The lonely moments just get lonelier, the longer you're in love.
Un premier cri retentit, le liminaire d’une série.
« C’est une fille, mes félicitations. » Et voilà que la sentence tombe. Comme si avoir sorti ce démon hors de ses entrailles ne suffisait pas à lui faire comprendre qu’elle venait de foirer sa jeunesse en beauté. Il fallait qu’on vienne lui lancer en pleine figure l’énorme dérapage qui viendrait à perturber son quotidien pour les dix-huit années à venir désormais. La jeune mère, encore éreintée par l’effort qui lui avait été demandé, renifla vulgairement et détourna le regard. Un message puissant et clair venait alors d’être envoyé à chaque personne présente ce jour-là dans la salle. Ce bébé n’était pas désiré et ne le serait jamais. Pourtant, le jeune homme qui était resté alors jusqu’à nouvel ordre, plongé dans un étrange mutisme, se manifesta finalement. Un pas, puis deux effectués en direction du poupin qui pleurait à s’en déchirer les poumons et voilà qu’un sourire bancal s’affiche sur son faciès rougi par on ne sait quel breuvage alcoolisé. C’est l’un des seuls contacts qu’il échangera avec son enfant, il lui prit la main et dans un souffle à peine audible énonça ce qui semblait être un prénom. «
Andromeda ». Parce que ses cheveux de jais semblaient inspirés de l’éther sombre du soir, et que ses petits yeux emplis de larmes paraissaient briller comme une myriade de petites étoiles. Dans l’un de ses moments de rare lucidité, le jeune père faisait miroiter un semblant d’inspiration divine.
Il avait mis les voiles. Une semaine après la naissance de la fillette. C’était à prévoir, comme avoir l'épée de Damocles au dessus de la tête. La peur l’avait tout bonnement rongé, sournoisement et avec succès. Il avait été malade de savoir qu’un petit être comptait désormais sur lui. Déjà qu’il ne parvenait que très peu à s’occuper de lui-même, comment était-il foutu de subvenir aux besoins d’un autre être humain ? Alors, il était simplement parti sans un mot. En bon lâche qu’il était. Ce qui aurait pu être une tragédie dans la vie d'Andromeda, la rendit finalement plus forte et endurcit, plus tard. Un bien pour un mal.
Pourtant, tout avait si bien commencé... Ophelia Weasley et Romero Caldeira étaient comme les Gatsby et Daisy en version « fauchés. ». Ils s’étaient rencontrés lors d’une soirée à Dalkeith et le courant était irrévocablement passé. Pas étonnant, entre deux paumés, les atomes crochus ne pouvaient qu’être nombreux. Or, après seulement quelques mois de « relation », le pépin survint : Ophelia Weasley était enceinte. Âgés respectivement de dix-huit et vingt ans, sans revenus et sans l'assurance d'être épaulés par les membres de leurs familles, la nouvelle était dure à avaler. Les ennuis commencèrent, la passion n'était plus ce qu’elle était. Elle devint putride et toxique. Pour combler cela, Romero noya sa misérable existence dans l’alcool. Quant à Ophelia, la future mère, elle paniqua et ne s’entoura pas des fréquentations propices à former un foyer stable et acceptable. Une haine viscérale prit alors forme au fil des mois. Une répugnance envers une personne qui n'était alors même pas née.
You're only happy when your sorry head is filled with dope
Andromeda était allongée dans une méridienne. Les yeux clos et la respiration lente, on aurait pu croire qu'elle était plongée dans un profond sommeil, nichée dans les bras de Morphée. Ce qui n'était pas le cas. Lorsqu'un raclement de gorge brisa le silence paisible de la pièce, Andy su que son calvaire allait commencer.
« Mademoiselle Jones. Je veux que vous vous concentriez sur ma voix. Faites, le vide dans votre esprit, vous allez libérer votre psyché et ne vous focalisez que sur ma voix. Lorsque vous serez prête, dîtes-le-moi. »Faire abstraction de ses pensées qui fusaient à mille à l'heure dans sa caboche ? Plus simple à dire, qu'à faire. Aujourd'hui, Andromeda était une véritable boule de nerfs. Comme si un petit malin dénué de bonnes intentions, avait grignoté la partie de son être lui servant à garder sa maîtrise de soi. L'air devait sûrement crépiter de toute la négativité qui suintait de ses pores. Elle était à un tel point de nervosité, que la brune avait la sale impression que le foutu fauteuil allait l'aspirer à tout moment. La jeune femme se serait giflée d'être à ce point tétanisé par de stupides souvenirs. Et pourtant, il lui fallut bien une quinzaine de minutes avant que sa voix rauque rétorque à son interlocuteur.
« Je suis prête. »« Très bien. Vous allez donc commencer par vous souvenir des moments forts de votre enfance et adolescence. Des bons, comme des mauvais. »Des bons moments ? Est-ce qu'elle l'avait écouté radoter sans relâche à quel point son enfance avait été merdique dès sa venue au monde ? Apparemment pas. Cela était rassurant, l'argent qu'elle dépensait dans ces séances servait vraiment à quelque chose... Un état d'esprit qui manqua de soutirer un soupir agacé à sa propriétaire et une sortie théâtrale avec en prime le fameux claquement de porte. Mais non. Son corps était bien trop léthargique pour tenter, on ne sait quelle évasion rocambolesque. Non, au lieu de cela, elle s'exécuta.
Souvenirs, souvenirs, souvenirs... La Jones semblait comme happée par les méandres des réminiscences de ses moments passés en Écosse en la mauvaise compagnie de sa tribu d'origine. En fermant les yeux, Andromeda parvenait presque à se remémorer, comme si elle y était, l'un de ces moments qu'elle voulait éradiquer.
Elle se revoyait, la tignasse hirsute et le regard courroucé dans cette ruelle. À l'époque, douze petites années s'affichaient au compteur et malgré la fleur de l'âge, d'énormes responsabilités reposaient sur ses épaules. Le froid mordant de l'hiver, piquait sa peau comme une kyrielle de petites aiguilles. Et malgré la fraîcheur hivernale, Andromeda était obligée de rester quasi immobile sur ce fichu trottoir.
« Tu vas voir, Ro, les gens vont t'adorer. » Avait dit sa génitrice avec toute la force de persuasion que son hypocrisie lui avait insufflée. Une phrase qui expliquait pourquoi l'enfant attendait ainsi assise sur le macadam. Faire la manche. Le job qu'Ophelia avait su garder le plus longtemps. Normal, aucune contrainte comme être à l'heure où devoir rendre son travail pour telle date. La facilité selon la elle. Et vers la période de festivité, Andromeda était sa meilleure carte à jouer. Elle était à croquer avec ses airs de sauvageon indomptable. Il était rare de repartir les poches vides en sa compagnie. Même si du feu avait pu sortir par ses oreilles. Elle attendrissait les foules « Ro » la farouche, elle charmait « Ro », elle...
Non, un autre souvenir semblait vouloir percer les brumes de son esprit bancal. À la manière, d'un kaléidoscope aux souvenirs amers et putrides, parfait. Elle allait perdre l'esprit ou du moins, le peu qui lui restait. Désormais, Andromeda se revoyait entrer dans ce restaurant. À son arrivée, un jeune homme lui sourit et vint l'enlacer. Le rempart que formaient ses bras autour d'elle lui donnait l'impression d'être invincible, immunisée contre la misère du monde. Elle aimait cette sensation, non, elle vivait pour cette sensation d'ivresse.
« J'ai une surprise pour toi. » avait-il dit, en affichant la même frimousse que les enfants au matin de Noël.
« C'est pas un peu trop tôt pour une demande en mariage et en plus dans un repaire de motards ? » elle adorait le taquiner, loin d'elle l'idée de reproduire le même schéma que ses parents. Le mariage ? Sûrement pas avant un bout de temps.
« Je sais que c'est ton fantasme, mais non. C'est... » un tic nerveux avait fait frémir la commissure de ses lèvres au moment de continuer sa phrase. Andromeda, arqua un sourcil, puis il reprit.
« Derrière moi, à la troisième table. »Piquée par le feu de la curiosité, la brune s'était penchée et avait posé son regard sur la fameuse table surprise. Le déni avait été l'émotion prédominante. Et comme tout bon dénie s'accompagne de plusieurs phases, la colère et la douleur ne tardèrent pas à poindre leur nez. Son père, se tenait dans le box miteux de la table trois. Comment l'avait-elle reconnu ? Elle était son portrait craché. Les mêmes yeux, nez, couleur de peau et surtout... Cette même émanation de frénésie ardente d'effronterie. À l'inverse, une certaine appréhension se dégageait de lui également. Comme c'était étonnant. S'attendait-il à ce qu'elle lui tombe dans les bras avec un amour inconditionnel ? Foutaises. Les sourcils de l'hispano-écossaise se froncèrent et son regard d'une profondeur abyssale s'ancra à nouveau sur son traitre de petit-ami. Ledit semeur de trouble, qui paniqua et enroula instinctivement ses doigts nerveux autour des épaules de sa douce.
« Je n'agis pas contre toi, Reyes, je pensais t'enlever une épine du pied. Il, paraissait vouloir se racheter quand je l'ai retrouvé. Et, je..»
La jeune femme leva la main afin de faire cesser ses jérémiades. Elle n’en croyait pas ses oreilles. Était-il aussi con pour croire l’amas de conneries qui découlaient de la personne assise derrière lui ?
« Stop, tu t'arrêtes tout d'suite. Je ne veux rien entendre de lui ou de toi. Tu penses avoir suffisamment de pouvoir sur moi pour savoir comment gérer ma vie ? Si c'est le cas, vas te faire foutre. »Les mots étaient cinglants et dénués de sentiments, si ce n'est de la furie et rancœur. Voilà ce qui arrive lorsque l'on donne un semblant de confiance à une tierce personne. Ça lui donne la force nécessaire pour vous poignarder dans le dos. L'adolescente tourna les talons et s'apprêtait à sortir du restaurant lorsque une idée la frappa de plein fouet. Il était têtu et ne baisserait pas les bras aussi facilement.
« Oh, et si tu t'apprêtes à franchir cette porte pour me suivre. Penses-y à deux fois, avant de te retrouver sous les roues de ma bagnole. »Jamais une rupture n'avait été aussi douloureuse. Son palpitant semblait vouloir se rétracter au possible et se transformer en cendres. Ce soir-là, Andromeda rassembla ses affaires et avec ses derniers sous en poche, s'envola vers de nouveaux horizons. Après seulement une semaine de majorité, la Caldeira, future Jones, volait enfin de ses propres ailes et sans boulet attaché à la cheville.
I had a dream we were back to seventeen, summer nights and the liberties. Never growing up, I’ll take with me the polaroids and the memories
C'était une renaissance méritée. Une gloire salvatrice, Andromeda vivait désormais en symbiose parfaite avec elle-même. Séparée de sa relation nocive avec sa mère, elle était désormais devenue un personnage solaire. Terminé ce caractère cyclothymique et bien trop impétueux. Elle avait acquis une maîtrise de soi qui lui était chère, elle régissait ses sentiments au diapason et se laissait rarement envahir par son impulsivité.
D'un regard elle peut vous détruire et d'un sourire vous conquérir. Il lui arrivait encore occasionnellement d’exploser et de reprendre ses mauvaises habitudes, mais cela était rare. Autrefois, Andromeda avait l'âme noircie, une rancœur lancinante et une rage étouffante. Elle se voyait même un jour régler de ses propres mains le compte de sa génitrice. Sans remords, sans pitié. Aujourd'hui, son esprit allait rarement vers l'Écosse. Et en Nouvelle-Zélande, Andromeda semblait s’épanouir et avoir trouvé son chemin, son foyer.