Eve -

01. Mon père ne voulait pas, vraiment pas. Qu'importe, moi j'en avais envie, alors je l'ai fait. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été comme ça. Faire ce dont j'ai envie sans penser aux autres, ni aux conséquences de mes actes. Personne ne m'a jamais fait changer d'avis, nombreux sont ceux qui ont essayé sur plusieurs sujets. Cette fois, ça me prenait aux tripes, j'étais fascinée, documentée et sûre de moi. J'ai passé mon permis moto il y a deux ans et dans la foulée je me suis payée une superbe bécane. Une zx6r, un bijou. Je la possède encore aujourd'hui, même si j'en ai deux autres dans mon garage : Ninja H2R et Ninja 125. Fidèle à Kawasaki. C'est la première chose que je me procure à cause d'un garçon. Lui qui m'a donné le goût de l'aventure, cet homme qui a perdu des années de sa vie par ma faute. 02. L'amour de ma vie, celui qui ne me fait jamais défaut, toujours présent pour moi et dans n'importe quelle situation.. Mon Davis, mon chouchou, mon petit cœur et tellement d'autre petits noms. Un cavalier king charles blenheim, une boule d'amour et de gourmandise. Quand j'ai pris un appartement pour quitter la villa familiale, je me suis sentie un peu seule, j'avais besoin d'une compagnie et l'idée d'une petite boule de poil s'est très vite imposée à moi. J'ai fait des recherches, comme à mon habitude, et suis tombée en amour sur cette race. Depuis bientôt cinq ans maintenant, Davis est dans ma vie et dans mon cœur. Je peux être très agressive quand on s'en prend injustement à lui. Comme la fois où j'ai envoyé bouler une femme "allergique" aux chiens qui cherchait à nous faire changer de banc dans le parc. Jamais au grand jamais je ne ferais passer des inconnus avant le bonheur de mon toutou. 03. Quitte à parler des amours de ma vie, autant m'y coller tout de suite. Une des plus importantes part de mon adolescence est partie avec Killian il y a huit ans. Il faut savoir qu'avant lui je n'ai eu aucune relation sérieuse. J'ai bien eu quelques histoires, mais personne capable de me tenir tête, toutes des chieuses qui ne supportaient pas la moindre remarque. Je suis plutôt compliquée à vivre je ne le cache pas, il me faut un partenaire qui me tienne tête, sinon je les mange tout cru. Il ne m'attirait pas, avec sa moto vulgaire et ses cigarettes bon marché, même pas capable de fumer de la merde correctement. Ce mec qui serait beau s'il n'était pas aussi négligent. Son allure m'agaçait, ses airs, son attitude. C'était plus fort que moi, il fallait que ça sorte, quand une pensée traverse mon esprit, il ne lui faut qu'une fraction de seconde pour sortir par ma bouche. Je ne regrette jamais mes paroles, parfois méchante et sèche, c'est une des règles que je me suis fixée. Une remarque acerbe, une réponse cinglante et la valse débutait. Ce fût une relation éreintante, tumultueuse, brève, magique, involontaire. Le cœur a ses raisons que la raison ignore. 04. L'une des raisons pour lesquelles ma relation avec Killian s'est interrompue net -pour ne pas dire LA raison- est le fait que mon père n'a jamais accepté cet amour. Peut-être que sans son acharnement, cette histoire n'aurait pas eu autant d'importance, on ne le saura jamais. Toujours est-il que la façon dont les choses se sont déroulées font que ce n'était plus une histoire d'amour adolescente banale. La plupart des ados de dix-sept ans ont des relations amoureuses, c'est une des phases importantes de la vie, se découvrir et découvrir le désir. Killian a été mon premier véritable amour, celui qui vous tord le ventre, qui pince, qui fait mal et qui nous rend tellement ivre de bonheur qu'on en vomirait. Une histoire qui s'est construite sur la tendresse, l'amour et sur beaucoup d'insultes. Ce n'était pas de tout repos, c'était volcanique et ça me faisait vibrer comme jamais. Sauf que le malheur des uns fait le bonheur des autres. Une mineure, un majeur + un parent influent = beaucoup d'emmerdes. J'ai essayé de maintenir mes parents à distance, de garder mon petit coin de bonheur. Il était trop puissant et Killian trop vulnérable. Un casier judiciaire remplit, une plainte et tout bascule. Je ne peux rien faire, la façade se fissure et l'intérieur est détruit. Huit longues années. C'est trop. Peu importe, on ne m'empêcherait pas de lui rendre visite, des jours, des semaines, des mois. Je me disais que c'était peut-être possible, huit ans ce n'était pas si long, finalement.05. Ou peut-être que si. Il peut se passer beaucoup de choses en huit ans, un rien peut faire basculer une vie. C'est ce qu'il s'est produit. Les journées étaient longues et épuisantes, entre les études et les visites à Killian, j'essayais de partager mon temps entre mes amis et mes parents, avec qui j'avais gardé contact malgré tout. Ils l'ont fait par amour, je le comprends même si je ne l'accepte pas. En rentrant un soir il y a de ça environ sept ans, ma vie a changé à jamais. Une annonce, une parole, un mot et beaucoup de larmes. Cancer. Cela avait commencé par une masse près du sein droit, des examens, des résultats. Du jour au lendemain, je n'avais plus le temps pour des visites en prison, chaque seconde de mon temps libre était précieuse. Il fallait faire vite, trouver des solutions, des médecins compétent. Chaque jour était un défi. On s'est battues, ensemble, ma mère et moi, pendant trois longues années. Il y avait eu des hauts, on nous parlait de rémission, de l'espoir, puis les bas. Généralisé. HAD. Fin de vie. Je disais au revoir à une des personnes que j'aimais le plus au monde. Maman, je t'aimerais toujours, tu m'entends ? Toujours ! S'en suit une période sombre, dépression, vide, manque. Les larmes coulent à l'évocation de son souvenir. 06. J'ai décidé de lui rendre hommage, de m'investir. J'ai profité de mon statut au sein de la société pour me faire entendre. J'organise énormément d'évènements mondain dont les recettes vont directement à une association de recherche contre le cancer. Cette maladie qui devient plus meurtrière encore chaque année. J'aime m'investir dans cette cause, je me sens utile et je le fais seulement pour elle. J'ai décidé de faire la guerre à cette maladie, je suis en contact avec les chercheurs, je n'hésite pas à les aider à chaque fois que c'est nécessaire. Je ne suis pas pour autant la fille parfaite qui vie pour l'écologie, l'égalité pour tous et toutes ces conneries. Je ne mène des combats seulement s'ils me touchent directement. Je ne veux pas consacrer ma vie à défendre celle des autres, je ne suis pas avocate non plus. Chacun son truc. 07. Les relations avec mon père se sont apaisées ces dernières années, le pardon s'est fait au fil du temps, à mon rythme. De toute façon ça ne servait à rien de vivre en guerre, j'avais déjà perdu un parent je tenais à garder mon père à mes côtés. On ne parlait plus de Killian, même s'il restait dans un coin de ma tête. Le fait que je fasse des études dans son domaine nous a beaucoup rapprochés moi et mon père, on partageait notre amour de la mode. Aujourd'hui, on se voit tous les dimanche pour manger en famille. Récemment, il m'a présenté une femme. Je l'ai eu dur, j'ai repensé à ma mère, j'ai pensé qu'il était trop tôt. Je lui en ai voulu, je lui ai dit qu'il n'avait pas le droit au bonheur puisqu'il avait gâché le mien des années auparavant et qu'en plus, il insultait maman en faisant ça. Puis deux semaines plus tard, je me suis excusée. J'ai été trop loin, c'est un fait, je ne regrette rien, mais inutile d'être une pétasse pour autant. Depuis, j'ai appris à connaître Diane et sa fille. Je ne sais pas encore si on s'apprécie réellement, mais nous nous tolérons et c'est déjà pas mal pour ma part. 08. En parallèle de mes études de marketing, je travaille avec mon père, un peu comme un stage non rémunéré. Je l'aide, je lui donne des conseils et il m'apprend le métier, en vue de me laisser diriger l'entreprise dans les années à venir. C'est une des choses qui n'ont pas changé depuis ma naissance, un avenir tout tracé que j'accepte avec joie. J'aime ce métier, ce monde de la mode où tout est fait pour en mettre plein les yeux aux autres. Il faut être impitoyable pour exercer dans ce milieu et je sais que j'ai la trempe pour réussir. Même si beaucoup diront que je n'ai aucun mérite car je vais hériter d'un empire déjà construit, je dirais que la mode est en constante évolution et qu'il faut savoir ce qu'on fait pour rester sur le podium. 09. Une des choses que j'aime le plus dans ma vie, ce sont les voyages. Je fais plusieurs voyages par an, à chaque vacance. Parfois avec mon père, d'autres fois avec des amies et c'est déjà arrivé que je parte seule à l'aventure. Je n'ai pas à m'inquiéter de l'argent, je choisis simplement un hôtel de luxe, je réserve et je décolle en première classe. Il y a des endroits encore inconnus que je rêve de visiter. Les voyages ne sont pas simplement fait pour me détendre, mais pour m'ouvrir au monde, je veux quitter ce monde en étant sûr d'y avoir parcourut chaque recoin. Je me suis ouverte aux autres cultures, j'ai appris beaucoup de choses lors de mes voyages, même si mon sale caractère est tenace.  10. Huit ans. J'ai appris qu'il était sorti et ça m'a fait un choc. Je ne l'avais pas oublié, simplement mit de côté dans un coin de ma tête. Au début, je ne savais pas quoi faire. Aller m'excuser ? Après tout, c'était de ma faute s'il était derrière les barreaux. Et puis non, hors de question de le revoir. Ou si ? La curiosité. Qui était-il devenu ? Huit ans ça vous change un homme. La peur. Et s'il m'en voulait et qu'il venait me tuer pendant mon sommeil ? Idiote. N'importe quoi. Pendant des semaines mon cœur bondissait à chaque coin de rues. Puis rien, toujours rien. Il m'a peut-être oubliée, finalement. Ce n'est pas plus mal. Continuons notre vie comme ci de rien était.