speechless ⚭ (maia)

chère maman, chère tara
je ne sais pas pourquoi mais j'ai envie de t'écrire ce soir, je ne sais même pas si je trouverais le courage de poster cette lettre ou bien si elle finira à la poubelle comme bon nombres de mes écrits qui t'étaient destinés. maman, tara, je voulais savoir pourquoi ? pourquoi tu m'as gardée pendant neuf mois pour au final me laisser tomber comme mon géniteur t'as laissé tomber, pourquoi avoir totalement mis de côté ton rôle de mère pour pouvoir t'amuser, te faire sauter, te laisser aller, pourquoi m'avoir abandonnée alors que je suis dans la période où j'ai le plus besoin de toi, pourquoi avoir choisi la drogue plutôt que moi ? j'ai tellement de question en tête que je pense être sur le point d'imploser. si jamais ça t'intéresse je vais bien, en apparence, l'adolescence c'est dur, je suis perdue, je n'ai confiance en personne, même pas en moi, je ne sais pas ce que je vais faire de ma vie, l'an prochain j'ai dix huit ans, j'ai l'ambition de partir, loin, commencer une nouvelle vie, ne plus être maia oswald, être quelqu'un de nouveau. après je ne devrais pas me plaindre, j'ai un toit, quelqu'un qui me nourrit, qui s'occupe de moi, j'ai tellement pas l'habitude que je n'aime pas ça. maman j'ai dix sept ans et en dix sept putains d'années tu as du être là pour moi six ans à tout péter avant de plonger dans tes délires de gamines, c'est un peu de ma faute j'avoue, je t'ai volé ton adolescence, à mon âge tu étais déjà maman, tu n'as aucun diplôme, tu n'as jamais fait ton bal de promo, tu ne t'es pas amusée comme tu le voulais parce que j'étais là. c'est vrai parfois je culpabilise, je me dis que si tu es là où tu es c'est à cause de moi, que je suis le commencement de toutes ces merdes, puis je relativise et je me dis que tu l'as bien cherché aussi, que si tu l'avais voulu ce gars tu l'aurais jeté, tu aurais pu dire non, mais tu as plongé tête la première et voilà où ça ta menée, directement à la case prison. sache que je ne viendrais jamais te rendre visite, et qu'une fois que tu seras sortie je ne veux pas que tu viennes me voir, je ne veux pas non plus de réponse à cette lettre, parce que voilà maman tu m'as ruinée, brisée, tuée et ça je ne te le pardonnerais jamais. j'espère que la bouffe est bonne en prison, qu'une fois sortie tu seras sevrée de tes démons.


une larme coule sur le papier blanc cassé, énervée tu froisses la feuille, puis tu réfléchis, tu déplies ta lettre, essaye de la rendre présentable, la plie en deux et la glisse dans une enveloppe blanche timbrée sur laquelle est déjà inscrit l'adresse de la prison où se trouve ta mère. tu te dis que tu iras la poster demain, puis tu te dis aussi que demain est un autre jour et que si ça trouve tu auras pas les couilles de le faire, alors encore une fois, même si il est tard, tu enfiles ta veste à capuche, tu ouvres ta fenêtre sans faire de bruit et tu te glisses dans la nuit noir, une fois sur le sol tu te mets à courir, tu pleures, tu cours, tu chasses le vent et essaye de brouiller tes idées noirs. essoufflée tu arrives devant le bureau de poste, la main tremblante tu t'approches de la boîte aux lettres, tu fais glisser ton courrier et tu repars, sans regarder derrière toi. cette lettre c'est comme pour faire ton deuil d'une mère absente.