(sol) ҂ les seins de marilyn ou les saints de marie.

Trois sonneries de téléphone, à peine peut-être deux, c’est ce qui lui avait suffit pour glisser son portable enfoui sous un coussin jusqu’à son oreille. Elle avait intérieurement prié pour que l’air trop chantant d’Elvis n’ait pas suffis à réveiller les filles, si bien qu’elle attendit quelques secondes avant d’ouvrir la bouche, levant ses grands yeux clairs vers le plafond en écoutant attentivement. Pas un bruit, si ce n’est les très légers mouvements de lèvres de la télévision poussé à son volume minimum. Solweig s’autorisa enfin à respirer. « Allo, maman ? » Fit-elle dans un suédois qu’elle retrouvait néanmoins non sans un soulagement. L’anglais n’avait plus tellement de difficulté pour elle, il fallait dire qu’elle avait appris à s’y faire tout le long de ses nombreux voyages. Et puis un an en Nouvelle-Zelande, cela ne pardonnait pas. C’était pourtant toujours avec la même facilité qu’elle revenait à sa langue natale, aux consonances plus raclées, à l’esprit plus tordu. « Tu m’entends Solweig ? J’avais peur de ne pas réussir à t’avoir. Il faut dire que ces appels coûtent vraiment la peau du cul. Je suis en train de voir avec Sven pour trouver un nouveau forfait… Mh, tu crois que je t’appelle trop souvent, Sol ? » L’intéressée se glissa un peu plus chaudement dans son plaid. Elle avait tendance à rapidement prendre froid et la nuit était tombée depuis un moment. Elle regretta immédiatement d’avoir renoncé à son envie de chocolat chaud, trop bien installée pour avoir l’envie de bouger. « Non maman, je ne crois pas. » Elle fit en jetant un oeil à la télé. « Tout se passe bien ? » Elle entendait des aboiements derrière la voix grésillante de sa mère, probablement le chien de la famille, Max. « Tout se passe bien. Et toi, surtout ? Avec les enfants. Ils sont gentils ? Ils ne te font pas trop tourner en bourrique ? Et le père, il ne te fait pas d’avances douteuses j’espère ? » Elle regretta peut-être d’avoir donné trop de détails à sa mère sur sa situation actuelle. Mais il fallait dire qu’elle s’était elle même inquiétée à l’idée de devoir retourner en Suède, manquant d’argent. Maintenant qu’elle avait trouvé ce travail, elle avait tendance à en parler plus que de raison, bien trop fière d’avoir pu échapper au retour humiliant au bercail. Elle se disait parfois qu’elle n’avait peut-être pas trop mal réussi finalement. Seulement elle ne voulait pas parler trop vite. « Les filles sont adorables, ne t’en fais pas. D’ailleurs monsieur Sandstörm aussi. » Elle se pressa cependant d’ajouter. « Enfin, je veux dire, il est très aimable. » Madame Blomqvist ne sembla rien remarquer et s’empressa d’ajouter quelques recommandations, toujours les mêmes, auxquelles la brune avait le droit à chaque nouveau coup de téléphone. On lui rappelait de bien se couvrir, de ne pas trainer dans les rues trop tard et de surtout donner le plus de nouvelles possibles. C’était toujours avec le même sourire d’ailleurs, que Solweig acquiesçait. « Et les amis ? Les amours ? » Question évidente, redondante elle aussi, accompagnée du même petit rire gêné. « Mes amis vont très bien. » Elle répondait d’abord, parce que c’était le plus certain. Seulement cette fois, sans qu’elle ne su trop pourquoi, le visage de Niklas lui vint en mémoire. Dans un rougissement presque inutile, elle secoua la tête. « Les amours aussi. » Elle préféra simplement répondre. Alors qu’au fond, les amours n’avaient pas grande importance, pas grande définition non plus. Elle préféra tourner court à cette conversation. « Passe moi Viktoria maintenant, s’il te plait. » Elle savait que le temps était compté, qu’elle ne pouvait épuiser le salaire entier de la famille pour une simple conversation bien qu’elle en payait la moitié. Ces pensées disparurent subitement cependant lorsque la voix douce de la petite dernière de la famille se fit entendre. « Sol ? Sol c’est Vik. » Evidement que c’était Vik, Solweig l’aurait reconnu entre mille. « Tu me manques beaucoup. Quand est-ce que tu reviens ? » Difficile de répondre qu’elle espérait ne jamais le faire. Revenir en Suède serait non seulement un malheur mais sans doute la fin de toute une vie, de son idéal. « Je ne sais pas, Vik. Bientôt peut-être. Toi comment tu vas, ma princesse ? » Pas de réponse d’abord, un brouhaha avec tous les autres frères et soeurs. « Bien. Il parait que tu m’as remplacée avec les filles d’un monsieur. » Solweig lâcha un petit rire. « Tu sais que tu es irremplaçable, trésor. Je m’occupe simplement de deux petites filles quand leur papa n’est pas là. Tu m’en veux ? » Elle devina que l’autre avait hoché la tête derrière le téléphone, cette pensée la fit sourire. « Non Sol, je ne t’en veux pas. » Elle s’apprêtait à rajouter quelque chose mais la petite la coupa. « Je dois raccrocher, maman insiste. Bisous Solweig, je t’aime fort. » Elle eut tout juste le temps de répondre avant d’entendre les tonalités significatives parvenir à ses oreilles. « Je t’aime aussi, trésor. » Et pour une fois, pas besoin de jouer la comédie, elle n’avait jamais été aussi sincère.