- we're having a romance of the mind.

La vie de Nola gravite autour de deux pôles: ses proches et la natation. Fratrie de cinq enfants, la famille Lewinsky est une véritable tribu qui, à Timaru, était reconnaissable entre mille. Ils étaient cette famille de bambins nés à la suite, avec seulement un ou deux ans d'écart. Les gosses trop bruyants, ceux dont on plaint ou maudit les parents pour avoir accepté de les emmener au cinéma tous ensemble et qui se retrouvent à devoir départager lequel des enfants pourra tenir le cornet de pop corn. Avec le temps, ils se sont assagis. Ils ne sont plus aussi facilement identifiables qu'avant mais demeurent toujours proches les uns des autres, rendant les réunions familiales aussi mouvementées qu'auparavant. ▪ Nola n'a jamais été très douée à l'école. Dès le plus jeune âge, elle a fait face à des difficultés scolaires, peinant à s'intéresser et à même se concentrer. Elle ne pensait qu'à une chose: nager. C'était sa passion depuis ses quatre ans, quand on l'a inscrite pour la première fois à des activités aquatiques d'éveil. Ses parents ont tout essayé pour la garder dans le système scolaire. Ils lui ont payé des cours particuliers, lui ont fait rencontrer différentes conseillères d'orientation avant qu'enfin, un entraineur ne la remarque à ses quatorze ans. ▪ Après d'intenses discussions et négociations, elle a réussi à faire céder ses parents. Elle s'est rendue à Wellington pour s'entraîner, habitant dans un premier temps loin de ses proches qui l'ont rejoint deux ans plus tard, lorsque le père s'y est fait muter. Ce fut difficile, au départ. Sa famille n'était pas avec elle, son entraîneur était dur, la faisait parfois travailler jusqu'à ce qu'elle n'ait plus la force de bouger. Mais elle s'est accrochée et ses efforts ont fini par payer. ▪ Spécialiste en nage libre, elle a commencé à s'illustrer au niveau national avant de faire sensation aux Jeux du Commonwealth, montant petit à petit les échelons jusqu'à obtenir deux médailles lors des Jeux Olympiques de Londres. De ce fait, elle fut considérée comme l'une des plus grandes nageuses néo-zélandaises jusqu'à... tout récemment. ▪ Il a quelques mois, juste avant de s'envoler au Brésil pour les Jeux Olympiques d'été, elle a été suspendue deux ans après un contrôle positif à un test antidopage. Ce fut la désillusion pour elle, ses contrats avec ses sponsors ont été rompus, la presse sportive l'a lynchée. La pression fut tellement forte que même si elle rêvait de retourner dans les bassins, elle a fini par annoncer sa retraite sportive. ▪ Depuis, Nola erre, tel un fantôme. Elle se sent désorientée, ne sait plus quoi faire de son quotidien tant elle est convaincue de n'être faite que pour la natation. L'argent amassé pendant sa carrière part à une vitesse folle sans même qu'elle ne s'en rende compte. Elle déteste cet état de léthargie, d'être en inactivité alors qu'elle avait l'habitude de passer ses journées à s'entraîner pour la prochaine compétition. Elle refuse même de simplement retourner à la piscine, voyant cela comme une humiliation. ▪ Toute sa vie, elle a tenté de prouver à tout le monde qu’elle était indépendante et courageuse. Elle affirme n’avoir besoin de personne, qu’elle sait ce qu’elle veut. Pourtant, il n’est pas compliqué de remarquer qu’elle a un manque de confiance en elle évident. Elle se remet sans arrêt en question, a un besoin constant de reconnaissance. Plus jeune, c’était le genre de fille qui acceptait des défis débiles, voire même dangereux ou dégradants, juste pour prétendre avoir l’air cool. Contrairement à ce qu’elle aurait voulu, elle a plus une personnalité de suiveuse que de leader, car il est plus simple de se laisser influencer que de prendre en charge ses propres responsabilités. ▪ Elle possède un petit tatouage sur la côte, juste sous le sein droit. Une date en chiffres romains. Elle cultive toujours le mystère auprès des personnes ayant eu le privilège de l’apercevoir, des fois, c’est la date de sa rencontre avec un homme qui aurait beaucoup compté dans sa vie, d’autres fois, c’est celle d’un évènement tragique. Et puis, il y a ceux à qui elle répond simplement par un sourire énigmatique, les laissant dans leur réflexion. En réalité, c’est simplement la date de la première compétition de natation qu’elle a gagné. ▪ Probablement capable d'être condamnée pour outrage au bonnes mœurs si elle avait vécu à une autre époque, elle a toujours été très libérée. Ignorant volontairement le slut-shaming, les appellations péjoratives faisant référence à des supposées mœurs légères, elle n’a pas eu beaucoup de véritables relations amoureuses durables, préférant s’adonner à des plaisirs sans lendemain, sans engagement. Qu’on la traite de fille facile, de traînée, elle ne percute pas. En fait, elle n’a jamais vraiment saisi ce concept. Elle n’a jamais compris pourquoi préférer le sexe sans amour ou aimer séduire était dégradant. Nola, elle n’y voit rien d’autre qu’une sensation terriblement humaine, un acte beau, agréable. Elle est partisane de la théorie que si tout le monde faisait l’amour plus régulièrement, même sans sentiments, la terre entière se porterait bien mieux. ▪ Puis elle a rencontré ce garçon, avec qui elle est en couple depuis trois ans. Un autre nageur néo-zélandais qu’elle a connu à une compétition. Il est gentil, intelligent, respectueux et pourtant, elle le trompe régulièrement. Encore plus depuis qu’il est parti à Auckland pour des raisons professionnelles. Il ne mérite absolument pas ça, Nola le sait pertinemment. Elle n’est plus sûre de l’aimer comme elle le devrait. Elle est complètement paumée, a l’impression de tomber amoureuse de quelqu’un d’autre en un battement de cil et d’un autre côté, elle se plait à se sentir désirable auprès d’autres hommes que le sien. Elle se déteste pour lui infliger ses infidélités mais ne peut se résoudre à le quitter parce que finalement, c’est la seule personne qui lui apporte le sincère réconfort dont elle a besoin. ▪ Elle occupe un immense appartement dans les quartiers riches de Wellington. Elle affirme haut et fort n’avoir rien à voir avec ces bourges nés avec une cuillère en argent dans la bouche mais il s’avère qu’elle a pris goût à la vie mondaine. Son pactole lui a permis d’acquérir des habitudes qu’elle n’avait pas forcément auparavant et si elle continue de fréquenter ses amis d’enfance et ses mêmes endroits favoris, elle aime trop son logement luxueux pour envisager de déménager ailleurs. ▪ D’apparence, Nola, c’est la bonne pote qu’on voudrait tous avoir. Elle console, écoute, donne, se donne, sans jamais rien demander en retour. Elle essuie les "et toi?" d'un coup d'épaule parfois désinvolte, parfois moins énergique. Ses états d'âmes les plus mélancoliques, il n’y a que ses amis les plus proches ainsi que quelques uns de ses frères et sœurs qui les connaissent. Elle évite toujours soigneusement les conflits, d’attirer l’attention sur elle de façon plus personnelle parce qu’elle se sait très émotive et capable de facilement perdre les pédales. ▪ Sur sa table de chevet, posé à la place d'un livre, il y a un globe terrestre à l'aspect un peu vintage. Ce fut un cadeau de sa mère, au moment où elle est partie seule à Wellington pour s'entraîner. Elle ne s'en est jamais séparée. Le globe est griffonné de pleins de petites croix qu'elle transforme en étoiles lorsqu'elle est allée dans cet endroit. Techniquement, grâce aux compétitions de natation, il pourrait y avoir beaucoup plus d'étoiles que ce qui est crayonné, mais Nola ne les dessine que lorsqu'elle a réellement découvert le lieu, pas uniquement dans la piscine. Le soir, quand elle a du mal à s'endormir, elle tourne le globe, cherchant d'autres croix à graver. ▪ Depuis peu, elle est bénévole dans une association caritative œuvrant pour les sans abris. Certaines personnes voient sa démarche comme un moyen de se racheter une image et ne la croient pas sincère, mais honnêtement, elle a choisi pour une fois de mettre des œillères. Elle aime bien cette association. Ça fait passer le temps, lui rappelle que encore une fois qu’elle ne devrait pas se plaindre. Mais le soir, quand elle rentre chez elle et qu’elle regarde son palmarès de trophées dans l’armoire vitrée du salon, elle oublie tout ce qu’elle s’est dit dans la journée. Parce que ce qu’elle veut, c’est continuer à nager. Après tout, elle n’a jamais été douée pour autre chose que nager. ▪ Parfois, elle a le sentiment d’avoir grandi trop vite. Son départ à Wellington, ces deux années loin des siens alors qu’elle était probablement l'enfant la plus attachée à sa fratrie ont été un chamboulement. De la gamine un peu garçon manqué qui refusait de mettre des robes, qui rentrait les genoux couverts de terre, elle est passée à cette jeune fille, bientôt femme. Celle que les garçons ont commencé à remarquer un peu trop tôt, avant de s’en lasser lorsque c’était au tour des copines de se transformer, toujours plus jolies. ▪ Elle a un sens artistique quasiment… inexistant. Surtout lorsque cela concerne les beaux-arts, elle a en horreur les musées, les expositions et Picasso se retournerait probablement dans sa tombe s’il entendait ce qu’elle dit sur ses tableaux. Ce n’est pas faute de tenter de s’y intéresser, une de ses sœurs, artiste dans l’âme, a tenté de l’initier mais rien à faire, elle ne voit pas plus loin que le bout de son nez.