croiser un inconnu n'a rien de spécial sauf quand ce dernier vous tape dans l’œil. souvent quand le sentiment est mutuel on appelle cela un coup de foudre, mais cette fois ci l'inconnu ne se retourna pas. néanmoins la brunette ne put s'empêcher de partager ce qu'il venait de se produire avec l'amie qui l'accompagnait. « wow il est vraiment mignon » confia t-elle tout en regardant l'inconnu poursuivre sa route. « j'peux pas te contredire là dessus, et attends de le voir dans sa tenue de livreur » « de livreur ? » « oui il est livreur de pizza ; il s'appelle swann ». il n'en fallut pas plus à spencer pour imaginer une façon de le revoir « j'ai étrangement envie de commander une pizza » « ooh spencer, ne me dit pas que- » « si ! » répondit immédiatement la brunette, amusée par la situation.
la journée poursuivit son cours et une fois chez elle, spencer chercha le numéro de téléphone de la pizzeria où swann travaillait. son amie avait eut la bienveillance de lui communiquer le nom de cette dernière. ni une, ni deux, elle saisit son téléphone et entra le numéro. après deux sonneries, quelqu'un décrocha. « oui bonjour, ce serait pour une pizza margherita s'il vous plait. petite. ce sera tout. merci beaucoup. » elle raccrocha et souffla. rien ne lui disait que swann allait être la personne qui livrerait sa pizza mais même si ce n'était pas le cas, elle aurait une pizza pour le dîner donc ce n'était pas plus mal. elle patienta une bonne vingtaine de minutes puis la sonnerie retentit. sa mère eut le réflexe de se diriger vers la porte mais spencer l'arrêta de justesse. « c'est pour moi, j'ai commandé une pizza. » tout ce stratagème lui donnait l'impression d'avoir de nouveaux seize ans. c'était cependant la première fois qu'elle orchestrait une rencontre de cette façon et elle espérait que ce ne soit pas aussi étrange que ça en avait l'air. après tout, tout ce qu'elle faisait c'était commander une pizza, rien de plus. elle alla ouvrir la porte et fut heureuse de découvrir swann de l'autre côté. un joli sourire gagna ses lèvres et ses joues se teintèrent de rouge.
« Non, non, non… » Et il répète encore et encore, se mordillant les doigts en faisant le tour de son scooter dont l’avant est entièrement embouti, le logo ayant perdu une partie de ses lettres, et l’ampoule à l’intérieur grésillant encore. Il savait qu’il n’aurait jamais dû garer son scooter à cet endroit. Mais dans la précipitation, le retard dans sa livraison, en bref, cette course poursuite perpétuelle avec le temps, voilà qu’il n’a plus de scooter. Alors le voilà qui négocie avec son patron, soupire, baisse les yeux, s’excuse. Il angoisse Swann, il est comme ça, constamment, terriblement, malheureusement angoissé. Ça le ronge de l’intérieur depuis trois ans et il n’y a pas de traitement. Alors le voilà déjà reparti, à toute vitesse, trottant jusqu’au garage le plus proche pour y déposer l’engin qui tient à peine sur ses roues, traînant son fardeau en évitant le regard des passants qui s’interrogent. Il n’a même pas le temps de remercier le garagiste qu’il fille dans l’autre sens, portant sa dernière livraison sous le bras. Le reste de la route, il la fera à pieds, et la maison promet une pizza gratuite à quiconque ne la livre pas à l’heure. Alors il accélère le pas, encore, pestant en lui même pour son manque de sport ces derniers temps. Lorsqu’il atteint enfin la porte de cette propriété du Mount Cook, à bout de souffle et les mains sur les genoux, il prend le temps de retrouver sa capacité à parler avant de sonner. Et tandis que la porte s’ouvre, dévoilant le visage angélique d’une jolie brune, il se saisit de son plus beau sourire et lui tend sa pizza, le souffle encore court. « Bonsoir mademoiselle, merci d’avoir choisi Domino’s pizza et navré de l’attente. » Il espère secrètement que ça passera, alors il sourit d’avantage, même s’il sait qu’en général son charme n’a aucun effet sur les clients mécontent. « ça vous fera douze dollars. » Il ne manque décidément pas de culot, le gosse.
la brunette était tellement perdue dans ses pensées qu'elle en oublia la pizza qu'elle avait commandé, alors quand swann lui annonça le prix, il lui fallut quelques secondes pour comprendre pourquoi. « oui bien sûr » pensa t-elle tout haut « je reviens, j'ai oublié mon porte-monnaie » elle s'excusa à l'aide d'un sourire et fila chercher l'argent. une fois munie des douze dollars, elle revint à l'entrée et c'est alors là qu'elle remarqua la mine exténué du garçon, il semblait avoir couru un marathon. « vous allez bien ? si vous voulez vous pouvez rester boire quelque chose ; vous semblez épuisé » c'était son côté bienveillant qui s'exprimait, elle était comme ça spencer, toujours à prendre soin des autres. elle espérait qu'il accepte, bien qu'elle comprendrait qu'il refuse. ce genre de scénario n'arrivait que dans les films ou romans et, jusqu'à preuve du contraire, spencer ne se trouvait pas dans une fiction.
C’est vrai qu’il a l’air drôle le gosse. Avec ses cheveux indociles qui dépassent de son bonnet vissé sur son crâne, ses épaules qui se soulèvent au rythme de son souffle toujours pas régulé, sa doudoune étouffante de livreur qui semble lui peser une tonne sur les épaules. Mais patient, tâchant de conserver une attitude impeccable, impliqué dans son travail, voilà qu’il attend qu’elle aille chercher ce qu’il faut en s’appuyant sur la chambranle de la porte, soufflant. Mais alors qu’elle revient, lui relève ses yeux verts vers les siens et il comprend qu’elle a remarqué quelque chose. Il pince les lèvres. Il n’est pas censé attiré l’attention sur lui. Alors il se redresse, fixant cette brune qui semble plus attentionnée que de raison. « Oh je… Non je ne me permettrai pas, ne vous en faites pas. » Puis il grimace un peu, sans bouger d’avantage, parce qu’il voit bien qu’elle n’est pas dupe. Il inspire. « Peut-être… Juste un verre d’eau ? » Surpris par le sourire de la brune, voilà qu’il la fixe sans trop savoir comment réagir. C’est comme si elle était contente qu’il reste. Alors il rougit un peu et rentre dans la maison, se raclant la gorge en regardant autour de lui. Tout ça n’est pas très réglementaire.
« vous ne gênez aucunement » dit-elle afin de le rassurer. quand il accepta de prendre un verre d'eau, son sourire s'attendrit. puis elle se mit à le guider à travers la maison jusqu'à la cuisine. « vous pouvez poser ça là » dit-elle en parlant de la pizza et en présentant le comptoir. suite à quoi elle se munie d'un verre vide et le remplit d'eau fraîche avant de le tendre au garçon. « voilà » elle le regarda boire un instant avant de réaliser que c'était peut-être le moment de payer « oh lui, l'argent ! » elle extirpa les billets de sa poche et les tendit à swann. la brunette était stressée et ça se ressentait dans ses mouvements quasi mécaniques et cette façon qu'elle avait d'oublier les choses importantes, comme le fait qu'elle avait commandé une pizza. elle souhaitait débuter une conversation mais avait peur de mettre le jeune homme mal-à-l'aise. puis elle avait envie de lui demander son numéro de téléphone mais elle avait peur de paraître indiscrète. du coup elle préféra rester aussi transparente que possible.
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