is it true that pain is beauty ? (bailey)

only human + Oh douce enfant, pauvre enfant. Cachée dans sa chambre sans jouet, avec seulement deux oreillers pour couvrir les cris qui résonnent dans la maison. Promesses brisées, trahisons dévoilées au grand jour. Cris de désespoir, cris du coeur, cris de douleur. Une enfant non désirée, une erreur de jeunesse causée par un taux d'alcool trop élevée. Une enfant aimée à intermittence, seulement quand elle se tait. Une enfant sans ami à cause de sa timidité, si effrayée à l'idée d'être rejetée qu'elle en venait à s'exclure elle-même. Petite blonde devenue jolie, enviée. Enfant qui grandit adolescente, qui transforme ses faiblesses en quelques secrets cachés sous une carapace en acier. Devant les autres, Berenice devint Bailey. La fille jolie, celle qui mesure une tête de plus que les autres et qu'on admire tout en redoutant d'entrer un jour en conflit avec elle. Chez elle, elle était toujours invisible. Un père qui venait, partait, rentrait après être aller chercher des clopes pendant six mois. Une mère au foyer malheureuse, aux traits fatigués et au corps affaibli par une seconde grossesse tardive censée améliorer la stabilité de son couple. Jamais aucun moment partagé, à part parfois une tasse de thé devant un feuilleton quand son père n'était pas là. Sa maison, petite bâtisse qui aura connu ses larmes, son chagrin qu'elle perdait tellement d'énergie à cacher. Ses crises aussi, l'impression de ne pas avoir un corps parfait. Si elle n'est pas jolie, qui l'aimera en dehors de ces murs ? Elle n'aurait plus rien. Poison dans son corps, cigarettes et alcool qui se mélangeaient durant ses premières soirées qui s'accumulèrent vite. De nuits entières passées dehors à seulement dix-sept ans. Une première fois qu'elle aura connue ivre, dans une chambre qui n'était pas la sienne. Salie. Des heures passées dans sa douche, à laisser couler l'eau sur son corps meurtri pendant qu'elle se repassait en boucle les images de cette fille qu'elle était devenue. Et comme a chaque fois qu'elle allait mal, elle s'était encore foutu deux doigts dans le fond de la gorge pour avoir l'impression d'être plus jolie encore.

isn't she lovely ? + Il n'y avait rien de plus beau au monde que les sourires de Ronnie. Peut-être ses petites mains de bébé, ou ses boucles brunes qui entouraient son visage d'ange. Son rire aussi, ce son si cristallin qui s'échappait de son coeur à chaque fois que Bailey jouait avec elle. Une enfant qui grandit sous la protection de sa grande soeur, couverte d'amour et de cadeaux qui valaient tout ce que Berenice possédait. De jolies robes, des ours en peluche, même sa première poupée était d'elle. Elle ne connaîtrait pas la même enfance que sa soeur, Ronnie. Elle devait avoir des amis, des gens qui l'aiment et la protégeraient lorsque Bailey ne le pourrait pas. Et même si sa venue avait signé le départ de son père, elle n'en subirait pas les conséquences. Elle vivrait avec, remplacerait le métier de "ton papa" sur les fiches de présentation à l'école par les études de sa soeur. Elle sera toujours là, Bailey, contrairement à lui. Elle ne la laissera jamais tomber, ne partira pas sans déposer avant un baiser sur son front et lui promettre qu'elles se reverront bientôt. Elle le sait avant même que Ronnie n'ait atteint sa première année, avant qu'elle ne soit consciente que cette vie moins belle que celle des autres sera pour toujours la sienne. Quoi que ça lui coûte, Bailey fera en sorte que l'enfance de Ronnie soit la plus belle dont un gamin puisse rêver.

lust for life + Les jours devinrent plus beaux au fil des années. L'adolescence laissa place à l'âge adulte, les soirées dansantes au lycée devinrent des soirées dans des bars, des boîtes, tant de lieux où elle pouvait enfin aller légalement, sans mentir sur son âge. Le coeur moins à vif, les remarques moins cinglantes, Bailey ne devint pas un ange pour autant. La vie lui ouvrait les bras et elle comptait en profiter, quitte à y laisser quelques fois sa dignité. Elle était du genre à ne pas avoir peur de sauter dans le vide, à relever le moindre défi sans craindre les conséquences. Enfant né timide devenu rebelle, sans limite, supposant qu'elle a déjà connu le pire et qu'elle n'a plus envie d'y retomber. Elle gardera probablement encore longtemps son coeur celé, trop effrayée à l'idée d'être aussi malheureuse que sa mère. Elle le fermera jusqu'à perdre le contrôle, jusqu'à ne plus être capable d'empêcher à qui que ce soit d'entrer dans sa vie. Homme, femme, elle n'a jamais vraiment mis sa sexualité dans une catégorie. Et peut-être qu'un jour, Bailey s'assagira. Peut-être qu'elle deviendra sérieuse en vieillissant, peut-être même qu'elle songera au mariage et aux enfants si l'envie un jour lui prend. Peut-être, oui, mais pas tout de suite. Pas envie qu'elle ne se rattrape de toutes ces années passées dans l'ombre.