bohemian rhapsody (lena)

un Elle parle beaucoup, Lena, mais il y a une chose dont elle parle peu, jamais même, c’est que sa maman n’est plus là. C’était le cancer, une grosseur sous le sein, d’abord. L’espoir d’une rémission et puis une récidive. Une récidive qui s’est généralisée, vite, trop vite. Elle était jeune, Lena, trop jeune. Douze ans c’est trop tôt pour perdre sa maman. Une adolescence sans figure maternelle, avec un papa un peu perdu parfois, qui a fait du mieux qu’il pouvait. Alors ils ont créé une relation un peu particulière, ils ont été dans une bulle pendant trois ans, une bulle qui les protégeait du monde extérieur. Et puis l’adolescence est arrivée, et ils se sont un peu éloignés, parce qu’à quinze ans, on n’a pas envie de tout dire à son père. Mais pour Lena, il est toujours resté le premier homme de sa vie, le héros de ses cauchemars d’enfant.
deux Enfant unique, enfance choyée. Malgré l’absence de frères et soeurs, Lena ne s’est jamais sentie seule. Elle a développé un imaginaire tout doux et coloré dans lequel elle plongeait dès qu’elle en avait l’occasion. Histoires rocambolesques et amis imaginaires ont rythmé son enfance. Et puis en grandissant, pour son plus grand plaisir, elle a découvert l’imaginaire des autres, à travers les mille et un livres qu’elle engloutissait dès qu’elle le pouvait. Ça ne lui est pas passé, puisqu’encore aujourd’hui, c’est peut-être dans les fauteuils moelleux de sa librairie, à dévorer des livres, qu’elle se sent le mieux.
trois Très tôt, ses parents lui ont transmis le virus du voyage. Analyste financier pour de grandes multinationales, son père les prenait dans ses valises dès qu’il le pouvait. Née à londres, Lena a ainsi vécu à New-York, Hong-Kong ou Le Cap. Et puis une fois l’indépendance acquise, Lena a poursuivi dans cette voie. Parfois seule, parfois accompagnée, par Raphaël, souvent, puis Nathan ; parce que le voir courir dans les rizières, encore en couche, avec les enfants du village dans lequel ils dormaient, fait partie de ses plus beaux souvenirs, à Lena.
quatre Pourquoi Wellington ? Après la mort de sa mère, son père a voulu ralentir, être plus présent pour Lena. Alors il a quitté son métier, pour acheter un ranch en périphérie de la ville. Pourquoi la Nouvelle-Zélande ? Vivre ici avait toujours été un rêve pour la mère de Lena. Alors même si elle n’était plus là, ils avaient décidé qu’elle réaliserait ce rêve à travers eux. Lena est arrivée ici à quinze ans, et fidèle à son aisance pour s’intégrer dans un nouvel environnement, elle s’y est bien plu. Elle en est partie, à plusieurs reprises, pour ses études ou simplement pour voir du pays, mais elle a toujours fini par revenir.
cinq Passionnée par la littérature depuis qu’elle sait lire, il était impensable pour Lena de passer ses journées à faire autre chose. Alors elle a suivi des études en littérature étrangère, évidemment. Et son rêve d’enfant est devenu réalité il y a quelques années, quand elle a acheté une petite boutique poussiéreuse pour en faire sa propre librairie. Des heures passées à dépoussiérer, fixer des étagères, repeindre meubles et murs… Mais le jeu en valait la chandelle.
six Difficile de parler de Lena sans évoquer Raphaël. Raphaël c’est son meilleur ami, le père de son fils, son âme soeur. Leurs âmes sont soeurs. Elle en est persuadée, Lena. Elle n’a jamais été amoureuse de lui, mais elle a aussi su, dès les premiers mots échangés, qu’il allait avoir une place à part dans sa vie. Ils avaient quinze ans quand ils se sont connus, quand Lena arriva à Wellington. Pourquoi lui ? Pourquoi elle ? Impossible à dire. Ils se sont reconnus, c’est aussi simple que ça. Entre Raphaël et Lena, il y a des débats passionnés, des rêves murmurés, des aventures partagées, mais aussi des disputes magistrales et des réconciliations théâtrales. Parce qu’ils sont comme ça, Raphaël et Lena, entiers.
sept Nuit d’ivresse. L’amitié a été dépassée, une seule et unique fois. Une fois qui a suffit à bouleverser leur vie. Pour le meilleur, ça c’est certain. Ils n’étaient pas amoureux, juste jeunes et enivrés. Ils en riaient au réveil le lendemain. Ils riaient moins, quelques semaines plus tard, quand ils réalisèrent que ce n’était pas juste une nuit sans conséquence. Lena était enceinte. Dans son ventre, encore invisible, grandissait un petit être. Ça aurait pu s’arrêter là, mais non. Inconscients disaient certains. Simplement heureux leur répondaient-ils. Parce qu’ils avaient confiance en eux, ils se savaient capables d’entourer cet enfant d’amour, de rires et d’encouragements. Et c’était bien le plus important, non ? Alors Nathan a débarqué dans leurs vies, et ça a été une explosion de bonheur. Il y a des nuages, parfois, évidemment, mais chacun trouve sa place du mieux qu’ils peuvent dans ce trio peu conventionnel.
huit Elle a gardé son âme d’enfant, Lena. Alors certains la disent immature, mais elle s’en fiche pas mal. Elle mène sa vie comme elle l’entend sans faire attention à ce qu’on dit d’elle. Ça lui fait mal, parfois, mais elle fait comme si ça ne l'atteint pas. Ce côté fantasque et extravagant, c’est elle, c’est sûr, mais c’est aussi, un peu, une manière de se protéger. Une jolie carapace colorée pour ne pas montrer quand ça ne va pas. Ils sont peu nombreux, ceux qui savent différencier son entrain habituel de ses sourires de façade.
neuf Le sport, c’est chouette, mais la régularité, ce n’est pas son fort, à Lena. Alors elle a fait un peu de tout : de la danse, de la natation, de l’escalade… Sa dernière lubie ? Le yoga. Elle a même acheté un tapis coloré, pour faire des salutations au soleil dans son salon. Nathan la regarde souvent avec un air moqueur, se demandant surement jusqu’à quand cela va durer.
dix Elle écrit un petit peu, Lena, timidement. Difficile de faire autrement quand on passe ses journées dans les livres. De la poésie. Elle ne trouve pas ça fameux, mais tant pis, elle l’aime bien, cette autre façon de s’exprimer.
onze L’odeur des vieux livres et de l’herbe fraîchement coupée sont ses préférées. Si vous lui demandez sa couleur favorite, elle vous répondra certainement “l’arc-en-ciel”. Et côté musique, ses goûts sont assez éclectiques.
douze Elle est gourmande, Lena, et elle ne dit jamais non à un cookie. Sa prochaine idée est de réfléchir à installer un coin salon de thé dans sa librairie. Pour mêler l’odeur des livres à celle des cookies qui sortent du four.
treize Lena, elle a approximativement douze idées nouvelles à la minute. Souvent biscornues, et parfois des éclairs de génie. Alors elle ne se balade jamais sans son petit carnet, où elle note des milliards de choses, de son écriture fine et penchée.
quatorze Elle est un peu superstitieuse, Lena. Rien de franchement handicapant, mais à lui arrive de jeter un oeil à la position des étoiles, pour tenter de trouver une explication céleste à la suite d’événements qui viennent de se produire. Et puis elle n’aurait pas aimé que cette énumération se termine à treize.

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