I can't help it if I have Pocahontas hair + Summer

Une journée particulièrement éprouvante venait enfin de se terminer : beaucoup de cours, des examens à préparer, d'autres à corriger. Heureusement que Summer était passionnée par ce métier de professeur qu'elle exerçait depuis un peu moins de huit ans maintenant !

Elle était rentrée à la maison à peine plus tard que d'habitude, bien décidée à passer un petit peu de temps avec ses filles avant qu'elles aillent se coucher. Summer les avait tant désirées. Elle ne pensait pas que c'était le cas de toutes les femmes, loin de là, mais elle avait toujours voulu avoir des enfants et l'arrivée de ces trois adorables petites pestes avait été une bénédiction pour elle, surtout après toutes ces difficultés pour les avoir. Évidemment, avoir des triplées n'avait pas été le plan, initialement : la grossesse avait été compliquée et l'après grossesse peut-être encore plus. Néanmoins, la jeune femme ne regrettait rien et n'échangerait ses filles contre rien au monde. Les difficultés ne les avaient pas empêché de profiter de leur bonheur, après tout. La jeune femme se souvenait encore de la longue période où ils avaient essayé, essayé et encore essayé pour finalement découvrir qu'il serait long et compliqué d'avoir des enfants sans assistance à cause de la fertilité assez basse de Maximilian.

Elle se souvenait aussi des inquiétudes de ses parents, des commentaires qu'elle n'avait pas du tout apprécié, même si elle sentait qu'ils n'étaient pas forcément pensés. « Et tu ne lui en veux pas trop ? » Ou bien encore : « Je suis sûre que c'est à cause de son handicap. » Summer avait serré les dents et répondu du mieux qu'elle avait pu à ses parents, qui, s'ils appréciaient et acceptaient son mari, n'avait jamais pleinement accepté son handicap et étaient certains que leur fille avait cédé à la pitié lorsqu'il était revenu endeuillé et avec une canne pour lui demander sa main. Summer n'avait jamais jugé son mari responsable de leurs difficultés. Elle n'avait jamais eu pitié de lui. Elle l'avait réellement aimé, dix ans plus tôt. Elle se voyait vieillir avec lui, entourés de leur petits enfants, lui ayant juste la canne un peu prématurément... Et puis les années avaient passé.

Darcy, Harper et Ellison étaient à présent endormies, il était temps de rejoindre son mari, pour le dîner. Elle le trouva dans le salon de leur magnifique maison – un autre rêve d'enfant – et l'enlaça comme elle l'avait fait quasiment tous les soirs des dix dernières années. Cela tombe sous le sens, mais en dix ans, certaines choses changent. Et depuis quelques mois, Summer en prenait conscience, sans trop savoir quoi faire de ce fait. Elle avait réellement aimé Maximilian. Maintenant ? Elle l'aimait toujours, d'une certaine manière. Il était le père de ses enfants. Quelqu'un de très cher à son cœur pour qui elle ressentait beaucoup d'affection. Mais n'était-ce pas là plus la description que l'on faisait de son meilleur ami plutôt que celle d'un mari ? D'un amoureux et amant ? En tous cas, c'était comme ça que la jeune femme ressentait les choses, maintenant. Pourtant, elle qui d'ordinaire était prompte à l'honnêteté et au dialogue n'y parvenait pas.

Et ça lui faisait d'autant plus mal lorsque dans ses bras à lui, elle ressentait tellement de choses. Cela faisait cinq mois qu'elle avait commencé à sortir du droit chemin. Cinq mois qu'elle avait du mal à s'endormir malgré la fatigue. Cinq mois qu'elle avait essayé de partager l'intimité avec quelqu'un d'autre que son mari. Et puis un autre quelqu'un. Et puis encore un autre, jusqu'à ce que l'on arrive à quatre au total. Des hommes, une femme, même, lui faisant découvrir des penchants qu'elle ne se connaissait pas. Pour les trois premiers écarts, ce n'étaient que des coups d'une fois, sans lendemain. Pour le quatrième, c'est un peu moins simple puisqu'il dure depuis deux mois déjà. Un an qu'elle et lui se connaissent. Un collègue qui l'irritait profondément car là uniquement grâce à son oncle dans l'administration de l'université. Des disputes à répétition. Une tension palpable. Ils avaient échangé un regard et sans préavis, s'étaient embrassés avec fougue, comme s'ils avaient retenu ça depuis trop longtemps. « Je ne savais plus quoi dire, Alcott. Tout ce que je voulais, c'est que tu te la ferme. » Il lui avait servi cet insupportable petit sourire en coin. « Toi, la ferme. » Ils avaient remis ça, encore et encore, là, dans le bureau des professeurs de français. Et puis ils avaient verrouillé la porte et, même si c'est cliché, chacun avait un peu oublié chaque partie de jambe en l'air qu'ils avaient pu avoir jusqu'à présent après ce qu'ils venaient de vivre. L'ironie est que depuis ce jour, les disputes s'étaient vraiment espacées et qu'à présent, ils parvenaient à avoir des conversations construites et civilisées. Summer commençait alors à entrevoir un homme intelligent, intéressant, drôle et plein de surprises derrière l'arrogant assistant-de-français-là-grâce-à-Tonton. Mais ce n'était qu'une histoire de fesses, n'est-ce pas ?

Dans tous les cas, Summer est actuellement en proie à un grand questionnement moral et plus généralement, à des interrogations sur sa vie. Elle sait que ce qu'elle fait est mal. Pourtant, elle ne se voit pas en parler à Maximilian. Dix ans de mariage.

Il était presque minuit. La jeune femme fit un rapide calcul mental. Il était de ce fait presque midi en France et Summer décida qu'elle pouvait essayer de parler un peu à sa sœur, Meera. De quatre ans sa cadette, Meera et elle s'étaient toujours bien entendues, au grand dam de leurs parents lorsqu'il s'agissait de s'allier contre eux. D'origine indienne, le couple Patel – passionné par la culture française – s'étaient rencontrés alors qu'ils étaient tous deux étudiants étrangers. Ils ne sont plus jamais retourné en Inde excepté pour les vacances et Summer et Meera sont toutes aussi françaises que la baguette. Les parents ont bien essayé d'apprendre la langue du pays à leurs filles, mais ce ne fut pas une grande réussite. Ils viennent parfois la voir en Nouvelle-Zélande, mais cela reste rare et depuis qu'elle a ses filles, c'est très compliqué de venir en France, même si dans le futur, elle aimerait leur faire découvrir le pays de leur mère.

Meera répondit au deuxième appel, un sandwich à la main, ce qui fit sourire l'aînée des filles Patel. Sa sœur lui manquait souvent, pourtant, Summer ne regrettait pas non plus de vivre dans le pays qui la passionnait depuis toute petite. Et vu le vécut de leurs parents, Meera ne pouvait pas non plus la juger. « Alors, comment va la vie chez les kiwis ? Tu sais qu'à ton âge, avec les rides et tout, c'est important de dormir, haha ! » Summer prit quelques secondes de réflexion, avant d'offrir un sourire éclatant à Meera et de rire doucement. « Tout va bien. Et tu verras, quand tu auras mon âge et trois enfants, si tu es aussi bien conservée ! » Même à Meera, elle ne se voyait pas parler de sa situation. C'était son affaire, après tout. C'était elle qui avait choisi de se mettre dans la mouise comme ça.