Abraham ➔ Ton odeur sur ma peau.

01•T'es le chouchou à sa maman, le petit dernier qu'on cajole plus que de raisons. Un fils, un petit dernier qu'on ne veut pas voir grandir et toi tu t'es conforté là-dedans. Ta mère t'a trop couvé Abraham, tu le sais bien et avant tu voyais pas quel mal ça pouvait engendrer. T'es ce petit garçon qu'on venait toujours consoler quand il tombait dans le jardin, qu'on ne grondait pas quand il faisait une bêtise. C'est bête mais t'as coupé ta viande à quatorze ans seulement et tes parents pouvaient faire des dizaines de kilomètres pour trouver des chaussures sans lacets parce que t'avais pas envie d'apprendre à les faire. Ta mère disait que t'étais son petit bébé, son petit dernier, ton père a toujours laissé faire parce qu'il aimait bien l'idée de vous savoir heureux et si proches. Mais t'es incapable de te prendre en main maintenant.
02• Tu sais pas cuisiner, pas faire une lessive et t'aurais même du mal à organiser tout une semaine de courses sans que ce soit disproportionné et complètement à côté de la plaque. La surprotection de ta mère a fait de toi un adolescent qui a besoin d'aide pour beaucoup de choses, qui ne s'aventure pas très loin parce qu'il se sent très vite perdu.
03• T'aimes pas la grande musique, tu connais pas Mozart et tous ces classiques, à la rigueur, t'as déjà du entendre une chanson des Pink Floyd en trainant ici et là. Mais toi tu préfères les trucs à la mode, les chansons qui se prennent pas la tête et que ceux de ton âge appellent commerciales. Tu t'en fous puis c'est bien le principe, de se faire de l'argent pour ceux qui les chantent ? T'aimes quand ça reste dans ta tête, quand ça dépasse le million de vus sur Youtube en quelques heures à peine.
04• T'as une belle voix. Sans forcer, sans jamais l'avoir trop travaillé. Mais tu chantonnes qu'à de rares moments et les dires de ta maman qui te trouve génial sur tout n'ont rien de probant pour toi. Tu chantes juste, t'as cette voix qui craque à des endroits qui plait tellement. Mais t'en sais rien, t'es même pas sûr de vouloir le savoir. Toi tu t'aimes discret, à l'abri des regards.
05• T'es généralement une enclume quand tu dors. Impossible de te réveiller sans te secouer pendant une dizaine de secondes. Tu t'endors très facilement aussi et un peu partout et ça c'est déjà plus un problème. Ça énerve aussi, parce que tu peux discuter sur internet avec quelqu'un et plus lui répondre dans la minute parce que c'est ton heure et que tu viens de t'endormir. T'aimes bien faire des micro siestes aussi, d'un coup comme ça, juste quelques minutes. Tu fermes les yeux et voila Morphée qui t'accueille à bras ouverts.
06• Depuis que tu es petit, tu es proche de ta famille, de ta mère et de ton frère et de ta sœur. Ils sont comme des modèles pour toi et tu peux pas imaginer la vie sans eux. Comme t'es le plus jeune, t'as eu un peu de mal à voir les deux autres qui commençaient à prendre leur envol, à être moins présents pour toi. Toi tu te souviens avec nostalgie les sirs près de la cheminé quand ton grand frère te racontait des histoires à te faire tellement peur que tu finissais pas dormir avec ta sœur pendant plusieurs jours. Et ces après midi entières à la plage l'été, à construire le plus beau des palais en sable. C'est moins comme ça maintenant et toi t'as un peu plus de mal à te confier maintenant que la vie est plus compliquée, que tes chagrins ne sont plus dus seulement à tes chutes dans le jardin familiale.
07• Puis t'en as une autre de soeur. Mais celle là tu ne la connais qu'à travers des sourires figés par le temps sur des photos dans des albums qui commencent à prendre la poussière. Il paraît qu'elle adorait te prendre dans ses bras quand tu étais un bébé bien potelé mais ça, tu ne t'en souviens pas. Tu sais pas comment croire avec elle, tu sais pas si t'arriverais à l'aimer comme une sœur. C'est un visage qui grandit et qui sourit sur les photographies, mais c'est pas son coeur qui bat contre le tien et toi t'as besoin de ça pour que ça compte.
08• Ta mère pensait tellement que tu étais le plus bel enfant du monde qu'elle t'a inscrit à des castings pour les publicités. T'as été pris pour un petit contrat et après il a été renouvelé. Tu t'en souviens pas très bien parce que tu n'avais que quatre ans, parce que toi tu pensais juste que tu t'amusais alors que t'es passé à la télévision plusieurs fois et ça te plaisait de te voir. Tu connaissais même ton petit texte de quelques par cœur et tu le répétais à tout le monde, même à des inconnus. T'as fait six publicités au total pour le même groupe et depuis t'as un peu d'argent qui dort sur ton compte. T'y touches pas encore mais tu sais que c'est là.
09• T'es un très mauvais joueur, petit enfant trop gâté. On te laissait toujours gagner la partie de carte quand tu étais petit et on faisait semblant de tomber sur tes rues quand t'as commencé le Monopoly en famille. Mais du coup t'aimes pas perdre parce que t'as trop eu l'habitude de lever les bras au ciel en criant ta victoire. Il t'arrive même de tricher pour arriver à tes fins.
10• L déménagement a été difficile pour toi. Changer de repères, de copains et de tout le reste. Faire en sorte que tes souvenirs subsistent encore plus dans ta mémoire alors que t'avais l'habitude de passer devant le même marchant de glace où tu as déjà gouté tous les parfums plusieurs fois. Mais c'est pas un enfant qui décide quand c'est pour le travail des parents. Et puis ça tombait bien avec les études de ta soeur. Toi t'as rien eu à dire, juste à faire tes adieux et à espérer que ta vie à Wellington soit aussi bien que celle là. T'as beaucoup espéré pourtant, mais ça ne suffit pas parfois.
11• Dans ton nouveau lycée, ça s'est pas bien passé. T'as été discret, peut-être un peu trop. T'avais un petit accent aussi et ça n'a pas plu. T'as pas d'explications à l'enchainement des évènements, t'es surement un peu fautif aussi mais t'es surtout la victime. Il y a eu les moqueries sur tes vêtements, sur ton cou que certains trouvaient trop grands. On a dit que t'étais qu'un sale pd qui méritait de crever, on t'a harcelé sur les réseaux sociaux. Et toi comme la plupart des gosses t'as encaissé, t'as voulu t'en sortir seul et t'a jamais rien dit. Ça allait toujours à l'école quand on te le demander alors que pour toi, c'était devenu tellement dur de t'y rendre et de savoir à l'avance que t'allais passer un enfer. Et puis ils ont vu que t'avais pas forcément une force de caractère assez développée pour te défendre. T'as fini dans des bennes, on t'a piqué tes fringues pendant le sport... Lancé des rumeurs. Eux ça les faisaient rire parce que ce n'est que des jeux d'enfants après tout. Mais toi ça t'a fait mal, mal au point que t'en pouvais plus.
12• T'as pris la décision comme une autre, un matin alors que tu savais qu'une journée de plus se profilait pour te montrer que tu n'étais rien. T'as dit que tu commençais plus tard et t'as attendu que la maison soit vide, entièrement. T'as vérifié, attendu une bonne heure avant de t'enfermer dans ta chambre après être allé au garage chercher de la corde. T'as fait le nœud, celui sur ton luminaire que tu jugeais solide parce qu'en bois de chêne. T'as même pas écrit de mot, rien pour expliquer à ta famille. Tu t'es dit qu'ils s'en ficheraient parce qu'ils n'avaient jamais vu tes appels au secours dans tes yeux. Tes notes qui baissaient, les appels de la direction pour tes absences répétées au Lycée. On a préféré croire que tu tournais mal, on a pas pensé une seule seconde que tu étais mal. T'es monté sur ta chaise de bureau, t'as passée la corde autour de ton cou et tu t'es laissé tombé. Tes cervicales ont tenu, t'as commencé à t'étouffer. T'es tombé inconscient puis sur le sol, parce que le luminaire a craqué, tu l'as reçu sur le front un peu, il t'a ouvert l'arcade mais toi t'étais inconscient. Tu t'es réveillé quelques heures plus tard, une migraine infecte et une arcade explosée. Mais le pire c'était les traces sur ton cou. Alors t'as tenté de tout nettoyer rapidement, t'as inventé une excuse dans ta tête et t'es allé piquer un pot de fond de teint dans la salle de bain. Tu caches les vilaines traces du mieux que tu peux depuis, ça fait une semaine à peine et rien ne s'est arrangé à l'école.