don't be ashamed of who you are, that's your parents' job.

Partie histoire :

« Arts créatifs ? » Répétait madame Von Sachsenheim, bouche bée. « On lui avait dit de postuler pour business, commerce… ou marketing….  » Elle soupira, relisant une dernière fois la première phrase de cette lettre d’admission, comme pour en avoir le cœur net. Puis elle posa la lettre qu’elle avait entre les mains sur la table en bois vernis avant de la faire glisser face à son époux qui était assis là avec un verre de whisky. Il secoua légèrement la tête en la lisant à son tour, prenant une gorgée de sa boisson. « Elle veut être une artiste. » Lâcha t-il enfin, d’un ton qui frôlait le sarcasme, un sourire amusé collé aux lèvres. « Ouais…Et elle m’a dit vouloir ‘voler de ses propres ailes’ » ajouta madame Von Sachsenheim, et son époux se tira aussitôt de sa chaise, terminant son verre en quelques gorgées avant de le reposer bruyamment sur la table. « Et bien qu’elle vole, dans ce cas. Elle se rendra vite compte qu’on ne peut pas vivre en faisant du dessin. » Il y avait comme un ton de défis dans sa voix et sa femme esquissa un sourire en entendant ces mots. Oui, c’était le plan idéal. Ils l’avaient élevé avec une cuillère en argent dans la bouche, elle n’allait pas survivre un mois dans une résidence universitaire.

« Von Sachsenheim… C’est long comme nom. Mais tes dessins sont cools. » Lâcha un jeune homme, tatoué jusqu’au cou, alors qu’il feuilletait lentement le portfolio que Venus lui avait amené. Elle avait séché les cours pour venir ici et une petite part d’elle stressait un peu à l’idée de rater un cours d’histoire de l’art pour tenter sa chance dans ce salon de tatouage. Un long silence suivi la dernière remarque du jeune homme, et la blonde attendait sagement près du bureau qui faisait office d’accueil dans cette petite boutique, alors qu’il détaillait avec attention chaque dessin. Arrivé à la dernière page du portfolio, il appela l’un de ses collègues. Les mains recouvertes par des gants en plastique noir, de longues mèches brunes attachées en une sorte de chignon, il se pencha à son tour sur le portfolio, laissant celui assit au bureau tourné les pages plastifiées, échangeant quelques regards, quelques messes basses. Venus les observait, anxieuse, jusqu’à ce que l’homme aux gants ne reparte dans le fond de la boutique et que l’autre ne referme brutalement le portfolio. « Ok, on t’embauche. » Lâcha t-il enfin et la blonde ne put cacher son étonnement. Elle qui s’ennuyait en cours depuis plusieurs mois et hésitait à rentrer chez elle, fatiguée de devoir livrer des pizzas pour se payer sa chambre étudiante… Voilà que la chance semblait enfin lui sourire. « Bon, tu seras apprentie, donc, ton job sera surtout de prendre les rendez-vous et d’observer. Il te faudra certainement un boulot à côté parce que tu seras pas payé. » Poursuivit-il, toujours de ce même air nonchalant. Bon, ce n’était clairement pas qu’elle avait espéré, mais ça ne pouvait pas être pire que les cours soporifiques du professeur Fields.

Vendeuse au mcdo du coin la  nuit, apprentie dans un salon de tatouage le  jour. Elle avait passés ces dernières années à galérer. Ses nuits étaient courtes et son temps libre était partagé entre ses amis et le dessin. Elle était payée une misère, avait dû rapidement dire adieu à son train de vie habituelle pour se nourrir exclusivement de nouille instantané afin de pouvoir payer son loyer et ses factures à la fin du mois. Pourtant, elle en était encore certaine : ça valait le coup et elle ne regrettait pas d’avoir abandonné ses études, et quitter sa famille pour ça. Elle avait beaucoup appris depuis qu’elle avait quitté la maison. Qui aurait cru qu’un pot de glace Ben and Jerry courait si cher ! Ses parents ne semblaient pas se faire de soucis pour elle, à en juger par leur silence radio, pourtant cela faisait près de trois ans maintenant qu’elle avait quitté la maison.

« Vee, y’a un mec à l’accueil qui est venu d’Australie pour que tu le tatoues. Tu crois que tu pourras faire ça aujourd’hui ? » D’un geste habile, la blonde vint essuyer rapidement le surplus d’encre du bras de la jeune femme qu’elle tatouait avant de reporter son attention sur son collègue. « Regarde le carnet de réservation, mais j'pense pas que ce soit possible aujourd’hui. » Faut dire que depuis quelques années maintenant Venus avait réussi à se faire une petite place dans le monde du tatouage et grâce à elle le salon était l’un des plus réputés de la ville. Contrairement à ses deux collègues tatoueur, qui étaient chacun spécialisés dans un type de dessin, elle maîtrisait tout, ou presque. Le noir et blanc, la couleur, les portraits, l’old school, le dotart, les tatouages minimalistes, les cursives… Et si certain la critiquait pour ne pas être tatouée de la tête aux pieds, comme c’était souvent le cas dans ce milieu, bon nombre de clients venant pour leur premier tatouage, appréciaient avoir en face d’eux une artiste qui ne soit pas totalement recouverte d’encre. Et puis, il fallait l’avouer, Venus était plutôt agréable a regardé, donc quand on ne venait pas pour son côté abordable et ses créations, on venait pour avoir le plaisir de se faire tatouer par une belle blonde, plutôt que le patron des lieux qui était un gros barbu au crâne rasé.

Elle attrapait le post-it sur lequel elle avait noté sa liste de course avant d’échapper un soupire. Une fois de plus Rhea avait pris la liberté d’ajouter quelques produits sur la liste et Venus savait à présent, par expérience qu’il valait mieux qu’elle achète ces dit produits, sans quoi sa cousine allait lui faire une crise en rentrant. Ça faisait près d’un an maintenant qu’elle partageait son toit avec elle. Une inconnue qui n’était autre que la fille de sa tante. Et quand cette dernière l’avait contacté et lui avait demandé d’hébergé sa fille en échange d’une petite compensation financière, juste le temps qu’elle se remette sur pied, Venus n’avait pas imaginé ça. Elle pensait rencontrer une adorable jeune femme, dans une passe difficile et puis elle pensait surtout que ça n’allait durer que quelques mois. Mais au lieu de ça elle vivait à présent avec une petite diva irrespectueuse, qui en plus de prendre de la place dans son petit appartement, et de râler à toute heure de la journée, lui coûtait cher. Oui, parce qu’avec les goûts de lux de la demoiselle, ce n’était pas la maigre somme que lui versait madame Dardo qui allait aider Venus à payer pour la nourriture, l’eau et l’électricité que consommait la starlette.