goodbyes are not forever, are not the end. it's symply means i'll miss you until we meet again.
1998, Wellington
La mort avait toujours été un concept échappant totalement à sa compréhension. Elle n’était pourtant pas une idiote, mais elle n’avait jamais réussi à comprendre comment quelqu’un pouvait être là et disparaître comme cela, du jour au lendemain. Pendant dix années de sa vie, sa mère avait été le rayon de soleil de son existence. Son père était un homme gentil, charmant et charismatique, le genre d’homme avec qui on ne discutait pas, par peur de se faire disputer, mais qui était capable de faire preuve d’amour et d’affection envers ses deux enfants. Mais il était surtout un homme absent, absorbé par son travail. Aurora avait toujours comprit cela, parce que sa mère ne cessait de lui répéter sans arrêt que son père travaillait dur pour leur offrir la vie magnifique qu’ils avaient. Il était vrai qu’ils n’avaient pas à se plaindre, c’était certain. Leur maison ressemblait d’avantage à un palace qu’à une maison familiale. Rien que sa chambre immense, avec son propre dressing et sa propre salle de bain faisaient la taille d’un appartement standard et auraient fait rêver n’importe quelle petite fille. Mais ce n’était pas cela qui la rendait heureuse. C’était sa mère qui la rendait heureuse. La belle femme semblait ne jamais manquer de temps. Certes elle ne travaillait pas, mais ses journées étaient toutefois bien remplies entre son association d’aide aux sans-abris et les cocktails et diverses réceptions qu’elle organisait pour les besoins de son mari, riche homme d’affaires. Pourtant, la femme ne semblait jamais être débordée quand il s’agissait de ses enfants. Elle était toujours disponible pour soigner leurs petits bobos, pour leur lire une histoire avant de dormir. Elle n’avait manqué aucun des matchs de baseball de son garçon, elle n’avait jamais manqué l’occasion d’emmener sa fille faire du shopping ou pour assister à ses spectacles de danse. Cette femme était d’une douceur infinie. Alors Aurora ne comprenait pas comment il était possible que comme ça, d’un coup, sans crier gare, le destin avait choisi de la lui retirer. C’était injuste. On disait que c’était toujours les meilleurs qui partaient les premiers. En cet instant, elle prenait pleinement conscience de ce que cela signifiait. Sa mère était la personne la plus gentille qu’elle ait jamais connue. Il avait pourtant suffit d’un rien pour qu’on la lui enlève, comme si l’univers avait pris conscience que cette femme était bien trop gentille, bien trop douce et qu’il avait décidé de la faire disparaître, pour rétablir l’équilibre. Un chauffard ivre, un accident, c’est tout ce qui avait été nécessaire pour lui enlever sa merveilleuse maman. Tout allait être différent maintenant. Elle n’avait disparu que depuis quelques jours mais déjà tout lui manquait : son parfum fleuri, son sourire, son rire. Maintenant qu’elle était partie, il n’y avait plus personne pour lui brosser les cheveux chaque matin, pour l’aider à choisir sa tenue. Non, désormais elle était seule et si elle s’efforçait d’être forte depuis quelques jours, la petite fille de tout juste dix ans était surtout perdue. Vêtue de la jolie robe noire que sa mère lui avait offerte et qu’elle aimait tant, elle fouillait désespérément son armoire à la recherche de la veste argentée qui allait avec. Mais elle ne la trouvait pas. Sa maman aurait immédiatement su où elle se trouvait mais maintenant, elle allait devoir se débrouiller toute seule. Cette pensée suffit à la sortir de la léthargie dans laquelle elle était plongée depuis plusieurs jours, depuis que son père avait tenté de lui expliquer que sa maman ne rentrerait pas à la maison, qu’elle les avait quitté et elle se mit soudain à pleurer. Sa mère n’avait pas eu l’occasion de lui dire au revoir, elle n’avait pas eu le temps de l’embrasser une dernière fois et de lui dire qu’elle l’aimait. Jamais plus elle n’aurait l’occasion de le faire et elle en prenait doucement conscience. Les joues baignées de larmes, elle se laissait tomber par terre, devant son dressing. Le bruit dû alerter quelqu’un, parce qu’elle entendit des bruits de pas, mais elle ne se retourna pas pour voir qui cela pouvait être. Elle sentit une présence à ses côtés et regarda son frère s’assoir à ses côtés. Ses yeux étaient rougis. Lui aussi avait dû pleurer, bien qu’il ne veuille pas l’admettre. Du haut de ses dix ans, il possédait déjà cette fierté typiquement masculine. Mais à cet instant, il semblait la mettre de côté, se montrant vulnérable et surtout présent pour sa sœur. Les jumeaux étaient deux terreurs. Ils s’entendaient bien, ce n’était pas le problème, ils s’aimaient, mais ils passaient soit leur temps à se chamailler, soit à se mettre d’accord pour faire toutes les bêtises possibles et imaginables. A cet instant, il se contentait juste d’être là pour elle et elle était touchée, bien qu’incapable de parler et d’arrêter de pleurer. Alors il prit sa main dans la sienne et la serra. Le silence était lourd, mais pas désagréable. Il n’y avait rien à dire. Pourtant, après plusieurs minutes, elle finit par sécher ses larmes du revers de la main.
« Je ne trouve pas ma veste argentée. Maman adorait cette veste. Elle l’aurait trouvée tout de suite. Mais moi je n’arrive pas à la trouver », souffla-t-elle d’une voix triste, brisée par les larmes. Son frère posa un regard surprit sur elle, mais n’ajouta rien. Il semblait comprendre que ce n’était pas l’absence de la veste qui la rendait si triste, mais le fait que sa mère ne soit pas là pour l’aider à la chercher. Sans lui adresser la parole, il se leva et fouilla minutieusement chaque parcelle de l’armoire de sa sœur, jusqu’à mettre la main sur la veste argentée, qu’il passa autour de ses épaules.
« Voilà », souffla-t-il gentiment, en lui adressant un sourire. Il était merveilleux. C’était un garçon parfois capricieux, qui pouvait sembler froid et parfois même méchant, mais avec elle, il avait toujours été protecteur et attentionné. Il avait un autre visage avec elle, quand bien même ce n’était qu’un enfant.
« Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? Papa travaille tout le temps, il n’est jamais à la maison et maintenant maman n’est plus là. On va être tous seuls », finit-elle par dire, en serrant sa veste contre elle. Elle se sentait perdue, elle avait perdu tous ses repères. Son père n’était pas un parent manquant d’amour, c’était simplement un parent absent et occupé. C’était sa mère qui s’occupait de tout, mais maintenant qu’elle n’était plus là, elle ne savait pas ce qui allait arriver.
« On n’est pas tous seuls. On est tous les deux », répondit-il en passant son bras autour de ses épaules. C’était pour cette raison qu’elle aimait tant son frère. Il avait les bons mots pour la rassurer. C’était comme s’ils partageaient le même esprit, que leurs cœurs étaient sur la même longueur d’ondes, battaient sur la même fréquence. Ils se comprenaient sans même avoir besoin de parler.
« Tu promets ? », demanda-t-elle avec un faible sourire sur les lèvres. Elle ne doutait pas de sa parole pourtant, qu’importe ce qu’il pouvait dire. Elle ne pouvait pas imaginer sa vie sans cette proximité qu’elle partageait avec son frère et elle était à peu près certaine qu’il ressentait la même chose.
« Pour toujours », répondit-il simplement, de sa voix enfantine. C’était une promesse qui, avec les années, prendrait toujours plus d’importance et aurait toujours plus d’impact sur leurs vies. Mais pour l’heure, ce n’était que la promesse d’un frère, faite à sa sœur, une promesse d’enfants face au chagrin.
« Et à jamais », acheva-t-elle en prenant sa main dans la sienne.
have i mentioned today how lucky i am to be in love ?
2008, Wellington
Dix années étaient passées depuis la mort de sa mère. Dix années, mais elle avait plutôt l’impression que c’était dix siècles. Elle avait beaucoup changé. Elle était devenue une toute autre personne, plus froide, loin de la petite fille souriante et pleine de vie qu’elle avait été dans le passé. Son cœur était devenu plus froid, plus sombre. C’était sans doute dû à l’éducation fournie par une nourrice, plutôt que par un père ou parce qu’elle passait trop de temps sous la mauvaise influence de son frère. Quoi qu’il en soit, les années étaient passées et elle avait progressivement essayé de se reconstruire avec l’absence de cette personne qu’elle aimait plus que tout, dont elle avait tant besoin dans sa vie. Oh, son père avait bien essayé de leur retrouver une maman. Il s’était même marié trois fois, ces dix dernières années. Mais aucune de ces femmes n’avait trouvé grâce aux yeux d’Aurora qui avait mis beaucoup d’énergie à les détester, toutes autant qu’elles étaient. Certaines avaient été plus sympas que d’autres, certaines auraient même pu lui plaire, mais aucune ne pouvait remplacer sa mère disparue et elle ne le voulait pas, de toute façon. Elle ne faisait pas grand-chose de sa vie. Elle se contentait d’exister. Ses notes à l’école avaient été excellentes et elle était même partie à l’université, pendant quelques années, mais elle était rentrée deux ans plus tard, sans diplôme et sans la moindre envie d’aller jusqu’au bout de ses études. Contre toute attente, c’était finalement un homme qui lui avait redonné envie de prendre goût à la vie. C’était un homme qui avait réussi à refaire battre son cœur. Et c’était une chose plutôt difficile. Depuis que la jeune femme était en âge de s’intéresser aux garçons, son frère avait tout fait pour la briser, pour lui briser le cœur. Il avait fait fuir tous les hommes s’approchant d’elle et elle avait pleuré à chaudes larmes bien des fois à cause de lui. Il prétendait que c’était pour la protéger qu’il agissait de la sorte mais curieusement, elle en doutait fortement. Elle était certaine que c’était parce qu’il avait peur qu’elle ne finisse par l’abandonner et par se désintéresser de lui, qu’il se comportait comme le roi des connards. Mais désormais, il y avait Damian. Il avait ce quelque chose en plus que les autres n’avaient pas. Il était capable de la faire rire, il était intéressant, il ne semblait pas non plus en avoir après la fortune de son père. Fils de bonne famille, il avait fait de brillantes études pour devenir médecin. Il étudiait toujours, et c’était sur le campus qu’ils s’étaient rencontrés, alors que la jeune femme accompagnait son père, invité à remettre un prix pour elle ne savait plus quel concours. Depuis qu’elle était rentrée à la maison, la seule chose que la jeune femme avait à faire, c’était suivre son père partout et sourire comme une greluche pour qu’il lui donne une carte bancaire et un accès illimité à son compte. Et l’on pouvait dire qu’elle assumait son rôle à merveille. Elle avait tout pour être heureuse. Hormis le fait que pour protéger sa relation, elle était obligée de vivre cachée. Elle n’avait pas encore présenté Damian à sa famille, parce qu’elle craignait un peu quelle serait la réaction de son frère. Mais tôt ou tard, elle devrait le faire, parce qu’elle était réellement amoureuse de cet homme.
« A quoi est-ce que tu penses », demanda-t-il, en la pressant d’avantage dans ses bras. Ils étaient tous les deux assis sur l’herbe, dans le parc, profitant du soleil en cette belle journée. Les cheveux dans le vent, la jeune femme inspira profondément l’odeur plaisante de la nature. Un sourire naquit sur son visage, tandis qu’il embrassait doucement sa gorge. Elle se sentait bien, elle n’avait pas envie que ce bonheur disparaisse.
« Je pensais qu’il était peut-être temps de te présenter à ma famille. Officiellement s’entend », souffla-t-elle simplement, en fermant les yeux. Elle ne pouvait pas le voir, pourtant elle était certaine qu’il souriait. Depuis le temps qu’il désirait cela, mais qu’elle le lui refusait. Elle ne pouvait pas lui expliquer pourquoi, certaine qu’il ne comprendrait pas cette relation étrange qu’elle entretenait avec son frère. Alors elle avait gardé le silence, se contentant de lui dire qu’il était trop tôt pour les présentations officielles.
« Tu es libre pour le déjeuner dimanche ? », ajouta-t-elle, le regard perdu sur les vagues qui s’échouaient sur ses pieds. La jeune femme sentit son nez se perdre dans ses cheveux et un sourire se dessina sur son visage. Elle ne laisserait pas Jackson tout gâcher. Pas cette fois. Il était temps maintenant qu’elle tienne tête à cet idiot.
« Qu’est-ce que j’aurais de mieux à faire ? », répondit-il simplement en embrassant doucement sa tempe. Et si le déjeuner en question se passa bien et que son frère se comporta comme un être normal, elle n’avait pas imaginé un seul instant ce qu’il se passerait des mois plus tard.
it's hard to forget someone who gave you so much to remember
2009, Wellington
Tout était fichu. Tout était terminé. Une fois de plus, c’était son cher frère qui avait tout gâché en s’immisçant dans sa vie, comme il avait tant l’habitude de le faire. Elle n’était plus surprise, vu le nombre de fois où son jumeau avait mis son nez dans ses affaires, de voir qu’il était à l’origine de tout cela. Mais cette fois, c’était bien douloureux que par le passé. Damian avait vraiment commencé à prendre une grande importance dans son univers. Il était devenu le centre de son monde. Et forcément, Jackson ne l’avait pas supporté. Cependant, elle avait eu l’espoir de s’installer avec Damian d’ici peu, dans un appartement rien qu’à eux, où ils seraient loin des magouilles de son jumeau. C’était peine perdue. Jackson avait toujours une longueur d’avance sur elle, ce n’était pas nouveau. Mais elle ne l’aurait pas pensé tordu à ce point. Elle pensait qu’il se serait rendu compte qu’elle était vraiment amoureuse de Damian et qu’il était l’homme qui pourrait la rendre heureuse. Mais avec son obsession de tout contrôler, le jeune homme n’en faisait qu’à sa tête. Selon lui, personne n’était assez bien pour sa sœur et il se chargeait bien de lui faire comprendre qu’il ne laisserait aucun homme l’approcher d’assez près pour la faire chavirer. Folle de rage, des larmes roulant sur son visage de poupée, elle poussa la porte de l’immense appartement qu’elle partageait avec son père et son frère. Elle allait le tuer. Au moins, il ne lui ferait plus jamais le moindre mal.
« JACKSON ! », hurla-t-elle, dès la porte franchie, sans prendre la peine d’enlever sa veste ou ses chaussures. Son cœur battait à tout rompre dans sa cage thoracique, si douloureux qu’elle avait la sensation qu’elle allait s’effondrer d’une seconde à l’autre, incapable de respirer plus longtemps. Jamais encore elle n’avait ressenti une telle douleur, pas même quand sa mère était morte. Ce n’était pas que de la tristesse, liée à la perte d’un amour. Elle avait l’impression de sentir son cœur se fendre en deux morceaux, se déchirer de l’intérieur, une douleur causée par la trahison de l’homme qu’elle aimait et de son propre frère. Folle de rage, elle poussa la porte de la chambre de son jumeau, qu’elle trouva installé sur un fauteuil, les sourcils levés, les doigts croisés son menton, son éternel sourire en coin sur les lèvres, comme s’il l’attendait. Sans réfléchir, sans prendre le temps de dire quoi que ce soit, la jeune femme s’avança vers lui et lui flanqua une gifle plus violente encore qu’elle ne l’aurait voulu. Elle était amplement méritée cependant. Jackson la dévisagea, visiblement stupéfait. Il fallait dire qu’il n’avait pas l’habitude que sa sœur lui tienne tête. Généralement, la jeune femme laissait à son frère le loisir de faire ses frasques sans jamais rien dire, se contentant de ramasser les pots cassés. Mais cette fois, il était allé beaucoup trop loin et elle ne pouvait le tolérer.
« Je peux savoir ce qui te prend ? », brailla-t-il en la fusillant du regard. C’était le comble. C’était lui qui était en colère. Elle n’arrivait pas à le croire. Tout était de sa faute. En posant son regard sur son visage, la jeune femme se remémora la raison de sa colère, ce qu’elle avait surpris plusieurs minutes plus tôt. En rentrant chez son petit ami, la jeune femme s’était retrouvée dans un salon sens dessus dessous. Des bouteilles vides trônaient sur la table basse du salon, de la poudre blanche à côté. Inquiète, elle s’était rendue dans la chambre de son compagnon, sachant parfaitement que ce genre de comportement ne lui ressemblait pas, pour le retrouver nu, en compagnie de deux charmantes jeunes femmes. Son cœur s’était brisé, mais elle était dans un état de rage proche de l’hystérie quand il lui avait annoncé que c’était Jackson qui avait organisé cette soirée. Lui aussi c’était pris une claque avant qu’elle ne disparaisse, dans le but de s’en prendre à son ainé.
« Tu oses seulement poser la question ? Espèce de salop », s’écria-t-elle en le frappant à l’épaule. Le jeune homme fronça les sourcils, mais au lieu de s’énerver, il se leva et afficha son sourire triomphant. Il était plus grand qu’elle, mais elle ne se laissa pas impressionner pour autant, fronçant les sourcils à son tour, tandis qu’elle essayait de retenir ses larmes de se remettre à couler.
« Tu ne vas quand même pas me tenir rigueur pour ça ? Allons Aurora, tu es une fille intelligente. J’ai organisé cette fête, mais je ne l’ai pas forcé à boire, pas plus que je ne l’ai pas forcé à prendre de la drogue. Cela dit je reconnais que quand je l’ai vu tripoter ces deux blondasses, j’aurais pu lui rappeler ton existence, mais à quoi bon ? Je tenais enfin l’occasion de te montrer qu’il n’est pas digne de toi », souffla-t-il avec arrogance et fierté. Chaque cellule de son être, jusqu’à son sourire, reflétaient son arrogance. Elle avait envie de lui faire payer tout ce qu’il pouvait lui faire subir depuis des années. Il se prétendait protecteur, mais il ne voulait en vérité qu’une chose : gâcher sa vie. Et quand bien même il avait raison sur le fait qu’il n’avait pas forcé Damian à boire et à se droguer, il était certain qu’il l’avait manipulé, comme il le faisait avec tout le monde. La rage la gagnant à nouveau, le sang de la jeune femme ne fit qu’un tour.
« Je te déteste ! », hurla-t-elle en le frappant de toutes ses forces à la poitrine. Il sembla s’en accommoder ne bronchant pas, n’esquissant pas même un pas en arrière. Quant à elle, elle frappait de toutes ses forces, jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus. Alors ses larmes recommencèrent à ruisseler sur ses joues et son frère esquissa un pas dans sa direction.
« Ne me touche pas ! Tu n’es qu’un connard ! Ne me touche surtout pas. J’aurais voulu que ce soit toi qui meurs, pas maman. Comme ça, on aurait eu une vie normale, loin de toi ! Un jour je te préviens, tu vas le payer », hurla-t-elle en reculant d’un pas. Mais elle chavirait sur ses jambes, elle chancelait, incapable de tenir debout. Le jeune homme la rattrapa et elle s’effondra dans ses bras, laissant libre cours à son chagrin. Elle savait pourquoi il faisait cela. Pour la même raison qu’elle surveillait chacune de ses histoires et qu’elle mettait son nez dans tout. Ils s’étaient promis d’être là l’un pour l’autre et de se protéger après la mort de leur mère. Mais chacun tenait sa parole à sa façon. Jackson avait une façon d’agir bien plus mesquine et manipulatrice qu’elle. Et le pire, c’était qu’elle ne pouvait pas réellement lui en vouloir. Quand bien même ses méthodes étaient répréhensibles, mais il était réellement persuadé que personne n’était digne d’elle et que par ces moyens tordus, il la protégeait.
« Tu projetais de t’installer avec lui et de partir loin de moi. Je ne pouvais pas accepter que tu fasses cela pour un type qui n’est pas digne de toi. Je n’ai cherché qu’à te protéger. Pour toujours et à jamais », souffla-t-il dans ses cheveux, en la serrant dans ses bras. Une fois de plus, elle savait qu’elle allait le pardonner. Parce qu’au fond d’elle, elle avait besoin de lui. Elle n’avait que lui. Et il le savait.
my silence is not weakness but the beginning of my revenge
2017, Wellington
Elle tenait sa vengeance. Au fond d’elle, la jeune femme avait parfaitement conscience d’à quel point elle était tombée bas. Mais après Damian, il y avait eu d’autres hommes que son frère avait fait fuir. Elle avait eu tort de penser qu’il serait capable de changer. Cela n’avait pas été le cas et il s’était montré toujours plus manipulateur, toujours plus cruel jusqu’à ce qu’il n’arrive à la changer, à lui faire perdre son innocence. Avec les années, elle était devenue comme lui, en moins pire. Elle était devenue cette peste manipulatrice, capable d’embobiner les gens et de leur faire des frasques, juste pour punir son frère. Surtout si elle pouvait punir son frère. Elle s’était renfermée sur elle-même, n’ouvrant plus son cœur aux gens qui pouvaient l’entourer. Elle n’avait que peu d’amis, parce que Jackson ne supportait pas qu’elle soit trop proche de quelqu’un d’autre que de lui. Son but ultime était sans doute qu’elle se sente dépendante de lui, qu’elle n’ait personne d’autre sur qui elle puisse compter. Mais cette fois, c’était lui qui se ferait piéger à son propre jeu. Le dévisageant, alors qu’ils étaient attablés à la table de la cuisine de l’appartement de la jeune femme, pour le petit-déjeuner, elle voyait ses sourcils se froncer tandis qu’il ne lâchait pas son écran de téléphone du regard.
« Un problème ? Tu as l’air contrarié », souffla-t-elle avec un sourire mesquin. Evidemment, une part d’elle se doutait de ce qui pouvait tracasser son frère. Cela fait plus d’une semaine qu’elle savait. Mais comme il ne s’était toujours rien décidé à lui dire, elle non plus n’avait pas ouvert la bouche.
« C’est rien », répondit-il, de son ton tranchant qui prouvait que ce n’était pas rien. Impatiente, la jeune femme leva les yeux au ciel, exaspérée. Elle le connaissait bien trop, elle savait que quelque chose clochait et qu’il tentait de minimiser ce qu’il se passait. Et elle n’avait pas envie de tourner autour du pot encore longtemps. Avec impatience, elle fit claquer ses ongles sur la surface vernis de la table en bois.
« Je n’ai pas de nouvelles de Cassie », ajouta-t-il finalement, après avoir gardé le silence un petit moment. La jeune femme dut s’empêcher avec grandes difficultés de sourire. Cela n’avait rien de drôle, au final. Et pourtant. Elle savait que ce qu’elle avait fait était mal, mais elle s’en réjouissait par avance. Quand elle s’était rendu compte que son frère fréquentait la même femme depuis plusieurs semaines, sans se lasser, elle avait su qu’elle tenait sa vengeance.
« Oui, c’est normal, tu ne risques plus d’en avoir », répondit-elle simplement avec un petit sourire. Sans rien manquer de la réaction de son frère, de son visage qui passa de la stupéfaction à la colère, la jeune femme n’ajouta rien, se contentant d’attendre que la bombe n’explose.
« Quoi ? Comment ça c’est normal ? », s’écria-t-il en la fixant de son regard mauvais. Toujours silencieuse, la jeune femme porta sa tasse de thé à ses lèvres et en avala une gorgée, imperturbable. Elle avait pris l’habitude d’ignorer les crises de colère de son frère depuis le temps et généralement, elle se contentait de l’ignorer.
« Aurora, qu’est-ce que tu as encore fait ? », beugla-t-il, visiblement en colère. Reposant sa tasse en porcelaine dans sa soucoupe, la jeune femme haussa les sourcils. Ce qu’elle avait encore fait ? Justement, pendant des années, elle n’avait rien fait, mais elle aurait dû agir, depuis bien longtemps déjà.
« Oh, trois fois rien. Ou plutôt, je lui ai faits un chèque de cent mille dollars pour disparaître. Ce qu’elle a accepté évidemment », répondit-elle avec le sourire. Comme s’il s’agissait de la nouvelle la plus logique du monde, elle continua à siroter son thé. Son père allait sans doute avoir une crise cardiaque quand il verrait que cent mille dollars manquaient sur son compte, mais cela en valait largement la peine, vu la tête que Jackson faisait. Le jeune homme semblait contrarié, fou de rage, au bord de l’implosion. La veine de sa tempe battait dangereusement. Et elle devait bien avouer qu’elle prenait un grand plaisir à être celle l’ayant plongé dans cet état.
« Espèce de sale garce », rétorqua-t-il en frappant de son poing sur la table. Les sourcils de la jeune femme se froncèrent une nouvelle fois. Cette fois, elle était sérieusement contrariée. Furieuse, elle le fusilla du regard.
« Bon sang, un peu de respect, cette table a coûté au moins dix mille dollars », répondit-elle avec humeur. Reprenant contenance, la jeune femme repoussa ses cheveux en arrière et lissa un pli imaginaire sur sa jupe. Elle était légèrement maniaque et maniérée. Mais elle le vivait bien.
« De si vilains mots dans une si jolie bouche. Je n’aurais pas pensé que cela te contrariait autant mon frère. Se pourrait-il qu’au final, ton cœur ne soit pas si froid et que tu sois capable de faire preuve d’amour ? », demanda-t-elle en haussant les sourcils, la voix chargée d’ironie et de sarcasme. Elle savait qu’elle avait touché la corde sensible et elle y prenait un grand plaisir. Vidant sa tasse de thé d’une traite, elle l’observa avec arrogance et mépris. Il avait mérité ce qui lui arrivait. Cela faisait des années qu’elle aurait dû se rebeller.
« C’est mignon. Mais ce n’est pas ma faute. Je n’y peux rien si pour elle, ton amour ne valait rien. Ou du moins, si ton amour ne valait que cent mille dollars. Entre nous, vu que tu es le fils de l’un des hommes les plus riches de Nouvelle-Zélande et que tu es incroyablement charmant, j’aurais tenté de négocier le double. Enfin … C’est ça de fréquenter le petit peuple. Un peu d’argent et on obtient tout ce qu’on veut d’eux. Mais je t’avais promis qu’un jour tu le paierais. Et je tiens toujours mes promesses », souffla-t-elle avec un sourire fier et arrogant. Elle avait parfaitement conscience qu’elle allait s’attirer les foudres de son frère, mais pour une fois, elle pensait à elle avant de penser à lui. Elle en avait assez de se laisser manipuler parce qu’elle avait peur des représailles. Sa tasse en main, la jeune femme se leva pour la mettre dans l’évier, passant près de Jackson qui lui attrapa le poignet, le serrant un peu trop fort entre ses doigts.
« Ah, ne me menace pas. Soit mignon et lâche-moi. Pour toujours et à jamais, tu te souviens, mon frère ? », ajouta-t-elle en souriant d’avantage face à sa mine colérique. Le jeune homme la fusilla du regard, mais se contenta de la lâcher, tandis qu’elle déposait la tasse dans l’évier, la laissant à la bonne charge de la femme de ménage. Elle s’approcha du jeune homme dans son dos et posa sa main sur son épaule, dans un geste réconfortant. En vérité, elle ne voulait pas lui faire de la peine. Juste lui faire comprendre ce qu’il lui faisait endurer depuis des années.
« Tu devrais te préparer. Papa compte nous présenter sa nouvelle copine qui sera probablement notre future ex belle-mère dans un an ou deux. Nous devons faire bonne impression », acheva-t-elle en s’éloignant de lui. Chaque problème à la fois, chaque chose en son temps. Et sa prochaine belle-mère était un problème bien plus important que son frère pour l’instant.