mêmes choses qu'il a pu ressentir pour Camille. Ce n'est pas qu'il n'essaye pas, au contraire, c'est juste… que ses sentiments ne décollent pas. Ça ne marche pas, pourtant… Il ne la quitte pas. Parce que c'est agréable, c'est confortable, ce quotidien. Elle est là, elle est belle, jeune, elle l'aime – du moins, il croit – et c'est super de se réveiller à ses côtés le matin. Mais c'est une belle plante. Une jolie chose dans sa vie, dans son appartement.
D'ailleurs, niveau belles plantes, il est plutôt bien servi. Sa collègue, à l'université, la professeur de français, elle aussi, c'est une belle femme. Moins jeune que sa miss, certes. Mariée et maman de trois foutues triplées. En plus. Et malgré qu'elle soit on ne peut plus agaçante, faut se l'avouer, elle est belle et il se surprend parfois à laisser ses yeux traîner sur ses fesses. Avant de se raviser parce que, putain, c'qu'elle est chiante. Elle l'aime pas. Ils s'engueulent. Souvent. Sur plusieurs sujets. Mais principalement parce que la pimbêche le méprise. Merde, à la fin. Peut-être qu'il a fait de la prison. Peut-être qu'il a eu sa place grâce à son oncle, mais il en mérite pas moins ce poste. Ça n'enlève rien au fait qu'il est bon en ce qu'il fait. Et puis merde. Il a été puni pour ses conneries. Il a passé dix ans de sa vie à réfléchir à ce qu'il a pu faire, à comprendre et à tourner mille fois dans sa tête ses erreurs. Et il a compris. Il a compris et c'est pour ça qu'ils l'ont laissé sortir et rentrer chez lui. Alors peut-être qu'il a un comportement léger. Peut-être qu'il rattrape des années de jeunesse perdue, là, maintenant, parce qu'il vit entouré … de jeunes. Que ce soient les amis de sa minette ou ses étudiants. Ça lui rappelle des bonnes années de sa vie et ça le rend plus léger, moins sérieux, moins stressé. Il en oublierait presque ses mauvaises années passées en France. Mais la vie lui en doit bien une. Et ce que son oncle a fait pour lui, c'est parce qu'il connaît son neveu. Parce qu'il sait que malgré tout. Malgré son échec scolaire, malgré son chemin chaotique, il sait que Logan est capable. Qu'il est intelligent. Qu'il a la fibre qu'il faut pour enseigner, pour transmettre. Mais tout ce qu'elle voit, elle. C'est un incapable. Un type que la vie aide quand il tend la main, chez qui tout lui tombe dans la gueule quand il demande. Capable, ou non. C'est ça qui l'irrite le plus, à priori. Elle ne le voit que par le prisme des relations de son oncle, non pas par ses capacités. Parce qu'il aurait pu être pris comme assistant sans l'aide du frère de sa mère, s'il n'avait pas eu un bagage carcéral aussi lourd et qu'il avait eu ce genre de bout de papier inutiles qu'eux-mêmes délivrent aux mômes sortant de l'université.

Mais avec Summer, toute aussi agaçante puisse-t-elle être, c'est bizarre. Ils se supportent pas. Il a jamais essayé de l'apprécier vu comment elle le regarde, mais ils passent du temps ensemble. Énormément, forcément. Ça l'emmerde, mais il fait avec. Il va pas râler parce qu'il supporte pas sa collègue, il a un job qu'il adore, alors il ne dit rien. Mais il ronge son frein. Il se mord l'intérieur des joues et fulmine. Y a de la tension qui s'installe de plus en plus entre eux. C'est électrique. Ça explose par moments. Puis, ça se rétablit, toujours aussi tendu entre eux. Nucléaire.
Et ils remettaient ça, jusqu'au jour où… Ça a éclaté d'une toute autre manière. Et c'est Logan qui a dérapé. Il n'en pouvait plus, elle parlait trop. Elle racontait trop de bêtises, des mots irritants et incessants s'échappaient de ses lèvres agressives. Ferme-la, Summer. Ferme-la. Mais ses yeux noirs qui la fusillaient ne parvenaient pas à lui faire clouer son bec. Alors il s'est approché et, au comble de l'incompréhension, ils s'étaient embrassés. C'est sauvage, c'était fougueux, c'était enflammé. Tout plein de leur rage et de cette tension plus que palpable. Un baiser d'une violence et d'une passion sans nom.

« Je ne savais plus quoi dire, Alcott. Tout ce que je voulais, c'est que tu te la ferme ! »

Et elle l'avait fermé. Enfin. Le flot incessant de ses mots s'était enfin interrompu. Il avait sourit, elle s'est mordue la lèvre.

« Toi, la ferme, Mitchell. »

Il n'y eut pas que le baiser qui fut intense, mais aussi tout ce qui s'en suivit. Comme si cette foutue tension qui s'était installée entre eux n'était qu'une boule de frustration, de sexualité électrique qu'ils avaient finalement résolue. Pourtant, ils ne se sont pas arrêtés là. Le bureau des professeurs du département de linguistique française devint leur repaire, leur royaume où ils se retrouvaient en secret, entretenant cette relation dans la plus grande discrétion. Bien que ce fut intensément – et uniquement – sexuel, leurs petits jeux ont calmé la tension entre eux. Les mots se délièrent. Enfin, ils purent avoir des discussions dignes de ce noms, pouvoir aligner des phrases sans irriter l'un ou l'autre. Échanger. Parler, tout simplement. Se découvrir, aussi, que l'un n'est pas aussi agaçant qu'il y paraît et que l'autre a un bagage culturel insoupçonné. Des goûts en commun, parfois. Des choses qu'ils se découvrent, ensemble. Qu'ils partagent. Peut-être plus que la fusion de deux corps sur le bureau ou la banquette de la salle de repos.
Mais autant le quarantenaire aime leurs petits jeux secrets, autant, il y a autre chose qui lui déplaît. Cette nouvelle chose qui l'irrite chez elle. C'est ce qu'elle lui provoque. C'est cette chose qui naît dans son ventre mais qu'il ne veut pas nommer, parce que lui donner un nom, c'est accepter que ça existe, quand ils finissent par se séparer pour qu'elle retourne auprès de son mari et de ses enfants.
Ça le turlupine, le perturbe. Et il se venge de ses réactions en étant d'autant plus démonstratif avec sa minette.
Mais…  ce n'est qu'une histoire de fesses, après tout ? 

C'est juste l'infidélité qui le travaille.