it's my party (reid)

Glora le fixait de ses prunelles aussi bleues que les siennes, pendant que l'horologe du restaurant de l'auberge tiquait doucement. Reid ne la fixait pas, son regard étant plutôt posé sur son livre. « Alors? » Son frère inspira un bon coup, avant de répéter pour la dixième fois une définition qu'il pouvait maintenant réciter dans son sommeil – sans savoir à quoi cela correspondait en réalité. « La génétique évolutive est l'étude des gènes dans une population donnée. » Il se mordilla la lèvre, essayant de se rappeler tant bien que mal du bla-bla-bla que sa sœur semblait maîtriser autant. « On étudie le pool génétique de ladite population, donc les gènes et... » Il hasarda un coup d'oeil au manuel – sa sœur ne manqua pas de foncer ses sourcils. « … la fréquence d'apparition des allèles – un allèle étant l'expression d'un gène – dudit pool. » Il sourit de toutes ses dents, faisant comme si de rien n'était. Même si sa sœur et lui n'étaient pas dans la même année de lycée, elle en savait bien plus dans les matières scientifiques dans lesquelles son frère était censé briller. Or, il avait énormément de mal à concrétiser le contenu de ses manuels; certes, ils racontaient ce qui se passait autour d'eux, mais ça ne marchait tout simplement pas pour lui. Pour Glora, c'était tout le contraire, chose qu'elle ne cessait de lui rappeler – volontairement ou pas. Elle soupira, il soupira, elle ferma le livre. Visiblement, tout comme Reid, elle commençait à en avoir marre d'entre le mot ''génétique'' – il ne la blâmait pas, loin de là. Elle se leva, emportant son téléphone – et le manuel – avec elle. « J'espère pour toi que ce soit un QCM et qu'une soudaine inspiration divine t'illumine. Sinon... bonne chance. » Son frère ne put s'empêcher de rire. Sur ce point là, elle lui rappelait sa mère – humour brusque, auquel il fallait être habitués pour ne pas se vexer. Tout ce qui comptait, c'était qu'il en rigolait bien – et c'était le cas. Oubliant ledit test, il s'étira doucement sur sa chaise, posant ses pieds sur la table, sûr que personne ne pouvait le voir. De toute façon, si c'était le cas, on pouvait pas lui reprocher de faire comme s'il était chez lui – c'était déjà ça de gagné.

Encore une fois, Reid se trouvait devant le télévision du salon, allongé tel un mollusque avec un bonnet de Noël sur le canapé. C'était le jour de Noël, et toutes les chaines passaient des films les uns les plus niais et clichés que les autres – non pas que cela ait jamais dérangé le jeune Edwards, surtout en période de Noël. L'histoire était toujours la même, et tout ce qui changeait, c'était le visage des acteurs; mais Reid ne pouvait s'empêcher de les regarder l'un après l'autre, sans jamais en avoir marre. Et pour le coup, ce n'était pas le choix qui manquait – même en choisissant une chaîne au hasard, il était presque sûr de tomber sur un film du genre. Si jamais c'était pas le cas, il avait toujours une bonne dizaine de DVDs qui faisaient l'affaire. Qui plus est – le jour de Noël, personne à part lui ne se réveillait avant midi, ce qui signifiait qu'il avait quelques heures à lui tout seul, qu'il fallait bien passer d'une façon ou d'une autre. Il adorait sa famille – vraiment. Même si... Même si parfois, certaines de leurs blagues allaient trop loin – sans qu'ils ne le sachent jamais. Il ne savait pas s'ils allaient jamais le savoir. Il ne savait pas s'il avait la force ou le courage qu'il lui fallait – il ne savait pas s'il allait jamais l'avoir. Il savait aussi qu'il ne pouvait tout simplement pas celer ça pendant longtemps; mais cela ne l'aidait pas à se consoler, loin de là. S'emmitouflant un peu plus dans sa couverture, un chocolat chaud à portée de main, il alluma la télé, cherchant le premier film de Noël à portée de main. Il y aurait sûrement un moment pour résoudre ces questions, mais ce n'était pas celui-là – un marathon de Noël l'attendait, et rien ne pouvait l'arrêter. Sauf un black-out, certes, mais il fallait être étonnamment malchanceux pour en souffrir pile à ce moment là.

Le bruit du couteau sur la planche s'alternait à celui de la jeune femme racontant la dernière mésaventure de sa famille. La dernière en date était visiblement tragique, puisqu'elle semblait outrée, désespérée et farouchement enragée. Pendant que Reid coupait les tomates et vérifiait que les oignons ne brûlent pas, elle expliquait que ses sœurs l'avaient trahie comme jamais auparavant. Au moment de jeter les tomates sur le feu, il risqua un coup d'œil vers l'écran. Il essayait de comprendre si la brune était vraiment vexée, ou si ce n'était qu'un prétexte pour en vouloir à ses sœurs – un bien faible prétexte, puisque celles-ci avaient tout simplement osé demander le jus d'orange alors qu'elle leur avait conseillé le jus à la fraise, son préféré. Ceci étant dit, Edwards connaissait certaines personnes qui auraient sûrement réagi d'une telle façon pour des sottises en ce genre. En tout cas, il avait des pâtes à préparer, et ce n'était pas les plaintes des célébrités à la télé qui allaient le faire à sa place. En réalité, personne les avait commandés – on était 16H, un mercredi, quand la plupart des clients étaient en train de visiter la ville. Toujours était-il qu'un peu d'entraînement ne pouvait faire du mal à personne, et cuisiner l'aidait à passer le temps. « Alors, comme ça on prépare le ragoût de grand-mère sans prévenir? » Le jeune brun se retourna, voyant sa mère à l'entrée de la cuisine, le sourire aux lèvres. « Eh bien, oui. À ce que je sache, le droit néo-zélandais me l'interdit pas. » Sa mère s'approchait, enfilant un tablier bien plus vieux que son fils. Si Reid était à sa place dans la cuisine, elle en était la reine. Elle pris une cuillère en bois, avant de goûter la sauce préparée par son fils. Celui-ci la fixait, se mordillant la lèvre, attendant le verdict – qui se faisait attendre, pour le coup. « Pas assez de sel. » Le jeune Edwards ne put s'empêcher de grogner. Il n'avait jamais réussi à préparer cette sauce comme il le fallait, et ce n'était pas par manque de motivation. C'était tout simplement impossible, à tel point qu'il avait presque envie de rayer la recette du menu de ses propres mains. « Est-ce qu'au moins c'est comestible ou grand-mère se retourne trois mètres sous terre, outrée et scandalisée? » Sa mère pris le temps de penser, la cuillère posée sous son menton. « Hm. Je pense qu'elle est maintenant en train de se réveiller pour venir te bouffer vivant. Donc t'as intérêt à courir vite, mon cher. » Reid ria d'un rire aussi cristallin que l'eau de l'océan. Sa mère pouvait se montrer brusque, mais elle connaissait toutes les blagues qui l'amusaient – du knock knock au citron pressé. « Si tu veux un conseil pour la prochaine fois, ajoute le sel avec le poivre. Ça te facilitera grandement la tâche. » Soupirant, un sourire aux lèvres, Reid se retourna vers sa poêle. « Oui Madame la Capitaine, à vos ordres. » Alors que sa mère quittait la pièce, il retourna son visage vers l'écran une nouvelle fois – avec tout cela, il avait arrêté de suivre son programme, et il fallait absolument comprendre pourquoi la femme de tout à l'heure était à présent en larmes devant sa mère. Avait-elle commandé autre chose que son pain préféré? Peut-être bien et le jeune Edwards alternait entre son plat et son émission aussi souvent que possible, histoire de comprendre autant que possible la gueguerre familiale tout en cuisinant un plat décent – même si sa grand-mère aurait trouvé cela immonde.