In The End - Maedge Hawkins

Time is a valuable thing, Watch it fly by as the pendulum swings, Watch it count down to the end of the day


Rare sont les personnes qui ont des souvenir de leur petite enfance. Maedge en a, elle. Du moins, elle a des images très nettes de moments qui l’ont marqués, au milieu d’un océan de néant. Elle se souvient de l’odeur du pain d’épice mélangée à celle du chocolat chaud maison préparé par mamie. Des lumières bleues de la voiture de police, se reflétant dans les boules du sapin de Noël. Un court instant, suspendu dans le temps, juste avant que sa vie ne bascule pour la première fois. Et puis ce fut un cri long et intense, suivi par les larmes de sa grand-mère glissant dans ses propres cheveux. Un sentiment d’incompréhension s’était emparé d’elle. “pourquoi tu pleures, Mimi ?” avait-elle demandé de sa petite voix. La vieille dame avait répondu en la serrant dans ses bras. Fort. Très fort. Puis une voix tremblante que Maedge ne lui connaissait pas avait brisé le silence. “Il n’y a plus que nous à présent, mais je vais m’occuper de toi. Tu ne seras jamais seule, je te le promets, ma chérie.” Maedge n’avait pas compris ce que cela impliquait, mais elle n’entendit plus jamais parler de ses parents biologique après cela.
Ce n’est que bien plus tard qu’elle avait appris qu’il étaient décédés dans un accident de voiture. Et elle avait toujours trouvé étonnant qu’elle se souvienne avec précision des détails de ce jour-là, mais qu’elle n’ait aucun souvenir de comment ils étaient, de leur vivant.

“Mimi” était une grand-mère gâteau très attentive aux besoins de Maedge. Aussi, bien qu’il y ait toujours un manque, elle était parvenue à instaurer un nouvel équilibre dans la vie de sa petite fille. Celle-ci avait une enfance agréable et la vie semblait avoir décidé de ne plus s’acharner sur elle.Du moins, jusqu’à ses six ans et demi. Au début, il se passait des choses étranges, mais insignifiante. Mimi oubliait ses clés au supermarché et il fallait y retourner pour pouvoir rentrer à la maison. Une autre fois, elle disait que son défunt mari lui avait rendu visite pendant que Mae était à l’école. Puis elle avait commencé à collectionner des choses inutiles, des bouteilles, des napperons, des bibelots en tous genres dont certains qu’elle avait volé chez ses voisines. Lorsque l’on connaissait la vieille dame, on pouvait dire que c’était un comportement qui ne lui ressemblait pas du tout. Mais lorsque l’on a à peine sept ans, comment peut-on s’apercevoir que toutes ces choses sont en fait des signaux d’alarme ?
Et puis il y eu ce jour où Maedge attendit deux heures devant l’école, sans que personne ne vienne la chercher. Sa grand-mère avait fait une crise d’hystérie dans un centre commercial et avait été envoyée dans un hôpital spécialisé.

Les services sociaux ne tardèrent pas à être appelés et une année de descente aux enfers commença.

Il y eut les foyers. Ces endroits que la petite Maedge trouvaient effrayants. Tout y était fait pour que les enfants se sentent le mieux possible, mais tout semblait tellement peu naturel dans cet environnement que la jeune fille s’y sentait comme dans un autre monde. On lui demandé de préparer son déjeuner et de participer aux tâches ménagères avec les autres, histoire de vivre en communauté “comme dans une famille”. Mais c’était tout sauf une famille. Les chambres partagées avec cinq autres enfants qui étaient là depuis plus longtemps et qui avait déjà investi tout le lieu, empêchant toute possibilité de se sentir ne serait-ce qu’un peu “chez soi”. Les pleurs, la nuit, de ceux qui ne comprenaient pas ce qui leur arrivait. Et surtout, les agressions par les autres enfants, incompréhensibles, puisque pour Maedge il aurait été plus logique de se soutenir que de se battre dans ce genre de situation. Et surtout, le fait de se sentir épié et de ne jamais pouvoir être seule.

C’est lors de cette période que Mae’ développa une tendance à se méfier de tout le monde et à n’accorder que difficilement sa confiance.

Watch the time go right out the window, Trying to hold on but didn't even know, Wasted it all just to Watch you go


Après six mois en foyer, lorsqu’il fut certain que grand-mère était atteinte de démence sénile et qu’elle ne pourrait pas récupérer la petite, il fût décidé qu’elle serait placée en famille d’accueil afin de trouver un meilleur équilibre. Ce fut encore pire que le foyer.
La plupart des familles d’accueil où elle atterrit ne faisaient ça que pour l’argent. Maedge arrivait avec l’allure d’un animal blessé, essayant de se faire oublier, rasant les murs et s’enfermant dans un mutisme. En général, elle ne restait pas bien longtemps, soit les autres enfants profitaient de cette faiblesse pour s’en prendre à elle, rendant la cohabitation impossible. Soit son attitude de gamine effrayée qui refuse de parler ou même de s’approcher des autres rendait les familles mal à l’aise et celles-ci préféraient donc la renvoyer en foyer.

Et puis, au bout de cette année de malheur, il y eut la lumière au bout du tunnel.

“Bienvenue Maedge, tu es ici chez toi.” C’était la première fois qu’à peine arrivée dans une famille, on lui présentait la maison comme “chez elle”. En apparence, il s’agissait d’une famille d’accueil comme les autres. Deux adultes, une grande maison et déjà trois autres enfants à s'occuper, deux plus grands, une plus petite. Mais la ressemblance s’arrêtait à peu près là, ici, les trois enfants avaient été adoptés. On avait l’air de s’intéresser de près à leurs souhaits et à leurs besoins. Au début, elle avait même sa propre chambre. Mais l’habitude du foyer fit qu’elle n’arrivait plus à se faire à cette solitude qui lui avait pourtant terriblement manquée durant une année. Il fut donc décidé qu’elle dormirait dans la même chambre que Gemma. Et Maedge tomba littéralement sous le chambre de la petite blonde. C’est à elle qu’elle osa adresser ses premières paroles, avec qui elle accepta de jouer, de sourire, de rire. Puis doucement, comme Gemma faisait entièrement confiance à la famille et qu’elle avait réussi à apprivoiser Mae’, l’asiatique se rapprocha du reste de la famille. Il fallut du temps et de la patience à tout le monde, mais ce fut payant : deux ans plus tard, Maedge devenait le dernier membre officiel de la famille, portant désormais fièrement le nom de Hawkins.

Le reste de son enfance et le début de son adolescence se passèrent très bien et à une vitesse hallucinante. Bien qu’elle soit toujours restée légèrement plus proche de Gemma, Maedge se sentait enfin à sa place dans cette grande famille. Elle comprenait la chance qu’elle avait d’être tombée sur eux, d’être entourée d’amour et de joie, c’est de là que lui vient son côté très optimiste.
C’est au lycée, alors qu’elle voyait combien sa soeur aînée devait travailler à l’université pour réaliser son rêve, que Maedge décida que les études n’étaient pas faites pour elle. Cette nouvelle fut moyennement bien accueillie par ses parents, mais à partir du moment où elle finissait le lycée, où elle parvenait à trouver un travail et où elle était heureuse, ils ne s’opposeraient pas à ses choix de vie. Aussi, durant sa dernière année de lycée, avec son copain de l’époque, elle décida de se mettre à travailler afin d’économiser pour un grand voyage.


I kept everything inside, And even though I tried, It all fell apart, What it meant to me Will eventually be a memory

L’année suivant l’obtention de son diplôme fut donc une année sabbatique. Toujours avec le même compagnon, elle partit donc en voyage autour du monde. Elle visita beaucoup de pays, notamment la Corée du sud dont elle est originaire et fit le plein de souvenirs merveilleux. Elle prit la décision de continuer à voyager chaque fois qu’elle le pourrait. Lorsqu’elle revint un an plus tard, les retrouvailles avec Gemma qui vivait désormais seule chez leur parents furent fusionnelles. Après deux ans ensembles, son petit ami lui proposa de prendre un appartement ensemble et bien qu’elle hésita un long moment, elle finit par accepter. Rapidement, elle commença à faire des garde d’enfants et à travailler en tant que serveuse, principalement le soir. Et lorsque Gemma eut enfin ses dix-huit ans, elle vint s’installer dans l’appartement également pour se rapprocher de sa soeur.

Maedge et son ami étaient ensemble depuis cinq ans et ils étaient au restaurant pour fêter ça. Tout se passait bien, jusqu’à ce que, d’un coup, entre le plat et le dessert, il décide de mettre un genoux à terre, tout en dégainant une bague. Les yeux écarquillés, la bouche crispée, Mae’ n’osait pas imaginer ce qu’il était en train de se passer. Comment pouvait-il même penser que c’était une bonne idée ? Avait-il si vite oublié qu’elle avait mis presque six mois à accepter qu’ils vivent ensemble ? Ne trouvait-il pas que le fait qu’elle ne veuille même pas adopter un poisson rouge en collaboration avec lui était un bon indice de son manque de confiance ? “Je sais que tu ne t’attendais pas à ça et que tu n’apprécies pas forcément d’avoir à t’engager plus…” Avait-il commencé. Il savait. Alors pourquoi ? Pourquoi lui infliger ça en sachant qu’elle n’était pas prête ? Avant de partir, elle avait hésité à proposer à Gemma de venir tenir la chandelle, maintenant elle regrettait de ne pas l’avoir fait. “Mais tu sais Mae’, je ne vais pas t’attendre éternellement. Nous sommes ensemble depuis cinq ans, nous avons parcouru le monde ensemble, nous vivons ensemble et bien que tout se passe bien, j’ai l’impression que l’on stagne ces dernières années.” Et qu’y avait-il de mal à stagner dans le bonheur, hein ? Pourquoi fallait-il qu’il joue le rôle de la femme qui a besoin d’engagement, lorsqu’elle jouait celui de l’homme qui refuse de s’engager ? “J’aimerais qu’on passe à la vitesse supérieure, s’il te plaît, réfléchis-y cinq minutes Mae’, on pourrait être tellement bien tous les deux.” Elle attrapa son verre pour boire une longue gorgée. “On est déjà bien tous les deux…” Toute cette vie lui suffisait, elle n’aimait pas qu’on lui impose les choses, elle n’aimait pas qu’on essaye de l’obliger à être qui elle n’était pas. “Eh bien on pourra être encore mieux ! Est-ce que tu veux bien m’épouser ?”. Il eut un silence dans tout le restaurant, les gens semblaient prêts à applaudir, Mae’, elle, était au bord de l'asphyxie… Ce qui aurait toujours était mieux que de devoir formuler une réponse honnête. “Je suis désolée… Mais la réponse est non. Je ne suis pas prête pour ça.”

La soirée s’était terminée dans un silence d’enterrement. Le retour n’avait pas été mieux et lorsqu’ils étaient arrivés à la maison, il avait pris une valise et avait commencé à prendre ses affaires. “Qu’est-ce que tu fais ?” Avait-elle demandé en connaissant déjà la réponse. “Je pars. Cinq ans que je supporte ton manque d’engagement, tu ne seras jamais prête. J’abandonne.” La sentence était tombée. Comme ça, sans réellement prévenir. Elle avait pensé à essayer de le retenir, elle aurait peut-être réussi. Mais elle savait que vivre cette vie était injuste pour lui, puisque ce n’était pas réellement ce qu’il voulait. Alors elle l’avait laissé partir. Gemma avait été d’une grande aide pour qu’elle se remette de cette relation. Et puis, peu de temps après, il y avait eu la mort de sa belle sœur et elle avait dû se concentrer sur son frère qui était au plus bas. Et plus tard, il y eut l’accident de sa sœur aînée et la mort de son beau-frère, aujourd’hui encore, elle va énormément chez sa sœur pour lui changer les idées. Aussi, il y a bien longtemps qu’elle ne s’est plus concentrée sur sa vie amoureuse et qu’elle n’a pas eu de relation sérieuse. Cela dit, les relations courtes ne sont pas forcément plus mal, selon elle.