(laz) hurricane

« Au fait, ta copine, la très très jolie blonde... » Tu relèves vivement la tête à l'évocation d'Elena. Attaché à une chaise, couvert de ton propre sang, tu as perdu le fil du temps qui passe depuis quelques jours déjà. Tu ne sais pas depuis quand tu es là, trois semaines peut-être. Elle doit se faire un sang d'encre. Elle t'a demandé de ne pas y aller, de ne pas régler tes comptes avec la mafia mais ils te connaissent trop bien, ils ont touché un point sensible: tu es susceptible. Il a donc suffit de te provoquer, et tu as foncé tête baissée dans ce qui n'était pas un piège, mais une attaque en surnombre. Tu as merdé. Mais ils ne te tueront pas, toi ils espèrent juste te faire souffrir et te briser. Les os, peut-être, s'ils n'y parviennent pas mentalement. « Je t'arrête tout de suite Andreï. Si tu touches à Elena... Si n'importe lequel d'entre vous, bande de raclures, touche à Elena, je le tue. Personne ne s'approche de ma fiancée et de mon gosse, c'est entre vous et moi. » Tu aboies, hors de toi. Pas Ela. Et puis elle est enceinte, tu l'as appris il y a très peu de temps. C'était son argument pour que tu restes, pour que tu laisses la mafia derrière toi. Mais c'était inenvisageable, pas comme ça, tu avais besoin d'une ultime confrontation pour clore définitivement ce chapitre de ta vie. « Oh, il est pas au courant ? », fait-il en se tournant vers l'homme qui garde la porte. Celui-ci ricane tandis que tu secoues la tête, affichant un sourire. « Tu ne m'auras pas comme ça. Tu me déçois, je te croyais plus inventif. » Andreï approche, menaçant, et se penche à ton oreille. Tu ne bronches pas. « Mais je ne joue pas avec toi, Laz. Il n'y a plus de gosse. Ta copine te croit mort, elle a perdu le bébé. » Comme pris de violentes convulsions, tu commences à te débattre, le forçant à reculer tandis que tu t'agites sans discontinuer. Tu marches, non, tu coures. Ta plus grande crainte, la peur qui te t'étreint les tripes à chaque fois que tu laisses Elena seule. « Tu mens.... » Tu n'es pas convaincu toi-même. Il ricane et tu te sens faiblir à nouveau. Les efforts te sont douloureux. T'aimerais ne pas y croire, mais c'est la chose qui te ferait le plus de mal, et dans ta tête cela devient réalité. Ela te pense mort. Plus de bébé, elle est seule. Tu laisses retomber ta tête, le menton contre ton torse, fermant les yeux et serrant les poings jusqu'à t'enfoncer les ongles dans la chair. « Tu t'amuses, Andreï ? » Tu ne lèves pas les yeux, c'est Kostya. Le boss. Il t'en veut plus qu'un autre, c'est avec lui que tu as eu une altercation ayant mené à... tout cela. « Alors Laz, même pas un bonjour ? Qui lui a coupé la langue ? » L'absence de réaction te vaut un coup de pied dans la jambe, comme pour vérifier que tu n'es pas mort. Toujours rien. Coup de poing, donc, dans l'estomac. Tu grognes, et il est satisfait. « On le garde encore quelques jours, fais-toi plaisir Andreï. Mais il a vu pire, notre Laz, pas la peine d'en faire des morceaux. Il souffrira bien plus une fois dehors. » Rire sardonique, quelle mise en scène. Tu passes les prochains jours entre insomnies et profond sommeil, proche du coma. Les coups, les menaces sans queue ni tête, tout te passe au dessus de la tête. Tu es dans le brouillard, une douleur lancinante dans la poitrine. Plus de bébé, ça tourne dans ta tête. T'en as toujours voulu un... Ce n'était pas le moment, tu t'es emporté en apprenant l'existence de l'enfant, mais tu en voulais un. Peut-être même plusieurs. Une fois que tu serais débarrassé de tout ça, posé, moins dangereux pour tout le monde. Mais tu as eu le temps d'y penser, à ce bébé imprévu, et tu t'étais fait à l'idée. Après le règlement de comptes, vous auriez fait vos valises et disparu. N'importe où. Tu aurais mis tes parents à l'abri, tout se serait arrangé. Ça a dégénéré, la faute à ta foutue assurance. Plus de bébé, une Elena sans aucun doute effondrée. Tu ne parviens pas à te la sortir de la tête, tu n'arrêtes pas de te demander ce qu'on a pu faire d'elle. Tu ne sens plus tes jambes, tu serais incapable de dire si tu peux encore marcher. Ta tête se fait lourde à porter, ton cou flanche. Au point où tu en es, tu préférerais qu'ils t'aient descendu plutôt que de te laisser en mille morceaux. Mais, toujours, c'est à l'intérieur que tu as le plus mal. On t'a arraché Léon trop tôt, et aujourd'hui ton enfant. Ta fiancée, aussi, en vie d'après leurs dires mais où cela et pour combien de temps. Tu t'en veux terriblement. C'est au delà des mots.

« LAZAR », une ribambelle de jurons et autres prières en russes suivent cette exclamation de ta mère. Il n'y a qu'elle pour te reconnaître dans l'état où tu te trouves. Tu viens d'être balancé d'une voiture devant chez eux, et tu comates. Tu l'entends, mais tes paupières sont bien trop lourdes. Ton père accourt et te porte jusqu'au salon où il te dépose précautionneusement sur le canapé. « Laz, parle-moi... » Ça, c'est ton cousin. Il te secoue doucement, et tu peux sentir les larmes dans sa voix. Il a onze ans et tu es comme un père pour lui, alors tu ouvres les yeux. Lentement, presque douloureusement. On croirait à un ralenti sur image. « Elena... » Il secoue la tête, te signifiant ainsi qu'il n'a pas de nouvelles d'elle, et tu fermes les yeux pour ignorer encore un instant cette réalité. Tu te rendors, et te réveilles à l’hôpital entouré de tes parents et de Matthias. Ta seule famille, réunie. « Qui vous a annoncé que j'étais mort ? » Le nom tombe, Vladimir, un homme soit disant de confiance. Avec un peu d'argent, on se paye n'importe qui. Il te faut deux semaines avant de pouvoir sortir, tu ferais bien le mur mais, prévenante, ta mère te fait surveiller. Deux semaines, et tu n'es toujours pas en forme. Tu sors de l’hôpital, mais tu restes au fond de ton lit. Un bras cassé, des côtes et la mâchoire fissurées, le corps couvert d'hématomes. A vrai dire, tu fais peur à voir. Tu ne manges plus, tu ne dors plus, tu as une arme en évidence sur ta table de chevet et t'en saisis au moindre bruit. Les cernes se sont creusées, des poches sous des poches. Un vampire, un fou dangereux. Tu mets deux mois avant de pouvoir réutiliser ton bras comme il faut, et donc ton arme. Alors tu mets toutes la famille dans une voiture, vous quittez le pays. Tu les fais patienter en dehors de la ville: un truc rapide à faire. Tu retrouves Vlad, et tu lui mets une balle dans la tête après avoir appris qu'Elena est simplement partie, de son propre chef. Ensuite, tu fais cramer trois des entrepôts appartenant à Kostya, indifférent de si oui ou non des hommes se trouvent à l'intérieur. Puis tu rejoins ta famille, et les installes en Amérique. Tu as toujours eu un plan de secours, une maison toute prête en Louisiane. Tu les y laisses, avec tout ce qu'il leur faut pour recommencer une vie, tout reprendre. C'est de ta faute, tu sèmes le chaos sur ton passage, mais tu essayes de réparer. Minimiser les dégâts. Evidemment, tu ne restes pas avec eux. Tu leur fais tes adieux, et tu n'a de cesse de bouger. Cette fois, la mafia ne te lâchera pas. Ils te retrouvent d'ailleurs à Seville, où tu fais escale pour te donner le temps de retrouver Elena. Andreï est à la tête de cette escouade de la mort, et tu le descends sans éprouver le moindre remord. Ni vraiment de plaisir non plus, ce n'est pas ton truc. Tu restes stoïque alors qu'il te faut te débarrasser de trois hommes de plus avant de quitter l'Espagne. Tu voulais quitter cette vie, seulement c'est toi ou eux.