lost in your light / julia

(un) élevée par un couple aimant dans les quartiers modestes de la ville d'auckland, julia voulait plus pour elle. plus grand, plus prestigieux, plus onéreux. l'argent a longtemps rythmé ses pensées, ses choix. les efforts de ses parents pour lui procurer une meilleure vie étaient assez, mais pas suffisants. les moqueries de ses camarades de classe ont laissé des traces. des traces indélébiles. (deux) sans grande conviction, elle s'est lancée dans des études d'histoire de l'art. la culture internationale est riche et fascinante. l'architecture est impressionnante, le genre qui écarquille les pupilles, qui coupe le souffle. c'était une passion, pour elle. admirer les bâtiments, lire les biographies de ces peintres qui ont changé les critères. l'antiquité, le moyen-âge, l'art moderne. l'art sous toutes ses formes et à toutes les époques, c'est ça qui l'intéressait. mais elle ne voulait pas étudier, julia. elle voulait seulement regarder. (trois) quand elle est nerveuse ou contrariée, ses doigts agrippent instantanément la bague montée en chaîne autour de son cou. une bague en or qui appartenait à sa mère, sertie de diamants. un bijou unique à ses yeux. julia est restée en contact avec ses parents. ils lui rendent visite et l'appellent régulièrement, mais refusent toute l'aide qu'elle a pu leur offrir. trop modestes, trop fiers pour accepter. (quatre) catholique et pratiquante à ses heures perdues, elle se rend parfois à la messe du dimanche. les chants bibliques captivent son attention, le sermon du prête la fascine. croyants, ses parents ont fait le choix de la baptiser. quelques photos de ce jour sacré traînent dans son album photo. une robe blanche, un visage angélique. mais julia ne prie quasiment jamais. (cinq) c'est une piètre cuisinière. une catastrophe ambulante près des fourneaux. elle arrivera à rater même le plat le plus basique. son mari s'est risqué une ou deux fois à lui faire confiance. il se souvient probablement encore du saumon carbonisé sur son lit de riz blanc sec et trop cuit. (six) silas griffin. il était beau, ce soir-là, dans son costume taillé sur mesure. ses cheveux poivre et sel lui donnaient une allure charmante. son sourire en conquérait plus d'une. cette exposition éphémère était la sienne, nichée au coeur de la ville. julia avait décidé d'y aller pour s'enrichir de culture, d'art. puis elle avait croisé son regard. (sept) gold digger. elle n'aime pas ce terme. trop péjoratif, trop simplet. elle n'aime pas se considérer comme une simple croqueuse de diamants. pour elle, il y a plus en jeu, plus d'avantages qu'une simple carte de crédit. elle en a séduit des hommes riches. vieux, jeunes, toutes générations confondues. ils n'étaient que de passage, tous. pourtant, c'est silas qui a mis le grappin sur elle. avec ses mots tendres et ses yeux espiègles. elle s'est prise à rêver d'une vie à deux, elle s'est surprise à l'aimer. plus vieux qu'elle de vingt-deux ans, il voulait soit-disant fonder une famille. aujourd'hui, ils sont mariés depuis quatre ans. aujourd'hui, elle regrette le jour où elle a foulé le sol de son exposition. (huit) elle est allergique aux noix. ce petit fruit à coque, qui se faufile parfois dans des recettes simples. il lui fait gonfler la langue, bouche ses voies respiratoires. pourtant, elle aime le goût qu'il procure. malheureusement, elle ne peut en manger, au risque de s'étouffer. (neuf) femme trophée, elle se pavane aux bras de son époux avec une fausse fierté. son sourire dissimule les insultes et les violences. quelques coups, ici et là. jamais sur le visage, jamais sur les zones visibles facilement de son corps. les bras, les mollets. alors il frappe le dos, les cuisses. il punit amèrement quand il boit. sévèrement, quand il perd une transaction. sa main s'élève moins que les mots blessants, que les insultes. et elle se tait julia. parce qu'il a du pouvoir, de l'influence. parce qu'il se fait pardonner en bijoux et en robes. elle est faible, faible et meurtrie. faible et honteuse. (dix) julia a du mal à se faire des amis. et encore moins des amies. elle énerve, elle se donne un genre et ça agace. son comportement choquait, avant. c'était un électron libre, qui se baladait, qui butinait de fleur en fleur. pourtant, elle aimerait avoir des amis proches, des personnes de confiance à qui se confier. (onze) son mari a engagé un garde du corps pour la surveiller. il a des ennemis, silas. des ennemis dont elle ne souhaite connaître ni visages, ni noms. ezra est là, avec ses cheveux bouclés et ses yeux bleus. il la suit, comme une ombre, comme son double. ça la rendu tendue, nerveuse. elle n'aime pas être épiée, même pour son bien. parfois, dans son regard, elle peut lire de la compassion, presque de la pitié. elle le déteste pour ça. (douze) elle se rend parfois à l'hôpital, pour offrir son aide. le bénévolat lui fait du bien, lui rappelle ces valeurs qu'elle tente de camoufler. une part d'elle ne pourra oublier ce deux-pièces qu'ils partageaient, avec ses parents, ou les vêtements recousus de tissus différemment. en racontant des histoires à des enfants malades, elle se console de n'avoir eu que de la misère matérielle.

(petit plus) les gens lents la dérangent; elle a vécu au dessus d'une pizzéria pendant plus d'un an; elle a peur du vide; elle s'est déjà cassé le bras; comme les 3/4 des filles, les insectes lui font peur; elle adore les vieux films en noir & blanc; son alcool préféré est le vin italien, le prosecco; elle n'aime pas qu'on lui donne des surnoms; avec le métier de son mari, elle a eu la chance de pouvoir voyager un peu partout en nouvelle zélande, en europe, à l'autre bout du monde; elle voudrait prendre un chien, mais silas ne les aime pas; ezra l'intrigue et l'irrite à la fois; elle est arrivée à wellington il y a quatre ans, en suivant son époux; elle a un frère jumeau.